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L'art est-il utile?

Publié le 03/01/2005

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Toutefois, n'est-il pas difficile de rapprocher l'oeuvre d'art et les produits de la technique ou de l'artisanat, l'art et ce qui est utile ? Devant un tableau, l'amateur d'art sait bien que la question « à quoi ça sert ? » est dépourvue de sens. La conception fonctionnelle de l'oeuvre d'art ne connaît-elle pas de limites ? * Inutilité de l'oeuvre d'art : toute oeuvre d'art peut apparaître comme complètement inutile. C'est, qu'en effet, sous un certain angle, l'utile ne vaut guère, l'utile est toujours laid, comme le disait Théophile Gautier et aussi, dans Intentions, Oscar Wilde. Loin des trivialités de l'existence quotidienne, l'art engendre une activité tout aussi précieuse que désintéressée. L'oeuvre d'art, loin de toute tendance pratique ou utilitaire, m'arrache à mon propre univers et me ravit. Elle m'introduit dans un monde autre et m'entraîne à mille lieues des conditions concrètes de l'existence. Loin de procurer l'utile ou l'agréable, l'oeuvre d'art nous arrache à eux.

« La recherche de la beauté idéale platonicienne est le propre de la Grèce Antique.

En Occident, il faut attendre laRenaissance et le moment où l'art se dégage de l'idée exclusive d'un savoir-faire pour que les arts plastiquesdeviennent l'objet d'un discours théorique qui les consacre comme une activité autonome.

En Chine, ce discours estélaboré depuis le VIIIe siècle après J.-C.

et l'art y existe pour lui-même.

L'œuvre d'art offre donc une impressiond'autosuffisance. Si apparemment elle se suffit à elle-même, on peut se demander si une œuvre d'art est utile.

Autrement dit, leproduit d'une activité humaine, à laquelle il doit sa conception et sa réalisation, destiné a priori à la contemplation,peut-il être considéré comme un moyen en vue d'atteindre une fin quelconque ? Dans la société contemporaine,nous avons tendance à distinguer l'art des produits issus de l'industrie, dont la fin est d'être soit consommés, soitutilisés en vue d'un usage quelconque dont ils ne sont que le moyen.

Pourtant la satisfaction que l'on éprouve aucontact d'une œuvre confère un sens à la question précédemment posée.

Son élucidation nous permettra de(re)découvrir la raison d'être d'une œuvre d'art ; on la percevra de façon différente à quel titre elle peut ou nons'avérer utile - enjeux importants à l'heure où l'on déplore souvent la faible fréquentation des musées. Observons dans un premier temps ce qui nous inciterait à opposer art et utilité, avant de comprendre, dans undeuxième temps, l'utilité de l'art qui pourrait bien être, paradoxalement, de nous libérer d'un monde machinal etpragmatique, où prédomine la recherche de l'utile. L'art qui vise la création du beau s'affranchit de l'utile.

L'esthétique Kantienne insiste à la fois sur la liberté del'artiste et sur l'impossibilité d'expliquer la beauté par une finalité extrinsèque à l'œuvre elle-même.

Selon Kant dansCritique de la faculté de juger : " tout intérêt présuppose un besoin ou en produit un ".

Or l'art, semble-t-il, nerépond à aucun besoin.

L'art n'est pas nécessaire au maintien de la vie ; jusqu'à preuve du contraire, on peut sepasser de toiles de maître sans mettre sa vie en danger ! De fait, les fruits peints, en 1791 par J-B Siméon Chardinsur le tableau Le panier de fraises des bois, ne sollicitent pas notre gourmandise.

Par ailleurs, une musique ne nousrenseigne pas sur l'époque à laquelle elle fut composée.

Ainsi l'art ne répond vraisemblablement pas non plus à unbesoin culturel - qui varierait selon les individus ou les artistes et leur Histoire. Derrière le besoin se profile le désir, comme manque dont la radicalité ne saurait se satisfaire d'aucun objet,s'accompagnant le plus souvent d'une souffrance.

Or la réalisation ou la contemplation d'une œuvre d'art ne peutêtre source d'un tel désagrément que par effet interposé.

Si un portrait nous rappelle quelqu'un qui était cher à nosyeux, aujourd'hui disparu, le désir que nous aurons eu de la revoir se traduira par une grande détresse devant leportrait.

Cependant c'est le souvenir qui est seule cause de cette douleur - un autre spectateur devant le mêmeportrait, pourra se rappeler quelqu'un qu'il connaît et trouver amusant de se retrouver face à un sosie vieux dequelques siècles.

Hegel pense que " les relations de l'homme à œuvre d'art ne sont pas des relations du désir.

Il lalaisse exister pour elle-même, librement en face de lui, il la considère sans la désirer, comme un objet qui neconcerne que le coté théorique de l'esprit.

" Ainsi dans la peinture occidentale, l'archétype de la beauté sensiblesera le corps féminin dans sa couleur carnée qui en révèle la vie et appelle le désir.

Mais en même temps, le plaisiresthétique doit rester différent du plaisir érotique sous peine d'être recouvert et évacué par lui.

Pas de plaisiresthétique sans fascination, mais la séduction ici implique aussi la distance et la réserve appelé par lareprésentation picturale. On est ainsi conduit au concept de " désintéressement " qui, selon Heidegger, doit être perçu de manière positivepuisque le " désintéressement " libère l'objet représenté de la volonté qui voudrait l'accaparer ou l'utiliser, pour le "laisser être ".

Kant écrivait ainsi " le goût est la faculté de juger un objet par la satisfaction ou le déplaisir, d'unefaçon toute désintéressée ".

En d'autres termes, la contemplation désintéressée du beau artistique procure unesatisfaction irréductible à un simple agrément et requiert l'assentiment d'autrui. Mais comment alors imaginer qu'un objet d'art, idéal de beauté désintéressée, puisse avoir une valeur d'échange luiconférant une valeur marchande ? Une œuvre d'art dès qu'elle est considérée de façon utilitaire ne cesse-t-elle pasd'être appréciée pour sa valeur artistique ? Certes, dès la Renaissance, elle fut l'objet de spéculation entremécènes, collectionneurs et artistes.

Cependant la société capitaliste l'a transformée en vulgaire marchandise, uneimage sans qualité, vidée de toute profondeur et de tout élément sacré.

Paradoxalement, l'art devient alors inutile,devenant produit de luxe par son prix et sa rareté.

On peut alors le ranger dans la catégorie du superflu ! La limiteentre l'affaire de l'art et l'art des affaires est rompue au détriment de l'œuvre, qui perd toute signification propre. Kant s‘oppose à cette logique en dictant le principe d ' " intérêt moral " selon lequel, on " peut prendre intérêt àquelque chose " sans pour autant " agir par intérêt ". L'art peut donc avoir un intérêt si l'on prend en compte la logique utilitariste.

En effet, on peut juger d'une œuvred'art - tout comme d'une action - en fonction de l'augmentation ou de la diminution des plaisirs procurés.

On peutaffiner cette conception grâce à John Stuart Mill qui classe les plaisirs de façon qualitative et non quantitative : onpeut alors associer l'art aux plaisirs supérieurs, c'est à dire ceux de l'esprit.

L'art, n'est-il pas pour l'homme un moyende se libérer de l'aliénation du quotidien ? Œuvre d'art n'est-elle pas par ailleurs le témoin de la lucidité, qui setraduit par l'envie de réaffirmer la vie par delà l'absurdité et la douleur du monde ? Selon Bergson, l'art nous détourne de l'abstraction qui nous fait perdre le contact avec les choses, et ce tout en. »

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