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L'ART AU XIXe siècle

Publié le 22/02/2012

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Passer de la peinture du XVIIe et du XVIIIe siècles à celle du siècle suivant, c'est éprouver une impression un peu semblable à celle du voyageur qui quitte une région de plaines ondulées aux mouvements intelligibles, pour un massif de montagnes, dont l'oeil aperçoit les aspects variés, sans que l'intelligence en entende l'architecture. Sans doute le XVIIe et le XVIIIe siècles avaient-ils offert en peinture un visage complexe, partagés qu'ils étaient entre le classique et le baroque, et diversifiés encore par les versions particulières que les différents pays et les individualités puissantes avaient données de ces esthétiques ; leur relief pictural n'en demeurait pas moins simple ; les mouvements se suivaient sans s'opposer avec violence, les variations que chaque contrée orchestrait sur les thèmes internationaux ne compliquaient guère la structure de l'art pictural, et les génies eux-mêmes ne bouleversaient pas le cours d'une tradition dans laquelle ils trouvaient aisément leur place. Avec le XIXe siècle, au contraire, tout change.      Comme les conditions de la vie, celles de la peinture sont profondément transformées par divers phénomènes. L'essor industriel consomme la ruine de la peinture-artisanat ; le mouvement issu de la Renaissance trouve son achèvement ; au " peintre en bâtiment " s'oppose " l'artiste peintre ". En supprimant l'Académie Royale où, depuis plus de cent ans, les maîtres transmettaient aux élèves les recettes et les pratiques qu'eux-mêmes avaient recueillies de la bouche et de l'exemple de leurs anciens, la Révolution remplace l'apprentissage par un enseignement moins empirique que doctrinal, et qui condamne ceux qui la subissent à la nécessité de recréer eux-mêmes, de réinventer le métier de peintre. Comment le mot de tradition aurait-il pu, dès lors, garder encore un sens ? Il le perdit d'autant plus vite que l'idée même de tradition était devenue suspecte à un siècle qui fut celui des révolutions permanentes, et qui éprouva tous les vingt ans en art une insatiable fringale d'inédit. Mais aux forces révolutionnaires s'opposa tout au long du siècle, et en matière d'art plus encore que dans l'arène politique, l'esprit conservateur de la classe bourgeoise. Les tenants du passé résistèrent aux novateurs, en s'appuyant sur les corps constitués et sur la masse du public, et s'ils ne parvinrent pas à paralyser l'art de peindre, la cause en doit être cherchée dans l'exaspération contemporaine de l'individualisme. Conscients de leur dignité, et d'autant moins disposés à en rien abdiquer dans les mains du public qu'ils souffrent tous d'une violente " hypertrophie du moi ", les peintres du XIXe siècle sont des indépendants, des révoltés, des maudits, qui réclament la liberté d'être absolument eux-mêmes et travaillent orgueilleusement dans une solitude dédaigneuse. Ce n'est pas que l'époque ne multipliât point les moyens de contact, les sources d'information ; les courants artistiques sont plus internationaux encore que dans le passé, dont la source est alors la capitale de la France. Mais cette souveraineté de la peinture française va curieusement de pair avec l'affirmation d'écoles nationales que, souvent d'ailleurs, son exemple suscite, comme en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Roumanie, et que la frénésie nationaliste du temps veut indigènes, spécifiques, marquées au coin du sceau de leur pays. De là, ici et là, des repliements sur soi, des frontières picturales… Dernier phénomène qui ne contribue pas peu à compliquer encore la physionomie de la peinture du XIXe siècle.   

« Passer de la peinture du XVIIe et du XVIIIe siècles à celle du siècle suivant, c'est éprouver une impression un peusemblable à celle du voyageur qui quitte une région de plaines ondulées aux mouvements intelligibles, pour un massifde montagnes, dont l'oeil aperçoit les aspects variés, sans que l'intelligence en entende l'architecture.

Sans doute leXVIIe et le XVIIIe siècles avaient-ils offert en peinture un visage complexe, partagés qu'ils étaient entre le classiqueet le baroque, et diversifiés encore par les versions particulières que les différents pays et les individualitéspuissantes avaient données de ces esthétiques ; leur relief pictural n'en demeurait pas moins simple ; lesmouvements se suivaient sans s'opposer avec violence, les variations que chaque contrée orchestrait sur lesthèmes internationaux ne compliquaient guère la structure de l'art pictural, et les génies eux-mêmes nebouleversaient pas le cours d'une tradition dans laquelle ils trouvaient aisément leur place.

Avec le XIXe siècle, aucontraire, tout change.

Comme les conditions de la vie, celles de la peinture sont profondément transformées par divers phénomènes.L'essor industriel consomme la ruine de la peinture-artisanat ; le mouvement issu de la Renaissance trouve sonachèvement ; au “ peintre en bâtiment ” s'oppose “ l'artiste peintre ”.

En supprimant l'Académie Royale où, depuisplus de cent ans, les maîtres transmettaient aux élèves les recettes et les pratiques qu'eux-mêmes avaientrecueillies de la bouche et de l'exemple de leurs anciens, la Révolution remplace l'apprentissage par un enseignementmoins empirique que doctrinal, et qui condamne ceux qui la subissent à la nécessité de recréer eux-mêmes, deréinventer le métier de peintre.

Comment le mot de tradition aurait-il pu, dès lors, garder encore un sens ? Il leperdit d'autant plus vite que l'idée même de tradition était devenue suspecte à un siècle qui fut celui des révolutionspermanentes, et qui éprouva tous les vingt ans en art une insatiable fringale d'inédit.

Mais aux forcesrévolutionnaires s'opposa tout au long du siècle, et en matière d'art plus encore que dans l'arène politique, l'espritconservateur de la classe bourgeoise.

Les tenants du passé résistèrent aux novateurs, en s'appuyant sur les corpsconstitués et sur la masse du public, et s'ils ne parvinrent pas à paralyser l'art de peindre, la cause en doit êtrecherchée dans l'exaspération contemporaine de l'individualisme.

Conscients de leur dignité, et d'autant moinsdisposés à en rien abdiquer dans les mains du public qu'ils souffrent tous d'une violente “ hypertrophie du moi ”, lespeintres du XIXe siècle sont des indépendants, des révoltés, des maudits, qui réclament la liberté d'être absolumenteux-mêmes et travaillent orgueilleusement dans une solitude dédaigneuse.

Ce n'est pas que l'époque ne multipliâtpoint les moyens de contact, les sources d'information ; les courants artistiques sont plus internationaux encore quedans le passé, dont la source est alors la capitale de la France.

Mais cette souveraineté de la peinture française vacurieusement de pair avec l'affirmation d'écoles nationales que, souvent d'ailleurs, son exemple suscite, comme enTchécoslovaquie, en Pologne, en Roumanie, et que la frénésie nationaliste du temps veut indigènes, spécifiques,marquées au coin du sceau de leur pays.

De là, ici et là, des repliements sur soi, des frontières picturales… Dernierphénomène qui ne contribue pas peu à compliquer encore la physionomie de la peinture du XIXe siècle.

Il commença, ce siècle fiévreux, en pleine veille d'armes et en pleine confusion.

Le néo-classicisme règne encore sur l'Europe après 1815.

Lesévénements politiques qui en auraient pu ébranler la puissance semblent même travailler à son renforcement.

L'exil en Belgique de son grandpontife fait de Bruxelles un de ses bastions, et convertit à ses dogmes un infidèle, Gros , qui en reçoit l'encensoir des mains de David A030 proscrit. Plus ou moins dociles à ses credo, Guérin A1227 , Gérard A1199 , Girodet-Trioson font florès à Paris, comme Navez A1357 en Belgique, Reinhart A1426 en Allemagne, José de Madrazo en Espagne, Eckersberg au Danemark.

Le néo-classicisme semble exercer ainsi un pouvoir absolu.

Il n'en est rien en fait.

En France même, un de ses fidèles les plus séduisants, Prud'hon A1411 , a été un fidèle dont l'hétérodoxie sera d'un dangereux exemple.

Georges Michel A1337 , dans le paysage, et Gros A1222 dans la peinture militaire, n'ont pas sacrifié sur ses autels.

Le “ genre ” lui a toujours échappé.

À plus forte raison, certaines autres nations lui sont-elles rebelles.

Comme l'Espagne au roi Joseph, Goya A052 , Lopez A1297 , lui ont dit non, et il s'est buté à la résistance britannique.

L'Angleterre, dans l'ensemble, a en effet préféré au classicisme antiquomane sa tradition issue des Flandres et de Hollande, et à laquelle des pages brillantes sont ajoutées, à l'orée du siècle, par Lawrence A1274 , dans le portrait, par Leslie et Wilkie A1563 , dans le genre, et des pages glorieuses par les paysagistes : Crome A1126 , Constable A025 , Turner A122 , Bonington A1059 .

Ainsi une peinture contraire est prête à s'opposer au néo-classicisme, et la guerre entre eux devient inévitable.

Plus ou moins rapide, plus ou moins violente, d'un sens plus ou moins précis, elle fut vraiment générale.

Mais nulle part elle n'eut plus deprécocité, d'acharnement et de portée qu'en France, où elle se déchaîna de 1820 à 1840, et qui fut, il faut bien le dire, le seul pays où le conflit aitpris sa pleine signification.

Après Géricault A046 , avant-garde plus que soldat de la bataille romantique, deux autres maîtres, Delacroix A032 et Théodore Rousseau A1449 , montent à l'assaut, qui, de la peinture d'histoire, et qui, du paysage historique.

Les positions ennemies eussent été vite enlevées, si l'Institut n'avait appelé, pour les défendre in extremis, un ancien élève, hétérodoxe, de David A030 , Ingres A063 , qui, d'excommunié, devint en un jour, en 1824, le pape du classicisme.

Peinture-sculpture contre peinture-musique, statisme contre mouvement, dessin contre couleur,exécution impersonnelle contre facture expressive, fini contre inachèvement, vie qui s'ordonne dans la réflexion contre vie qui s'épand aveclyrisme, deux conceptions de la peinture, de l'art et même de l'existence se heurtent alors en un tourbillon à ce point impétueux que rares sont lespeintres qui, comme l'indépendant Corot A026 , ne sont pas entraînés dans son tempétueux sillage.

Est-ce à dire que ce combat romantique n'ait été rien de plus qu'un dernier avatar de la vieille opposition duclassique et du baroque ? Nullement.

Des faits nouveaux, cette fois, la compliquent et la rendent incohérente quiinterviennent surtout dans les pays étrangers.

Classiques et baroques tenaient sans doute au XVIIe et au XVIIIesiècles un langage différent, mais c'était en usant de la même langue.

Le vocabulaire n'est plus le même, au XIXesiècle, entre classiques et romantiques : Dupuis et Cotonnet n'avaient pas tort de croire “ de 1830 à 1831 (…) que le romantisme était (…) cette manie qui, depuis peu, a pris nos auteursd'appeler des personnages de romans ou de mélodrames, Charlemagne P061 , François Ier P107 , Henri IV P139 , au lieu d'Amadis, d'Oronte ou de. »

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