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Arthur SCHOPENHAUER : le bonheur et le négatif

Publié le 29/03/2005

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schopenhauer
La satisfaction, le bonheur, comme l'appellent les hommes, n'est au propre et dans son essence rien que de négatif ; en elle, rien de positif. Il n'y a pas de satisfaction qui, d'elle-même et comme de son propre mouvement, vienne à nous ; il faut qu'elle soit la satisfaction d'un désir. Le désir, en effet, la privation, est la condition préliminaire de toute jouissance. Or, avec la satisfaction cesse le désir, et par conséquent la jouissance aussi. Donc la satisfaction, le contentement, ne sauraient être qu'une délivrance à l'égard d'une douleur, d'un besoin ; sous ce nom, il ne faut pas entendre en effet seulement la souffrance effective, visible, mais toute espèce de désir qui, par son importunité, trouble notre repos, et même cet ennui qui tue, qui nous fait de l'existence un fardeau. Maintenant, c'est une entreprise difficile d'obtenir, de conquérir un bien quelconque ; pas d'objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin ; sur la route, à chaque pas, surgissent des obstacles. Et la conquête une fois faite, l'objet atteint, qu'a-t-on gagné ? rien assurément, que de s'être délivré de quelque souffrance, de quelque désir, d'être revenu à l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir. Le fait immédiat pour nous, c'est le besoin tout seul, c'est-à-dire la douleur. Pour la satisfaction et la jouissance, nous ne pouvons les connaître qu'indirectement ; il nous faut faire appel au souvenir de la souffrance, de la privation passées, qu'elles ont chassées tout d'abord. Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n'en avons pas une vraie conscience, nous ne les apprécions pas ; il nous semble qu'il n'en pouvait être autrement ; et en effet, tout le bonheur qu'ils nous donnent, c'est d'écarter de nous certaines souffrances. Il faut les perdre, pour en sentir le prix ; le manque, la privation, la douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire s'offre à nous. Telle est encore la raison qui nous rend si douce la mémoire des malheurs surmontés par nous : besoin, maladie, privation, etc. ; c'est en effet notre seul moyen de jouir des biens présents. Ce qu'on ne saurait méconnaître non plus, c'est qu'en raisonnant ainsi, en égoïste (l'égoïsme, au reste, est la forme même de la volonté de vivre), nous goûtons une satisfaction, un plaisir du même ordre, au spectacle ou à la peinture des douleurs d'autrui ; Lucrèce l'a dit en de beaux vers, et bien nettement, au début de son second livre. Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)

Problématique La vie, pour Schopenhauer, oscille entre la souffrance et l'ennui. Le désir condamne l'homme à la souffrance, car il est sans fin. Chaque être vivant est déterminé dans son existence par la chaîne de ses désirs. La satisfaction que l'existence peut procurer résulte toujours d'une frustration première. Sans elle, il n'y aurait pas de bonheur possible. Enjeux. Désirer vivre, c'est désirer souffrir. Telle est l'équation de Schopenhauer. Si l'homme veut accéder à une authentique liberté, il ne peut le faire qu'en renonçant à la vie. Pour se faire, il doit rompre la chaîne de ses désirs qui l'attache à ses représentations.

 

schopenhauer

« L'obtention de l'objet de notre désir est difficile, pénible, coûteuse : « c'est une entreprise difficile d'obtenir, de conquérir un bien quelconque ; pas d'objet qui ne soit séparé de nous par des difficultés, des travaux sans fin.

»C'est pourquoi le désir nous dit Schopenhauer trouble ma tranquillité, mon repos.

Si la plénitude est paisible, alors ledésir nous empêche de profiter du moment. - Enfin, le désir, comme nous le disait déjà Platon, est insatiable.

Platon dans Le gorgias , le compare au tonneau percé des Danaïdes, impossible à remplir.

D'ailleurs dans son œuvre, Schopenhauer met en évidence le cercleinfernal du désir.

Puisque la nature de l'homme est de vouloir, une fois assouvie, le désir ne cesse de renaître et lasatisfaction est toujours de courte durée.

Dès lors, il semble bien que le désir soit premier et la réalité fondamentalede l'individu.

De plus, nous dit l'auteur, l'absence de désir dans le règne de la vie, de la volonté n'est pas vécue parl'homme ordinaire comme un repos, une sérénité mais devient aussi souffrance puisqu'il se mue en ennui : « même cet ennui qui tue, qui nous fait de l'existence un fardeau ».

La phrase la plus célèbre sans doute de l'auteur est eneffet celle-ci : « la vie oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui.

» Il explique celapar le fait que l'intelligence est totalement subordonnée à la volonté, au désir et de ce fait, quand rien ne vientexciter sa volonté, quand aucun objet ne se présente à son désir, l'homme ne sait plus quoi faire et s'ennuie.

Ce quilui est tout autant insupportable. C'est pour cela que pour Schopenhauer le désir et la douleur sont positifs, cela ne veut pas dire qu'il est bon maisqu'ils tirent leurs existences d'eux-mêmes.

Ils ne se définissent pas par rapport à autre chose, à un autre concept.L'auteur affirme qu'ils sont des faits immédiats, directs sans intermédiaire.

C'est cela que recouvre le mot « positif ».Nous pouvons en faire l'expérience tous les jours et cette expérience est même quasiment permanente. La satisfaction est négative, secondaire - Si donc le désir est premier, la satisfaction de ce désir est seconde.

Il semble en effet logique que pour qu'il y aitsatisfaction, il y ait d'abord un besoin, un désir, une tension vers un objet désiré.

La satisfaction intervient au termedes moyens mis en œuvre pour accéder à l'objet désiré, à la possession de cet objet.

Schopenhauer nous dit qu'iln'y a pas de satisfaction qui intervienne elle-même sans fondement sur quoique ce soit : « Il n'y a pas de satisfaction qui, d'elle-même et comme de son propre mouvement, vienne à nous ».

Or si la satisfaction suppose ledésir, elle suppose par suite une suite de privations et de douleurs, comme nous venons de le voir.

MaisSchopenhauer va bien loin, si la satisfaction suppose la douleur, elle n'apparaît que comme cessation de cettedouleur.

Je suis satisfaction parce que le manque trouve sa fin, parce que l'inquiétude apportée par le désir cesse. - La satisfaction n'est donc pas positif, au sens où elle tire son existence d'elle-même.

L'existence de la satisfactionest subordonnée à son contraire, à la douleur.

Elle se définit donc pas négation d'un terme déjà existant qui est lasouffrance, partant du désir.

C'est pour cela que Schopenhauer affirme qu'elle est négative.

Il faut d'ailleursremarquer que l'auteur assimile bonheur et satisfaction.

Il donne par suite une définition très réduite du bonheur : ilest arrêt de la souffrance.

Freud semblera plus tard donner la même signification au bonheur : ce dernier n'est qu'une "satisfaction plutôt soudaine de besoins, et n'est possible par sa nature que sous forme de phénomène épisodique."( Malaise dans la civilisation , 1929) - De plus, l'auteur insiste sur la brièveté, la fulgurance de la satisfaction.

Il affirme en effet que la satisfactiondépend du désir, or quand la satisfaction disparaît, le désir aussi et de ce fait l'existence de la satisfaction sembleproblématique.

Il semble que le désir refuse la satisfaction puisqu'une fois satisfait, il disparaît pour renaître sous unenouvelle forme, pour un nouvel objet.

La jouissance par suite n'a pas le temps de s'installer, chassée par unnouveau désir. Mais surtout nous dit l'auteur, la satisfaction n'apporte rien, elle ne produit aucun effet positif.

Elle se contentejuste de ramener le sujet à un état déjà connu, l'état préalable au désir.

On n'a en effet simplement gagné d'être revenu à l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir.

» Il n'y a donc aucune évolution, aucune amélioration entre le moment qui précède et celui qui suit le désir.

La jouissance n'a par suite aucun intérêt. Le bonheur est le résultat d'un effort de remémoration Nous avons donc vu que la satisfaction pour Schopenhauer n'était que la cessation de souffrance et qu'elle duraitpeu de temps.

L'auteur développe encore son idée dans la suite de son texte.

La satisfaction ne semble pas pouvoirêtre éprouvée simplement, il faut un effort de la pensée et de la mémoire pour y arriver.

Schopenhauer affirmer quenous ne pouvons pas goûter à la jouissance, au bonheur puisqu'il n'est rien en lui-même.

De sorte que les biens quenous possédons ne nous procurent aucun satisfaction par eux-mêmes mais qu'il faut les perdre pour comprendre lavaleur et le bien qu'ils nous apportent.

« Voilà pourquoi les biens, les avantages qui sont actuellement en notre possession, nous n'en avons pas une vraie conscience ». - Platon dans le dialogue du Phédon affirmait aussi que douleur et plaisir étaient liés.

Dans ce texte, en effet, leplaisir qu'il ressent de déplier sa jambe vient de la douleur qu'il ressentait dans la position préalable.

Dans cecontexte, il pouvait goûter à la satisfaction, au plaisir.

Pour Schopenhauer, la satisfaction ne passe pas directementpar la sensibilité, mais est le résultat d'une activité, d'un effort de la conscience.

Pour ainsi dire, il faut ramener lesouvenir des souffrances pour, par contraste, jouir de leur absence.

La chose n'est pas naturelle.

C'est pour cetteraison aussi que le souvenir des douleurs passées et dépassées donnent du plaisir à l'esprit, parce qu'elle met enrelief l'avantage d'une situation présente.

Cette situation de remémoration est rapprochée par l'auteur au spectacle. »

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