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Article de presse: La dérive sandiniste

Publié le 09/04/2012

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25 février 1990 -   " Comment expliquer que des hommes d'une générosité extraordinaire aient un comportement aussi mesquin une fois au pouvoir ? " Comme beaucoup de ceux, Nicaraguayens et étrangers, qui acclamèrent le 19 juillet 1979 la victoire des jeunes guérilleros sandinistes sur la dictature de la famille Somoza, le député social-chrétien Luis Guzman cherche aujourd'hui une explication à la dérive totalitaire de la révolution sandiniste. " Peut-être, hasarde-t-il, faut-il trouver la réponse dans cette phrase de Fidel Castro, leur maître à penser, qui disait : " Sans le pouvoir, les idéaux ne peuvent être réalisés avec le pouvoir, ils survivent rarement "  ".    Tout avait pourtant bien commencé. Les muchachos ( les gamins) venaient en quelques mois à peine - la première insurrection avait eu lieu en septembre 1978 - de mettre en déroute les quatorze mille hommes de la garde nationale de Somoza. Celui-ci n'avait pas hésité à faire bombarder la population civile, provoquant un tollé dans la communauté internationale et le lâchage - à la dernière minute, il est vrai - de son principal allié, les Etats-Unis. Dépenaillés et mal armés, les combattants du Front sandiniste de libération ( FSLN) font une entrée triomphale à Managua, la capitale. Le Nicaragua vit alors des moments d'euphorie, car tous les secteurs politiques et sociaux, y compris le patronat, ont appuyé la lutte contre la dictature, qui, malgré sa brièveté, a fait quand même cinquante mille victimes.    A l'époque, les sandinistes avaient mal évalué la riposte des Etats-Unis, qui, avec l'arrivée de Ronald Reagan à la présidence, quelques mois plus tard, allaient très vite reprendre leurs esprits et adopter des mesures pour prévenir la " chute des dominos dans leur arrière-cour ". Jimmy Carter avait accordé 156 millions de dollars pour la reconstruction du Nicaragua 75 millions seront effectivement remis à Managua. Le reste sera annulé par son successeur, qui invoque l'ingérence des sandinistes au Salvador. L'Amérique centrale devient désormais un enjeu dans le conflit Est-Ouest, les Etats-Unis estimant que Moscou va chercher à utiliser le Nicaragua pour étendre son influence dans la région.    Entre-temps, à Managua, apparaissent les premières désillusions au sein de la vaste alliance qui a permis le renversement de la dictature. Dès avril 1980, les deux personnalités modérées de la junte-le gouvernement de reconstruction nationale-Violeta Chamorro et Alfonso Robelo démissionnent en refusant de cautionner la mainmise du FSLN sur le Conseil d'Etat, organisme législatif créé en attendant l'élection d'un Parlement.    Les élections de novembre 1984, qui se déroulent de manière " acceptable " sur le plan formel, selon la plupart des observateurs internationaux, ne contribueront certes pas à dissiper les inquiétudes des secteurs démocratiques de la société. Les sandinistes l'emportent largement-le commandant Daniel Ortega devient président de la République avec 67 % des suffrages-mais le principal candidat de l'opposition Arturo Cruz, s'est retiré quelques semaines plus tôt à cause du climat d'intimidation et de violence créé par les turbas ( groupes de sandinistes fanatisés).    Aujourd'hui, certains dirigeants sandinistes reconnaissent leur erreur. Le commandant Victor Tirado, un des neuf membres de la direction nationale, du FSLN ( instance suprême du pouvoir jusqu'au 25 avril) estime que " le cycle des révolutions anti-impérialistes est terminé ". " Le monde sous-développé, ajoute-t-il, ne peut vivre en guerre permanente. Désormais, les révolutions doivent se faire dans le cadre d'une coexistence pacifique avec les Etats-Unis. " Ceux qui défendaient cette approche dans les premières années n'ont pas été écoutés. Beaucoup sont partis pour rejoindre les rangs de la guérilla antisandiniste, la Contra. C'est le cas d'Alfonso Cesar ( gouverneur de la banque centrale), Arturo Cruz ( ambassadeur à Washington) et Eden Pastora, le célèbre " commandant Zéro " qui fit connaître au monde entier la lutte des sandinistes en s'emparant du palais national en août 1978. Faute d'expérience militaire pour la plupart d'entre eux, ils vont s'allier avec les anciens gardes nationaux de la dictature qui ont constitué dès 1981 un embryon de guérilla.    Très vite, cependant, des milliers de paysans s'enrôlent dans la Contra, financée à partir de 1981 par les Etats-Unis. Ils fuient la collectivisation, la répression et le service militaire imposé en 1983 précisément pour lutter contre la guérilla. Les sandinistes exploitent le lien " honteux " avec les restes de la garde prétorienne de Somoza pour discréditer ce qu'ils appellent la " contre-révolution ". A défaut d'une victoire militaire la Contra revendique aujourd'hui sa participation dans la victoire électorale de l'opposition et défile en vainqueur dans les zones rurales du pays.    Avec la guerre, l'armée populaire sandiniste, qui était déjà la plus puissante de la région, devient pléthorique : elle absorbe 50 % du budget de l'Etat et 25 % de la production intérieure brute. Les difficultés économiques dues à la mauvaise gestion du gouvernement et à une réforme agraire mal menée vont se transformer en catastrophe économique avec l'aggravation du conflit et l'entrée en vigueur de l'embargo commercial décrété par les Etats-Unis en mai 1985.    Le niveau de vie moyen a baissé de plus de 60 % en dix ans et le revenu par habitant est retombé au niveau des années 50. L'inflation-36 000 % en 1988-a été ramenée un peu en dessous de 2 000 % en 1989 au prix d'un plan de redressement impitoyable sur le plan social, mais la valse des étiquettes a repris de plus belle au cours des dernières semaines. Les deux principaux succès des premières années de la révolution, la santé et l'éducation, ont été durement touchés du fait de l'absence de ressources. Pourtant, des centaines de millions de dollars n'ont cessé d'affluer au Nicaragua au titre de l'aide internationale : gouvernements européens, comités de solidarité et surtout pays de l'Est.    A elle seule, l'Union soviétique a versé 2 milliards de dollars au titre de l'aide économique et autant pour l'assistance militaire. En 1989, le Nicaragua a reçu 714 millions de dollars-l'équivalent de trois fois ses exportations de l'année-dont 541 millions de dollars fournis par les pays socialistes ( pétrole, produits alimentaires, machines, etc.). Les Nicaraguayens qui survivent péniblement grâce aux 300 millions de dollars envoyés chaque année par les familles exilées aux Etats-Unis se demandent où est passée toute cette aide étrangère.    " Les sandinistes ont tellement menti au peuple que plus personne ne les croit ", affirme Moises Hassan, maire de Managua jusqu'en 1988. Il accepte cependant de voir quelques aspects positifs dans le bilan globalement négatif des onze ans de pouvoir sandiniste. " Le FSLN a libéré le pays de la dictature de Somoza, reconnaît-il, mais il lui a aussi permis de conquérir un niveau de souveraineté qu'il n'avait jamais eu auparavant, en particulier à l'égard des Etats-Unis. De même, la révolution a sorti les secteurs sociaux les plus pauvres de la marginalité et leur a donné le sens de la dignité. " C'est pourquoi le FSLN a obtenu près de 41 % des suffrages le 25 février et reste le principal parti au Nicaragua, même s'il n'est pas du tout certain qu'il fasse un aussi bon score au prochain scrutin.    Si l'ensemble des adversaires du FSLN et nombre de ses anciens membres reprochent aux héros de 1979 d'être devenus des imposteurs, ils reconnaissent au moins au président Ortega une certaine part de responsabilité dans l'organisation des premières élections démocratiques de l'histoire du Nicaragua. " Nous vivons une situation sans précédent à un double point de vue, soutient Antonio Lacayo, principal conseiller et gendre de la nouvelle présidente de la République. C'est la première fois depuis l'indépendance du Nicaragua en 1821 que nous changeons de gouvernement sans violence. Mais, sur le plan international, c'est aussi la première fois qu'un régime issu de la lutte armée accepte de remettre le pouvoir à un gouvernement démocratiquement élu. " BERTRAND DE LA GRANGE Le Monde du 26 avril 1990

« tion négociée au Nicaragua, mais aussi au Salvador et au Guatemala, ravagés par la guerre civile.

En janvier 1983, la Colombie, le Venezuela, le Mexique et le Panama forment le groupe de Contadora.

Ils sont rejoints par un groupe d'appui composé du Brésil, de l'Argentine, du Pérou et de l'Uruguay.

Pour la première fois, les dirigeants du continent américain décident de prendre leur destin en main, quitte à braver les Etats-Unis.

Le 7 août 1987, le président du Costa-Rica, Oscar Arias, négocie un plan de paix avec ses homologues du Nicaragua, du Salvador, du Guatemala et du Honduras.

Le plan prévoit la cessation des hostilités au Nicaragua, au Salvador et au Guatemala, la mise en œuvre d'un processus de récon­ ciliation nationale accompagné d'une amnistie générale et la tenue d'élections libres sous contrôle de l'ONU.

Il prévoit enfin la suspension des aides extérieures aux différentes guérillas.

Le plan de paix vaudra le prix Nobel de la paix au président Arias.

La Maison Blanche, affaiblie par le scandale de l'lrangate en novembre 1986, accepte le plan Arias avec beaucoup de réticences.

L'année précédente, la presse américaine a révélé que Washington a vendu des armes à l'Iran afin de financer les contras.

En février 1988, le Congrès américain refuse de renouveler l'aide aux contras.

Côté sandiniste, la lassitude de la population, la dégradation de l'écono­ mie et surtout le retrait de l'aide soviétique incitent le président Daniel Ortega à composer avec l'opposition.

En mars 1988, sandinistes et contras négocient un cessez-le-feu.

En février 1990, contre toute attente, des élections libres supervisées par l'ONU portent à la prési­ dence la candidate de l'opposition libérale, Violetta Chamorro, veuve du journaliste assassiné par les séides de Somoza.

Le Nicaragua en a fini avec la guerre civile.

Cf.

Reagan.. »

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