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Article de presse: La Milice

Publié le 22/02/2012

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30 janvier 1943 - C'est une loi du 30 janvier 1943 signée Philippe Pétain qui institua cette Milice française en la décrétant d'autorité publique. La date n'est pas indifférente. Depuis le 11 novembre 1942, la zone dite libre, établie par la convention d'armistice de 1940, est occupée depuis que les Alliés ont débarqué en Afrique du Nord. Cette Milice est un aboutissement. Avant elle, dès 1940, avait été constituée une Légion française des combattants. Elle réunissait, au service inconditionnel de Philippe Pétain, de son idolâtrie ou de son culte, des anciens combattants de la guerre de 1914-1918, dévoués corps et âme à la personne du " vainqueur de Verdun ", chef de l'Etat depuis le vote à Vichy des pleins pouvoirs, obtenu pratiquement sans coup férir. Au fil des mois, la Légion française des combattants va connaître des remous internes, des discussions, des démissions. La voilà bientôt dotée d'un Service d'ordre légionnaire, le SOL. C'est ce SOL qui, en janvier 1943, devient Milice française. Son chef, au terme de l'article 2 de la loi, est le chef du gouvernement, en l'occurrence Pierre Laval. A l'occasion des cérémonies d'installation, celui-ci dira aux miliciens qui le saluent : " Vous serez mes compagnons je veux être votre ami et je serai votre chef ". Il le sera, en effet, mais bien moins, assurément, que Joseph Darnand, ancien combattant de 1918, l'homme des coups de main dans les corps francs de l'armée de 1940. Car Darnand, venu de l'Action française, passé par les rangs de la Cagoule, conspirateur sous la IIIe République, achèvera sa carrière vichyssoise avec le rang de secrétaire d'Etat à l'intérieur, chargé du maintien de l'ordre. Il fera tant et si bien que sur son nom se cristalliseront rapidement toutes les rancunes, comme toutes les haines. Car Darnand, c'est aussi l'homme de la Waffen SS, qui, de ce fait, prêtera personnellement serment à Adolf Hitler. On n'en est pas encore là. Dans les propos qu'il tient, le 5 janvier 1943 à l'hôtel Thermal de Vichy, puis qu'il complète au mois d'avril suivant, Philippe Pétain fixe les tâches de la Milice. Cette dernière doit " constituer la force indispensable pour mener la lutte contre les puissances occultes ". A elle, désormais, d'assurer " la garde des points sensibles du territoire et de lutter contre le communisme ". On devine trop bien ce que parler veut dire. Derrière cette garde des points sensibles du territoire, il est évident, au début de 1943, qu'il ne peut s'agir que de traquer la Résistance. Reste le langage officiel, celui que Vichy tient à adresser aux journaux pour qu'ils fassent connaître les vertus de cette Milice et les raisons de son apparition. Ils devront la présenter comme une entreprise de défense de la révolution nationale, mais aussi comme chargée d'une mission sociale, telle que le secours aux populations sinistrées, la répression du marché noir, la chasse aux trafiquants. Mais, assez rapidement, les gens du Service d'ordre légionnaire, comme ceux de la Milice, montrent leur vrai visage. Leurs chants annoncent d'ailleurs leur programme dans deux couplets sans fard : " Pour les hommes de notre défaite Il n'est pas d'assez dur châtiment Nous voulons qu'on nous livre des têtes Nous voulons le poteau infamant ". Et encore: " SOL, faisons la France pure : Bolchéviques, francs-maçons, ennemis, Israël, ignoble pourriture Ecoeurée, la France vous vomit ". Déjà, lorsque Joseph Darnand, sanglé du ceinturon et du baudrier, béret de chasseur sur l'oreille, lançait, en février 1942, à deux mille jeunes rassemblés dans les arènes de Cimiez à Nice : " Etes-vous contre la dissidence gaulliste, pour l'unité française contre la lèpre juive, pour la pureté française ? ", tous répondront " oui " d'une seule voix, se croyant déjà dans une sorte de nouveau Nuremberg. Et puis, viendra le temps des représailles et, bientôt, de l'anarchie. Ce sont des miliciens qui envahissent, ici ou là, les synagogues, qui perquisitionnent chez les juifs, raflent, saisissent et pillent. Il y aura pis : car la Milice s'étoffe elle comprend d'abord des membres du SOL qui, automatiquement, ont été inscrits dans ses rangs. A la fin de 1943, l'effectif sera estimé à 29 000. Il diminuera, car les attentistes, les frileux, se sentent portés à la prudence, mais ils resteront bien malgré tout dix mille à douze mille à ne point fléchir, notables pour les uns, paysans, ouvriers, commerçants mêlés, pour les autres. Et puis, comme toujours, à côté de ces bien-pensants, viendront se glisser les inévitables aventuriers. Les moyens financiers ne feront pas défaut. Parmi les différents services, le deuxième, celui du renseignement, sera toujours le mieux loti. N'a-t-il pas en charge l'action des représailles ? Un journal aussi est né, Combats on y trouve des encadrés curieux : " Miliciens, les représailles valent mieux que les plus beaux discours ". Le bilan de tout cela devait être dressé par la suite en deux occasions. Le 3 octobre 1945, au procès de Joseph Darnand, que la Haute Cour de justice allait condamner à mort, M. Carrive, avocat général, énonçait les faits et les crimes. Il disait : " Ici, c'est un patriote laissé neuf jours et neuf nuits sans manger ni boire là, un autre, enfermé de longues heures dans un réfrigérateur, les mains attachées ici, ce sont - et je lis textuellement le rapport adressé au chef de la Milice - des hommes entièrement déshabillés, pendus par les pouces de manière à ne pas toucher le plancher par la pointe des pieds mais qu'on forçait, en s'appuyant sur leurs épaules, à poser les talons par terre ". Il disait encore : " Une nuit, c'est la Milice, aidée de la Gestapo, qui cerne la petite ville de Saint-Amand-Montrond et qui prend toute la population juive : 26 hommes, 35 femmes, 9 enfants. Quelques mois se passent et, après la Libération, on trouve dans le puits d'une ferme 24 cadavres d'hommes affreusement mutilés. Dans un autre puits, huit cadavres de femmes, dont l'une avait les mains sectionnées et le ventre ouvert ". Et le magistrat relevait encore qu'un chef milicien gagnait alors par mois 10 000 francs de 1944, auxquels s'ajoutaient une indemnité journalière de 350 francs et une prime de 10 000 francs par réfractaire ou suspect livré. JEAN-MARC THEOLLEYRE Le Monde du 16 avril 1992

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