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Les artistes sont-ils utiles ?

Publié le 10/11/2005

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La conception fonctionnelle de l'oeuvre d'art ne connaît-elle pas de limites ? * Inutilité de l'oeuvre d'art : toute oeuvre d'art peut apparaître comme complètement inutile. C'est, qu'en effet, sous un certain angle, l'utile ne vaut guère, l'utile est toujours laid, comme le disait Théophile Gautier et aussi, dans Intentions, Oscar Wilde. Loin des trivialités de l'existence quotidienne, l'art engendre une activité tout aussi précieuse que désintéressée. L'oeuvre d'art, loin de toute tendance pratique ou utilitaire, m'arrache à mon propre univers et me ravit. Elle m'introduit dans un monde autre et m'entraîne à mille lieues des conditions concrètes de l'existence. Loin de procurer l'utile ou l'agréable, l'oeuvre d'art nous arrache à eux. Comme le dit Platon, dans l'Hippias majeur, qui osera affirmer qu'une belle marmite, une belle cuiller de bois pour tourner la soupe donnent à voir le beau ? Bien au contraire, l'oeuvre d'art est a-fonctionnelle : elle ne sert à rien ; elle est étrangère à l'idée de fonction ou d'utilité. * Désintéressement et beauté : Kant a, sur ces thèmes, énoncé, au XVIIIe siècle, dans la Critique du jugement, des idées définitives : le beau, dit-il, est l'objet d'un jugement de goût désintéressé.

Une oeuvre d'art, à savoir un ensemble organisé de signes et de matériaux mis en forme par un esprit créateur, ensemble dont la beauté nous procure une satisfaction généralement désintéressée, constitue-t-elle un moyen pour atteindre une fin, une réalité dont l'emploi est avantageux ? Si l'art vise à l'utilité, s'il procure l'utile, n'est-ce pas parce qu'il répond à une fonction précise ? L'oeuvre d'art ne se distingue-t-elle pas de la technique ? Vise-t-elle donc essentiellement l'adapté et le fonctionnel ? Comment une satisfaction désintéressée peut-elle être en liaison avec l'utile ? Le problème essentiel est le suivant : faut-il rapprocher l'oeuvre d'art et les produits de la technique, dont l'essence est utilitaire, puisqu'elle désigne une application de connaissances à la production de biens matériels ?

« • Désintéressement et beauté : Kant a, sur ces thèmes, énoncé, au XVIIIesiècle, dans la Critique du jugement, des idées définitives : le beau, dit-il, estl'objet d'un jugement de goût désintéressé.

Dès lors, on ne saurait définirl'oeuvre d'art par l'utile ou par l'intérêt pratique : « Le goût est la faculté dejuger un objet ou un mode de représentation par la satisfaction ou le déplaisirde façon toute désintéressée.

On appelle Beau l'objet de cette satisfaction.

»(Critique du jugement).

Ainsi, le Beau et l'oeuvre d'art nous entraînent loin detoute satisfaction empirique ou utilitaire.

Kant a le mérite de distinguer ce quiplaît aux sens dans la sensation, ce qui peut être utile à nos sens, l'agréableet, d'autre part, le jugement de goût désintéressé, le Beau.

Comment l'oeuvred'art serait-elle utile ? Elle ne nous charme pas concrètement.

Elle nousentraîne loin du monde et nous délivre de la tyrannie de nos désirs sensibles.Toutefois, l'utile est-il univoque ? Ne peut-il être compris en un sens plusélevé ? Désigne-t-il seulement ce qui constitue un moyen pour atteindre unefin ? Ne peut-il exister une utilité plus riche et plus vraie que la médiocreutilité pragmatique ? « Est beau l'objet d'une satisfaction désintéressée ». La satisfaction est désintéressée, ce qui signifie que nous ne pouvonsl'éprouver que si nous sommes dans un certain état d'esprit par rapport àl'objet.

Kant ne veut pas dire que la beauté ne nous intéresse pas, que nous sommes indifférents mais que le plaisir esthétique naît lorsque nous n'avons pas le souci de l'utilité (celui qui va enmer dans le seul but de pêcher, qui porte sur elle un regard de technicien, n'éprouvera pas de plaisir esthétique), del'agréable ( celui qui porte un regard lubrique sur un Nu, éprouve une satisfaction charnelle qui est d'un autre ordreque la satisfaction esthétique), du bien ( celui qui apprécie une œuvre engagée en raison de son caractère moral,éprouve une satisfaction morale qui n'est pas esthétique).

Le beau n'est ni l'agréable ni le Bien.

Certes unesatisfaction peut être morale et esthétique, les deux ne s'excluent pas mais en tant qu'esthétique, elle n'est pasmorale.

A l'encontre de Platon , Boileau, Hegel , Kant affirme que le beau n'est pas le vrai.

Mais il n'est pas non plus le pur sensible puisque le beau ne se réduit pas à l'agréable bien que satisfaction esthétique et sensuelle nes'excluent pas.

Et de cela Hume ne peut rendre compte.

De même qu'une œuvre d'art immorale peut être belle, demême, peut l'être une œuvre désagréable, qui nous déchire et bouleverse.

Et inversement, une musique agréable(par les sonorités, le passé qu'elle évoque) n'est pas belle pour autant bien que nous ayons tendance à confondrebeauté et agrément.

Par conséquent, le plaisir esthétique est le seul plaisir libre.

Il n'est pas l'effet de lasatisfaction de quelque chose, du besoin du corps ou d'une impératif de la raison.

Libre parce que désintéressé. • Désintéressement et bonheur : l'utile se ramène-t-il à ce qui est simplement avantageux ? Il signifie, en un deuxième sens, ce qui est apte à contribuer au bonheur de l'homme.

L'utile, ce peut être la qualité m'apportant lajoie, la promesse du bonheur.

Après tout, au-delà de l'utile immédiat, il est une utilité existentielle, profonde, totale.En ce sens, l'oeuvre d'art est utile : non plus comme moyen relatif à une technique, mais comme activitéaccompagnée de joie, comme ce qui apporte une contribution à l'existence et à la plénitude humaine.Ici, paradoxalement, c'est le désintéressement qui crée le bonheur.

La beauté de l'oeuvre d'art, rupture par rapportau simple désir utile, engendre la victoire spirituelle et la promesse de joie.

Laissant la place à une contemplationdésintéressée, l'oeuvre d'art fait naître un autre utile, une espérance de joie et d'éternité.

L'art, fruit d'une activitésans but pratique, est utile en un deuxième sens : il apporte une valeur spécifique.

Il est à la fois beau et bien etutile, en une signification non restreinte et non limitée.

Il contribue au bonheur et à la spiritualité de l'homme.• Conclusion : sans être fonctionnelle, sans être assimilable à un produit de la technique, l'oeuvre d'art est, au sensprofond de ce terme, utile, mais d'une utilité détachée de la pratique, bénéfique à l'esprit.

L'oeuvre d'art est d'abordlibération, désintéressement, rupture des intérêts pratiques.

Activité désintéressée, luxe de l'esprit, elle crée unmonde où l'esprit est chez lui et, en cela, se révèle « utile », en un sens riche et profond.

L'art crée la demeure del'Esprit.. »

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