Devoir de Philosophie

Association de symboles chez Baudelaire

Publié le 03/03/2011

Extrait du document

baudelaire

En proie à un jeu d'association d'idées, en apparence gratuites, Baudelaire évoque tour à tour la veuve d'Hector, le vieux Paris défunt depuis Haussmann, un cygne égaré sur le pavé de la ville. De cette expérience d'« association involontaire « il tire la leçon suivante : 1 Paris change, mais rien dans ma mélancolie N'a bougé! palais neufs, échafaudages, blocs, Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie, Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs. 5 Aussi devant ce Louvre une image m'opprime : Je pense à mon grand cygne, avec ses gestes fous, Comme les exilés, ridicule et sublime, Et rongé d'un désir sans trêve! et puis à vous, 9 Andromaque, des bras d'un grand époux tombée, Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus, Auprès d'un tombeau vide en extase courbée; Veuve d'Hector, hélas! et femme d'Hélénus ! 13 Je pense à la négresse amaigrie et phtisique, Piétinant dans la boue, et cherchant, l'œil hagard, Les cocotiers absents de la superbe Afrique Derrière la muraille immense du brouillard ; 17 A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve Jamais! jamais! à ceux qui s'abreuvent de pleurs Et tettent la Douleur comme une bonne louve! Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs! 21 Ainsi dans la forêt où mon esprit s'exile Un vieux Souvenir sonne à plein souffle du cor! Je pense aux matelots oubliés dans une île, Aux captifs, aux vaincus!... à bien d'autres encor! Vous commenterez ce texte en analysant avec précision son inspiration, sa composition, sa forme, et en essayant d'en dégager le thème fondamental des Fleurs du Mal.

Analyse du libellé Quatre questions d'ordre assez différent. — L'inspiration du texte :  Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord relever les thèmes, puis nous documenter sur Baudelaire et Les Fleurs du Mal pour déceler leur origine. — La composition. Vous avez intérêt à traiter d'abord cette question, qui vous est familière.

baudelaire

« nourriture de l'âme (c{.

v.

18 s'abreuvent; v.

19 tettent).

Parmi les adjectifs, chers (v.

4) a une valeur affective quisouligne la volupté du souvenir. Figures.

L'antithèse est caractéristique, entre choses (palais neufs; vieux faubourgs), réalité et sens caché (termesconcrets et allégorie), aspects du souvenir (chers, et l'image : plus lourds que des rocs, reprise par m'opprime, v.5).

Elle souligne à la fois le thème du symbole, et l'alliance douleur-volupté. Rythme.

On notera les coupes et les rejets des v.

1, 2 et 3, qui servent à mettre en valeur les constatations dupoète, et à suggérer une méditation lente et libre. strophe ii.

Vocabulaire.

Le mot-clé est exilés.

Mais on notera gestes (terme qui convient pour un homme plutôt quepour un animal, et dégage le symbolisme du cygne).

Les adjectifs sont importants : grand, ici au sens physique, aaussi un sens symbolique (la grandeur du cygne explique sa maladresse et ces deux caractères sont une « allégorie» du sublime : cf.

pour l'albatros : « Ses ailes de géant l'empêchent de marcher »); le v.

9 reprend la mêmeépithète, au sens moral cette fois, et superbe (d'une beauté imposante, au v.

15) a la même connotation.

L'allianced'adjectifs ridicule et sublime (v.

7) met en valeur le thème contrasté de la grandeur idéale avilie par la vulgarité duréel (fous correspond à ridicule).

On notera rongé qu'on rattachera au thème de la souffrance du souvenir et de lapensée, et qui prélude moralement au thème de la maigreur physique.

Désir élargit le thème de l'exil, puisqu'ilsuggère qu'on ne regrette pas seulement son passé, mais qu'on peut être exilé d'un idéal auquel on aspire. Le rythme garde, au v.

5 (2|4||6), la souplesse de la méditation; met en valeur l'image du cygne et son sens, auxv.

6 et 7, par la régularité des coupes; souligne sa douleur, par la coupe irrégulîère du v.

8, et reprend la méditation,avec le rejet du v.

9 qui, grâce à la coupe, détache Andro-maque. Strophe iii.

Ofi notera les antithèses (v.

10 : vil bétail et superbe, terme pris ici au sens classique de : « orgueilleuxavec éclat et arrogance »; v.

11 : vide et en extase, antithèse que renforce le chiasme; v.

12: veuve et femme, lacoupe avant et après hélas soulignant aussi).

Plus généralement, il y a aussi contraste entre vil bétail et la noblessedes termes comme époux, superbe, ou l'image sculpturale à l'antique du v.

11.

L'antithèse fondamentale etsymbolique (ridicule et sublime) est donc reprise ici sur un autre mode (bonheur-malheur; misère-noblesse). Strophe iv.

On la retrouve encore ici entre la splendeur exotique du v.

15 (cocotiers, Afrique; superbe) et le décorsale (piétinant dans la boue) et gris (v.

16), la déchéance physique (amaigrie, phtisique, thème repris au v.

20 :maigres, séchantl'angoisse (hagard, qui reprend fous du v.

6).

Le rythme des vers 13 et 14 (2|4|3|3||6| \3\|3)ralenti sur la fin met en valeur la noblesse et l'ampleur du v.

15 (6|6, avec un chiasme) que balance le vers 16,aussi ample, mais d'un rythme différent (9||3, avec des allitérations en a) qui met en valeur muraille immense. strophe v.

On notera l'alliance douleur-volupté-nour-riture déjà indiquée strophe 1, soulignée par l'image du v.

19 quiévoque Romulus et Rémus; la correspondance a perdu, orphelins avec exil, la reprise du thème de la déchéancephysique (maigres, séchant) en opposition à la beauté (fleurs), la personnification de la Douleur (qui annonce au v.22 celle du Souvenir), ce qui donne une présence, comme de compagnons, aux choses de l'âme (cf.

: «Sois sage, ôma Douleur...»), le rejet du v.

18, qui met en valeur le mot jamais répété (comme déjà un son de cor, et avec lamagie triste du « nevermore » de Poe). Strophe vi.

On remarquera la reprise du thème de l'exil (s'exile) et ses variations (oubliés, captifs, vaincus) quil'élargissent; l'image de la forêt et du son du cor (on étudiera les allitérations en s et en ou et o), image certesromantique par ses connotations de solitude, de mystère et de chasse, mais aussi typique du symbolismebaudelairien (cf.

les « forêts de symboles », Fleurs du Mal, 4).

Elle ne fait d'ailleurs qu'interrompre un instant le lentmouvement de la méditation que reprend et conclut je pense (répété aux vers 6, 13 et 23). Essai de groupement.

Si les remarques qui précèdent paraissent trop dispersées, on peut, dès la recherche desidées, essayer de les grouper autour de quelques vues plus générales. — Les figures fondamentales sont ici Y antithèse et le symbole.

On peut montrer comment c'est autour del'antithèse que s'organisent les thèmes, et comment vocabulaire et images s'associent symboliquement pour lesexprimer. — D'abord celui de la douleur qui est à la fois torture et nourriture, et est liée au souvenir : on suivra l'antithèse etle symbole dans le vocabulaire, les images, en notant comment le rythme souligne les effets. — Ensuite et surtout, celui de Y exil qu'on étudiera, selon la même méthode, dans ses incarnations successives : lecygne, Andromaque, la négresse, tous les abandonnés. Ce groupement pourra fournir un plan pour une partie, ou, si on conserve l'étude par strophe, une conclusion quirésumera et synthétisera les remarques de détail. a) La vie même de Baudelaire explique certains éléments, qu'on retrouve ailleurs dans son œuvre, comme Paris, qu'ilparcourt et décrit sans cesse; son voyage, dans sa jeunesse, vers l'Afrique du Sud peut avoir fourni le thème dumatelot, de l'île, de l'Afrique, de la négresse (ce dernier thème lié peut-être à ses amours avec la mulâtresse Jeanne. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles