Attendons- nous du personnage principal d'un roman qu'il soit un héros ?
Publié le 06/11/2012
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Puisque le héros est alors un personnage principal réunissant le plus grand nombre de
vertus - beauté, intelligence, volonté, mais aussi élégance, charme, etc.-, le XIXème siècle
marquant l’apogée du roman sera aussi celui du héros parfait.
Rastignac, dans les romans de
Balzac, n'est-il pas un type d'homme parfait? De ce fait, il apparaîtra comme le héros du Père
Goriot , puisqu'il y est le personnage principal alors que le titre désigne un autre héros.
Ce
modèle romanesque, centré sur un personnage idéalisé, et sur ses aventures, est le principe
même du roman depuis le XIXe siècle.
Mais ce principe a connu bien des critiques, et bien
des déboires.
Dès le XIXe siècle, ce type de héros - plus romanesque que romantique au sens propre
- sera parodié.
Ainsi Fabrice Del Dongo, dans La Chartreuse de Parme de Stendhal, ne fait-il
pas preuve d'une grande bravoure, lorsqu'il manque s’évanouir pendant son évasion? C'est
alors toute la série des qualités du héros qui est remise en cause, jusqu'au dénuement le plus
total du personnage principal : Frédéric Moreau, dans L'Éducation sentimentale de Gustave
Flaubert, n'est spécialement beau, ni particulièrement intelligent; plus que tout, il manque
absolument de volonté.
Nous sommes passés de l'héroïsme à la médiocrité.
Or cette critique, sévère, est d'abord menée au nom du réalisme.
Qui pourrait croire
aux qualités d'un Lancelot en plein XIXe siècle? Le héros est donc ramené à de plus justes
proportions, il devient vraisemblable.
Puisqu'il n'est plus, dès lors, une réunion de toutes les
vertus, celles-ci vont être dispersées en plusieurs personnages : Emma Bovary sera belle, mais
c'est son mari Charles qui sera honnête; Bérénice, dans Aurélien de Louis Aragon, sera
intelligente et courageuse, mais elle ne sera pas belle.
Plus que tout, ce que le personnage va
perdre dans cette critique de la notion de héros, c'est sa capacité à dominer l'événement.
Comme Emma Bovary, il sera ballotté dans un monde qu'il ne maîtrise pas.
La critique sera poussée plus loin encore au XXe siècle, avec la remise en question du
statut du personnage lui-même.
Il sera d'abord un anti-héros.
Au lieu de réunir toutes les
qualités, il ne sera que faiblesse et médiocrité, ou haine et rancœur.
C'est par exemple le cas
de Bardamu, dans le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline.
Il va même perdre,
dans le Nouveau Roman, toute identité: sans visage, sans passé, sans nom, le personnage n'y
est plus qu'un pronom personnel.
C'est alors tout le cadre traditionnel du roman qui explose, et
avec lui les notions de personnage, de narration, d'intrigue.
Ii s'agit pourtant bien de romans,
mais il est clair qu'ils ne répondent plus aux mêmes exigences, et donc plus aux mêmes
besoins.
La fusion du personnage principal et du héros répond d'abord à un besoin de certitude.
Elle met en scène un personnage maître de son destin - c'est, dans une certaine mesure, le cas
de Julien Sorel -, et présente donc l'image d'un monde ordonné, dans lequel l'homme peut
tracer son chemin, Au besoin, le cadre sera transformé, passant de la banalité quotidienne au
monde merveilleux de l'aventure et de l'exotisme.
Le besoin de l'existence d'un héros répond
donc à une double exigence: rassurer, tant sur l'organisation du monde que sur les possibilités
de l'individu ; rester, pour le XXe siècle, dans le domaine du lieu commun, c'est-à-dire ne
remettre en cause aucune idée établie, idéologique ou esthétique.
Mais faire rêver, puisque tel
est le but avoué des romans de gare, ne suffit pas.
Aussi le personnage réaliste, dénué de ses atours de perfection idéale et d'héroïsme de
pacotille, affronte-t-iI le monde avec plus de violence.
Il est l'occasion, comme chez Albert
Camus par exemple, d'une réflexion sur la condition humaine, où les héros n'ont plus cours :
c'est ce que Tarrou révèle à Rieux dans La Peste .
L'héroïsme est ici suspect de fanatisme, et,
parce qu'il échappe à la modeste condition de l'homme, de démesure.
Le roman humaniste se
recentre donc sur un personnage, mais en conservant toujours des critères de relativité et de
tolérance..
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