autobiographie - littérature.
Publié le 28/04/2013
Extrait du document
«
mémoire.
Le temps de l’histoire rejoint le temps de la narration lorsque le récit va jusqu’au moment où l’auteur a entrepris d’écrire sa vie.
Mais ce n’est pas toujours le cas, parfois, le récit s’achève à un moment précis de la vie de l’auteur (après
l’enfance, par exemple).
3. 3 Une quête de soi
Les motivations de l’autobiographe sont multiples.
L’auteur, en quête de soi, peut par exemple chercher par sa démarche autobiographique à accéder à sa propre vérité à travers l’évocation de ses « moi » successifs, et donner un sens aux
événements de sa vie qu’il a pu rassembler et ordonner.
L’autobiographie s’apparente ainsi parfois à une quête du bonheur perdu, du monde de l’enfance, que l’écriture a le pouvoir de ressusciter ou permet au contraire à l’auteur d’exorciser une
expérience douloureuse ou de témoigner d’une expérience « invivable », presque « indicible », comme celles vécues dans les camps d’extermination nazis.
À travers cette entreprise littéraire, l’auteur exprime également son désir de laisser une trace,
de survivre à sa propre mort.
Il peut par ailleurs également chercher à se justifier ou se livrer à un examen de conscience.
Dans cette « littérature de l’aveu », le ton et l’argumentation sont davantage ceux du plaidoyer ou du réquisitoire.
4 HISTOIRE DU GENRE
L’autobiographie a longtemps souffert d’un préjugé défavorable.
Parler de soi impliquait une vison narcissique et individualiste de l’écriture.
Aujourd’hui, il semble qu’elle soit devenue une sorte d’« exercice obligé » pour les auteurs contemporains.
4. 1 Naissance du genre : de saint Augustin à Rousseau
L’autobiographie est issue de la culture européenne occidentale et chrétienne : elle hérite en effet de la pratique de la confession, qui est une analyse de l’individu par lui-même.
Les premiers écrits proches du genre autobiographique sont d’ailleurs
chrétiens : ce sont les Confessions de saint Augustin, mais aussi le Livre de la vie (1562-1565) de sainte Thérèse d’Ávila, ou ce que l’on appelle les « vies », comme la Vie (rédigé entre 1558 et 1566, posth.
1728) de Bevenuto Cellini.
Il faut pourtant attendre le XVIII e siècle et les Confessions de Jean-Jacques Rousseau pour voir apparaître la première autobiographie au sens moderne.
Dans le préambule à ses Confessions, il prévient le lecteur : « Je forme une entreprise qui n’eut
jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur ».
En effet, l’ouvrage de Rousseau est la première réelle tentative autobiographique, mais, contrairement à son postulat, pas la dernière.
Le genre autobiographique va peu à peu se
développer avec l’émergence de la classe bourgeoise, qui va de pair avec l’avènement de la notion de l’individu.
Le préambule des Confessions est riche d’enseignements sur la spécificité du projet autobiographique de Rousseau : l’individu s’y affirme dans son originalité, il veut peindre sa vie, sa personnalité, ses sentiments dans toute leur vérité, c’est-à-dire ne
pas occulter les événements ou les aspects qui le montrent sous un jour peu favorable.
L’objectif de Rousseau est de dégager a posteriori le sens de sa vie et de se justifier aux yeux de ses détracteurs, tel qu’il l’explique dans les premières lignes :
« Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge.
Je dirai hautement : Voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus.
J’ai dit le bien et le mal avec la même
franchise.
Je n’ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon ; et s’il m’est arrivé d’employer quelque ornement indifférent, ce n’a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire.
»
4. 2 Le genre se répand
À partir du XVIII e siècle donc, les autobiographies, ainsi que les genres voisins comme le journal ou les mémoires, se multiplient dans toute l’Europe.
Dans ses Mémoires d’outre-tombe (1848-1850), François René de Chateaubriand mêle les
événements personnels de sa vie d’homme, d’écrivain, d’homme politique et de voyageur aux événements de l’histoire.
Rédigée par Stendhal entre 1835-1836, la Vie de Henry Brulard (posth.
1890) est également considérée comme son
autobiographie, le pseudonyme Henry Brulard désignant en réalité Stendhal, Henri Beyle de son vrai nom.
George Sand publie quant à elle Histoire de ma vie : autobiographie (1855).
Parmi les auteurs étrangers ayant écrit des récits autobiographiques figurent notamment Giacomo Casanova ( Histoire de ma vie , posth., 1822) et Carlo Goldoni ( Mémoires, 1787), qui écrivent tous les deux en français, Johann Wolfgang von Goethe
(Poésie et vérité , 1811-1814), Thomas De Quincey ( Confessions d’un opiomane anglais, 1822), Silvio Pellico ( Mes Prisons, 1832), August Strindberg ( l’Aventure de ma vie d’Andersen, le Fils de la servante, 1886-1887 ; le Plaidoyer d’un fou , 1887).
4. 3 Un renouvellement du genre
Parmi les autobiographies françaises du XXe siècle figurent Si le grain ne meurt (1926) d’André Gide, l’Âge d’homme (1939) et la Règle du jeu (4 volumes, 1948-1976) de Michel Leiris, les Mémoires d’une jeune fille rangée (1958), la Force de l’âge
(1960) et la Force des choses (1963) de Simone de Beauvoir, les Mots pour le dire (1976) de Marie Cardinal.
Par ailleurs, des auteurs comme Elie Wiesel ( la Nuit, 1960), Primo Lévi ( Si c’est un homme, 1947 ; la Trêve, 1963) et Jorge Semprún ( le
Grand Voyage, 1963) livrent des témoignages sur l’univers concentrationnaire nazi.
Pour dire l’insoutenable, il s’agit d’exploiter l’aspect littéraire de l’œuvre, de faire du témoignage un espace de création ou de recréation.
« Seul l’artifice d’un récit
maîtrisé parviendra à transmettre partiellement la vérité du témoignage », écrit Jorge Semprún dans l’Écriture ou la vie (1994).
Au XXe siècle, le genre autobiographique assimile aussi l’apport des sciences humaines et de la psychanalyse, recentrant parfois la problématique de l’introspection autour de l’analyse de la névrose et de la sexualité.
Des patients en analyse, ou qui
l’ont été, racontent leur existence à la lumière de cette expérience.
La psychanalyse, en découvrant l’inconscient, révèle le caractère illusoire de la connaissance de soi.
Les écrivains émettent des doutes sur la vérité et l’objectivité de la rétrospection.
On assiste ainsi à une mise en cause de l’autobiographie traditionnelle, et à des expérimentations formelles.
Dans Enfance (1983), Nathalie Sarraute pose la question d’une connaissance possible de soi par soi et choisit la forme d’un dialogue entre elle-même et son double ou sa conscience.
Dans W ou le Souvenir d’enfance (1975), Georges Perec fait
alterner des chapitres de deux récits intercalés, narrés tous les deux à la première personne : un récit autobiographique et une fiction.
Dans Je me souviens (1978), il rassemble des fragments de souvenirs.
Les Mots (1964) de Jean-Paul Sartre,
Roland Barthes par Roland Barthes (1975) et le Miroir qui revient (1984) d’Alain Robbe-Grillet renouvellent également l’écriture de soi.
Serge Doubrovski ( Fils, 1977 ; Un amour de soi, 1982 ; le Livre brisé, 1989) invente quant à lui le terme
d’autofiction pour désigner une « fiction d’événements et de faits strictement réels » où le personnage principal, fictif, est l’auteur.
À partir des années 1970, la critique théorise le genre, avec notamment Philippe Lejeune, auteur de l’Autobiographie en France (1971), le Pacte autobiographique (1975), Je est un autre : l’autobiographie, de la littérature aux médias (1980), Moi aussi
(1986) et Pour l’autobiographie.
Chroniques (1998)..
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