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L'autorité sociale suffit-elle à fonder l'obligation morale ?

Publié le 18/02/2004

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L'autorité sociale suffit-elle à fonder l'obligation morale? Interprétation sociologique. - 1° EXPOSÉ,. Les sociologues reconnaissent le caractère obligatoire du devoir, et ils essayent de l'interpréter. Comment expliquer ce caractère catégorique et transcendant des impératifs moraux ? C'est que, répondent-ils, ces règles émanent de la conscience collective, elles ont une origine sociale. Ces philosophes partent de ce principe que seul « un être réel ou idéal, conçu comme constituant une puissance morale supérieure à celle que nous sommes, peut avoir l'autorité suffisante pour nous imposer les lois obligatoires ». « Or, cet être qui nous impose ses lois, c'est la Société elle-même, dont nous sommes les membres. Son autorité lui vient de ce qu'elle est une véritable personne à laquelle nous devons, selon A. Comte, tout ce que nous sommes et qui est « la source et la gardienne de la civilisation ».
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« SUPPLEMENT: L'obligation morale est-elle d'essence sociale ? Bergson , enfin, rattache l'obligation morale à un système d' habitudes [i] sociales.

Il considère que c'est la société [ii] qui trace à l'individu le programme de son existence quotidienne.

Au fond de l'obligation morale, n'y a-t-il donc pasl'exigence sociale, issue, dit Bergson , d'une société close [iii], figée et statique. « C'est la société qui trace à l'individu le programme de son existence quotidienne.

On ne peut vivre enfamille, exercer sa profession, vaquer aux mille soins de la vie journalière, faire ses emplettes, sepromener dans la rue ou même rester chez soi, sans obéir à des prescriptions et se plier à desobligations.

Un choix s'impose à tout instant ; nous optons naturellement pour ce qui est conforme à larègle […].

Une route a été tracée par la société ; nous la trouvons ouverte devant nous et nous lasuivons ; il faudrait plus d'initiative pour prendre à travers champs.

Le devoir, ainsi entendu, s'accomplitpresque toujours automatiquement.

[…] L'essence de l'obligation est autre chose qu'une exigence de la raison.

[…] Représentez-vous l'obligationcomme pesant sur la volonté à la manière d'une habitude, chaque obligation traînant derrière elle lamasse accumulée des autres et utilisant ainsi, pour la pression qu'elle exerce, le poids de l'ensemble :vous avez le tout de l'obligation pour une conscience morale simple, élémentaire.

C'est l'essentiel ; etc'est à quoi l'obligation pourrait à la rigueur se réduire, là même où elle atteint sa complexité la plushaute. On voit à quel moment et dans quel sens, fort peu kantien, l'obligation élémentaire prend la forme d'un« impératif catégorique ».

On serait embarrassé pour découvrir des exemples d'un tel impératif dans la viecourante.

La consigne militaire, qui est un ordre non motivé et sans réplique, dit bien qu' « il faut parce qu'il faut ».

Mais on a beau ne pas donner au soldat de raison, il en imaginera une.

Si nous voulons un cas d'impératif catégorique pur,nous aurons à le construire a priori ou tout au moins à styliser l'expérience.

Pensons donc à une fourmi que traverserait une lueur deréflexion et qui jugerait alors qu'elle a bien tort de travailler sans relâche pour les autres.

Ses velléités de paresse ne dureraient d'ailleursque quelques instants, le temps que brillerait l'éclair d'intelligence.

Au dernier de ces instants, alors que l'instinct, reprenant le dessus, laramènerait de vive force à sa tâche, l'intelligence que va résorber l'instinct dirait en guise d'adieu : il faut parce qu'il faut.

Cet « il fautparce qu'il faut » ne serait que la conscience momentanément prise d'une traction subie, - de la traction qu'exercerait en se retendant lefil momentanément détendu.

» BERGSON , « Les deux sources de la morale et de la religion ». A l'arrière-plan de cette critique bergsonienne, ne peut-on déceler celle des sociologues ? A leurs yeux, l'impératif catégorique se réduit àl'autorité de la société, laquelle nous commande parce qu'elle est extérieure et supérieure à nous, comme le dit Durkheim , un des fondateurs de la sociologie.

Cette explication sociologique conduit à nier la spécificité du devoir. Grandeur du devoir kantien. Toutefois, ne faut-il pas, avec Hegel lui-même, réhabiliter la philosophie kantienne du devoir, en tant qu'elle trouve sa racine dans la volonté [iv], comme l'a bien montré Kant ? « La connaissance de la volonté n'a acquis qu'avec la philosophie kantienne son fondement solide » (« Principes de la philosophie du droit »).

La philosophie kantienne a fondé réellement le devoir et l'on ne saurait juger la théorie de Kant radicalement exsangue et inutilisable, dans la mesure où l'action serait toujours singulière [v], par opposition à une législation universelle.

Ne serait-ce pas caricatural ? Loi morale, devoir et liberté sont en liaison intime, comme l'a montré fermement etjudicieusement Kant . « Puisque, par le concept de liberté, on ne peut rien expliquer dans le monde des phénomènes, maisqu'ici le mécanisme de la nature doit toujours servir de guide, et qu'en outre, lorsque la raison pure veuts'élever à l'inconditionné dans la série des causes, elle tombe dans une antinomie où, d'un côté commede l'autre, elle se perd dans l'incompréhensible, tandis que le mécanisme est au moins utile dansl'explication des phénomènes, personne ne se serait jamais avisé d'introduire la liberté dans la science,si la loi morale, et avec elle la raison pratique, n'étaient intervenues et ne nous avait imposé ceconcept.

L'expérience confirme aussi cet ordre de nos concepts.

Supposons que quelqu'un prétende nepouvoir résister à son penchant au plaisir, lorsque l'objet aimé et l'occasion se présentent ; est-ce que,si l'on avait dressé un gibet devant la maison où il trouve cette occasion, pour l'y attacherimmédiatement après qu'il aurait satisfait son désir, il lui serait encore impossible d'y résister ? Il n'estpas difficile de deviner ce qu'il répondrait.

Mais si son prince lui ordonnait, sous peine de mort, de porterun faux témoignage contre un honnête homme qu'il voudrait perdre au moyen d'un prétexte plausible,il tiendrait comme possible de vaincre en pareil cas son amour de la vie, si grand qu'il puisse être.

S'il leferait ou non, c'est ce qu'il n'osera peut-être pas décider, mais que cela lui soit possible, c'est ce dont ilconviendra sans hésiter.

Il juge donc qu'il peut faire quelque chose, parce qu'il a conscience qu'il doit lafaire, et il reconnaît ainsi en lui-même la liberté qui, sans la loi morale, lui serait toujours demeuréeinconnue.

» KANT , « Critique de la raison pratique », « Analytique de la raison pure pratique ». [i] Habitude : comportement acquis par la répétition et exerçant une pression sur notre volonté. [ii] Société : milieu humain organisé où sont intégrés les hommes. [iii] Société close : celle dont les membres se tiennent entre eux, indifférents au reste des hommes. [iv] Volonté : chez Kant , faculté de se déterminer soi-même à agir conformément à la représentation de certaines lois. [v] Singulier : qui s'applique à un sujet unique ou à un individu.. »

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