L'autre est-il le fondement de la conscience morale ?
Publié le 09/02/2004
Extrait du document
« Je pense
plutôt que l'accès au visage est d'emblée éthique. C'est lorsque vous voyez un
nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous
vous tournez vers autrui comme vers un objet. La meilleure manière de
rencontrer autrui, c'est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux ! Quand
on observe la couleur des yeux, on n'est pas en relation sociale avec autrui. La
relation avec le visage peut certes être dominée par la perception, mais ce qui
est spécifiquement visage, c'est ce qui ne s'y réduit pas.
Il y a d'abord la droiture même
du visage, son expression droite, sans défense. La peau du visage est celle qui
reste la plus nue, la plus dénuée. La plus nue, bien que d'une nudité décente.
La plus dénuée aussi: il y a dans le visage une pauvreté essentielle. La preuve
en est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une
contenance. Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de
violence.
Selon Hegel, comme le maître refuse de donner son statut d'homme à l'esclave, c'est finalement lui qui devient inhumain: sa liberté est celle du désir, elle l'enchaîne en fait au plaisir et à la jouissance. Faisant d'autrui un moyen d'assouvir ses désirs, et non une fin en soi, le maître méconnaît la liberté véritable: je ne suis véritablement libre que si je reconnais qu'autrui, malgré toutes ses différences, est le même que moi. La moralité ne se fonde donc pas sur un prétendu "droit à la différence", bien au contraire: c'est parce qu'autrui, malgré ses différences, appartient au même, cad à l'humanité, que j'ai des devoirs moraux envers lui.
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