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Autrui n'est-il que mon juge

Publié le 14/04/2005

Extrait du document

Ne pourrait-on jamais être soi-même ? Car en effet, le premier juge, et le plus légitime, est d'abord le soi-même. Autrui est un marqueur, une référence, mais il est tout autant soumis à mon jugement que je ne suis soumis au sien.   3)      L'essence de la réciprocité autrui-moi   ·         C'est donc bien la réciprocité du jugement qui doit triompher. Car en effet, si je dois être soumis au jugement de l'autre, à travers son regard, et les valeurs qu'il prétend défendre, il est légitime que je sois à mon tour son juge. L'homme n'est pas fait pour vivre seul. Il a besoin des autres, non seulement dans l'entraide et la coopération, mais au moins aussi sûrement pour partager le sentiment d'exister. Son jugement, ses découvertes, ses émotions n'ont de signification et de valeur que si d'autres peuvent aussi les éprouver ou les confirmer, si d'autres peuvent en être les témoins ou les garants. ·         On comprend alors que l'essence de la relation à autrui ne réduit pas au fait qu'autrui soit mon juge, mais à la réciprocité de ce rôle. Une réciprocité flexible et souple qui fait qu'il est tout autant le témoin, le garant.

·         Angles d'analyse

® Il s'agit ici clairement de s'interroger sur la nature de notre rapport à l'autre. Le poser comme juge, c'est affirmer une supériorité d'autrui sur moi qui en définitive a le droit de juger de ce que je suis, et donc a fortiori décide de ce que je suis.

® Il est aussi d'emblée nécessaire de remarquer que le juge n'est pas seulement celui qui condamne : on ne peut donc pas analyser ce sujet de manière univoque en partant seulement du présupposé que « l'enfer, c'est les autres «. On doit aussi voir que le juge est celui qui décide, il est celui qui qualifie, des actes, une personnalité, un comportement, etc. On se place donc d'un point de vue d'une éventuelle supériorité de l'autre sur moi.

® C'est la nature même de notre relation à l'autre (et réciproquement) qui est ici mise à la question : s'il est vrai que sous certains égards (et il faudra signifier lesquels) autrui peut avoir le rôle de juge, peut-on pour autant réduire notre relation à autrui à ce qualificatif ?

Problématique

La relation qui unit l'autre et moi peut-elle se définir uniquement, de manière exclusive, comme jugement de l'un par l'autre ? N'est-ce pas passer à côté de l'essence, de la nature, de la relation à autrui, et de son rôle par rapport au moi ?

 

« · On se définit comme conscience à partir du moment où le regard de l'autre, et a fortiori sa reconnaissance du moi comme autre conscience, se pose et s'attarde sur moi.

La certitude del'existence de ma conscience ne se change en vérité que par la connaissance qu'autrui à d'elle.

Laconscience de soi, ce que j'ai de plus intime et de plus certain, n'existe véritablement qu'en existantaux yeux d'autrui ; j'ai bien la certitude subjective de mon existence en tant que conscience, je n'endétiens pas la vérité objective pour autant : j'ai besoin d'autrui pour affirmer l'existence de maconscience. · C'est donc d'abord aux yeux d'autrui que chacun existe vraiment pour soi-même.

Ainsi, chaque homme a besoin d'un autre homme pour savoir qu'il existe lui-même ; il fait donc deux consciences desoi que chacune reconnaisse l'existence de l'autre. · On peut à ce propos reprendre l'analyse que Kojève donne de la dialectique hégélienne du maître et de l'esclave : « Pour se faire valoir et être reconnue comme libre, il faut que la conscience de soise représente pour une autre comme libérée de la réalité naturelle présente.

(Hegel, Propédeutiquephilosophique, 2è cours, « philosophie de l'esprit », I, 2è degré B) En réalité, la reconnaissance du soi-même par autrui se fait dans le conflit des consciences qui cherchent à exister comme telles.

Oncomprend alors pourquoi ce conflit originaire des consciences place l'autre dans un rôle de juge : c'està lui seul que revient la décision et la possibilité d'objectiver ma conscience et donc de me libérer desprofondeurs du moi. Qu'autrui existe semble être pour la pensée contemporaine une évidence.

Pourtant, l'idée d'un isolement de la conscience a longtempspersisté.

C ‘est, sans doute, parce que l'esprit des philosophes était obsédépar le problème de la recherche de la vérité.

D'où l'opposition entre, d'uncôté, le sujet connaissant et, de l'autre, le monde à connaître.

Dans cetteconfrontation, la présence d'un tiers, à l'exception de Dieu, était exclue. Le thème de l'altérité apparaît chez Kant dans ses considérations sur la moralité, mais surtout chez Hegel dans « La phénoménologie de l'esprit ».

C'est dans cet ouvrage – où Hegel décrit le mouvement dialectique de la conscience, depuis la naïveté première de la « certitude sensible » jusqu'à l'universalité du « savoir absolu », ultime moment où la conscience prend conscience de sa liberté – que se trouve la fameusedialectique du maître & de l'esclave.

On peut y lire : « La conscience de soi est certaine de soi-même, seulement par la suppression de cet Autre qui seprésente à elle comme vie indépendante ; elle est désir. » La conscience, dans son rapport immédiat avec elle-même, n'est que l'identité vide du Je = Je, une tautologie sans contenu.

Toute consciencerencontre autrui, l'Autre, une autre conscience de soi.

Il n'y a, en fait, devéritable conscience de soi que moyennant le retour à soi à partir de cet« être-autre ».

Autrement dit, la conscience de soi serait impossible dans un monde où autrui n'existerait pas. Si la conscience est mouvement et retour à soi-même à partir de l'être autre, elle ne peut d'abord l'être que par la négation de l'autre.

Autrement dit, la relation à autrui se présente d'emblée comme une affaire de conflit.

Le« moi » de l'enfant, par exemple, ne se forme-t-il pas en s'opposant au non-moi ? N'est-ce pas dans l'opposition à ses parents que l'enfant forge sa personnalité ? Toute conscience est désir de reconnaissance de soi et lasatisfaction de ce désir ne peut advenir que moyennant la suppression de l'autre, en tant qu'être indépendant. Le premier mouvement du désir serait de détruire et de consommer l'objet.

mais, dans cette expérience, je découvre que mon désir est conditionné par cet objet et que je suis donc dépendant de cet objet que j'avais,pourtant nié : « Le désir et la certitude de soi atteinte dans la satisfaction du désir sont conditionnés par l'objet ; en effet la satisfaction a lieu par la suppression de cet autre.

Pour que cette suppression soit, cet autre aussi doitêtre. »Loin d'atteindre la satisfaction complète et définitive, je découvre que, la satisfaction obtenue, le désir renaît, marquant toujours davantage ma dépendance à l'égard de l'objet, de cet Autre que j'avais annihilé : « La conscience de soi ne peut donc pas supprimer l'objet par son rapport négatif à lui ; par là elle le reproduit plutôtcomme elle reproduit le désir.

» Dans ce cercle infini et infernal du désir, c'est-à-dire de « ce retour alterné et monotone du désir et de sa satisfaction par laquelle le sujet retombe sans cesse en lui-même et sans supprimer la contradiction », la conscience découvre qu'elle ne peut se ressaisir que dans une autre conscience de soi.

La dialectique même du désir le conduità son propre dépassement : de la pure consommation de l'objet à l'intersubjectivité.

Le désir n'est plus seulementrapport égoïste de soi à soi, mais position de l'autre comme être indépendant et libre.

Je ne peux me reconnaîtreque si je reconnais l'autre et réciproquement : « L'opération est donc à double sens, non pas seulement en tant qu'elle est aussi bien une opération sur soi que sur l'autre, mais aussi en tant qu'elle est, dans son indivisibilité, aussibien l'opération de l'une des consciences de soi que de l'autre. » Ce mouvement de la conscience de soi trouve une illustration dans la fameuse dialectique du Maître & de l'Esclave – dialectique qui peut se lire comme une reconstitution, sans caractère historique, du déroulement del'histoire réelle des hommes. Le point de départ de cette dialectique, c'est que toute conscience est désir de reconnaissance, désir qui. »

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