Devoir de Philosophie

Avons-nous des responsabilités envers des générations futures ?

Publié le 08/08/2005

Extrait du document

Que ce soit moralement ou juridiquement, chacun doit répondre de ses actes devant autrui, par exemple pour les torts qu'il aurait pu lui causer. La responsabilité suppose donc qu'existe un autre, qui ait des droits et qui puisse les défendre. Mais qu'en est-il de la responsabilité devant des personnes virtuelles ? Y en a-t-il seulement une ? La question se pose notamment lorsqu'il s'agit de se demander si les hommes peuvent être responsables devant les générations futures.  Elle se pose parce que les hommes sont aujourd'hui, pour la première fois de leur histoire, en mesure d'endommager ou de modifier gravement la vie sur terre, rendant problématique l'existence et les conditions de vie des hommes du futur. Dans ces conditions, doit-on penser qu'une nouvelle responsabilité nous lie réellement aux générations à venir ? Ou bien, doit-on penser cette responsabilité comme une fiction utile à nous faire prendre conscience de la nécessité et de l'urgence à limiter l'action des hommes ici et maintenant ?

« prendre la responsabilité collective de l'humanité d'aujourd'hui à l'égard de celle de demain. [Partie II.

Écologie contre humanisme.] Pourtant, l'idée d'une responsabilité à l'égard des générations futures ne va pas sans poser problème.

Il faut bien enpercevoir toutes les implications.

D'abord, Kant a bien montré que le propre de l'obligation morale du devoir estqu'elle est insensible à toute considération d'intérêt.

Or, l'intérêt égoïste des hommes à leur propre perpétuation etconservation dans le temps permettrait d'expliquer suffisamment qu'ils se soucient des générations futures.

Dès lors,doit-on aller jusqu'à parler d'une responsabilité et d'un devoir qui nous lieraient à elles ? Il se pourrait très bien aucontraire que la préoccupation des générations futures et le souci de leur bien-être nous soit soufflés par laprudence, et par l'idée de notre intérêt bien compris, le même qui nous invite à ne pas couper la branche sur laquellenous sommes assis.

La perspective de l'intérêt n'est pas seulement le court terme.Or, ce n'est pas ainsi que Jonas l'entend.

Il parle bien d'une responsabilité au sens fort, au sens d'une obligationmorale.

Celle-ci n'a pas et ne peut avoir pour principe l'intérêt, mais le devoir sacré qu'il y ait une humanité, qu'elleexiste encore à l'avenir.

La responsabilité à l'égard des générations futures a donc une source métaphysique oureligieuse.

Dès lors en effet qu'elles n'ont pas à proprement parler de droits sur nous.

puisqu'elles n'existent pas,notre obligation à leur égard nepeut plus s'expliquer que par l'idée que nous, hommes d'aujourd'hui, sommes les dépositaires de l'avenir de l'humanitéet de la terre comme d'un bien qui nous aurait été confié et dont nous serions responsables.De la sorte, la responsabilité à l'égard des générations futures, étant présentée comme un devoir désintéressé etsacré, ne peut être simplement déduite du simple principe éthique de la responsabilité de l'homme envers l'homme,comme le voudrait Jonas; elle est bien plutôt déduite d'une responsabilité qu'on peut appeler religieuse pour laquelleles hommes d'aujourd'hui comme de demain sont comptables devant un être transcendant, disons Dieu, de ce qu'ilsfont de ce qui a été créé pour eux, à savoir la terre et la nature tout entière.On comprendra de la sorte que la responsabilité à l'égard des générations futures ne peut être, pour Jonas, quesolidaire d'une responsabilité globale à l'égard de la biosphère.

Elle n'en est même qu'une partie.

Il s'agit en ce sensd'une responsabilité moins éthique qu'écologique.

Or, l'écologie est aujourd'hui religieuse, comme l'a bien vu LucFerry.

Cela veut dire que le sens de la responsabilité à l'égard des générations futures se livre à nous dans le soinquasi religieux de la nature et non pas dans le souci de l'autre homme et de la spécificité de l'humain.

Laresponsabilité à l'égard de l'humanité future ne s'inspire pas d'un droit de l'humanité, mais apparaît comme la simpleobligation dérivée d'« un droit éthique autonome de la nature », selon l'expression de Jonas.

Ainsi qu'il l'écrit,« Du moins n'est-il plus dépourvu de sens de demander si l'état de la nature extra-humaine, de la biosphère...

n 'estpas devenu par le fait même un bien confié à l'homme et qu'elle a quelque chose comme une prétention morale ànotre égard non seulement pour notre propre bien, mais également pour son propre bien et de son propre droit.

»(Le Principe Responsabilité).Ainsi, ce dont nous sommes finalement responsables, c'est moins de l'homme que de la nature, moins de l'humanitéfuture que de l'humanité dans la nature future.

A ce titre, la responsabilité envers l'humain est diluée, au profit de laconsidération lointaine des générations à venir, dans une responsabilité globale où se trouve niée la spécificitéhumaine du souci éthique.

Ce qui se jouerait donc dans le principe d'une responsabilité à l'égard des générationsfutures, tel que le pose Jonas, a été bien mis en évidence par Luc Ferry :« En clair, il s'agit de reconnaître...

que les hommes ne sont qu'une infime partie de l'univers, qu'ils en dépendent depart en part et qu'à ce titre, ce dernier doit faire l'objet d'une valorisation et d'un respect plus élevés que ceux quenous réservons d 'ordinaire à l'humanité.

» (Le Nouvel Ordre écologique). Il ne faudrait donc pas que l'extension de notre responsabilité aux générations futures se paie du renoncement à laspécificité humaine de l'éthique.

En effet, il n'est pas plus souhaitable de faire passer les intérêts de l'homme auxprofits et pertes de ceux de la nature qu'il ne l'est de compromettre l'avenir de l'humanité au nom d'intérêtséconomiques ou industriels à court terme.Dernier point.

La responsabilité à l'égard des générations futures, selon Jonas, serait ancrée dans la peur, plusexactement, la «peur-pour-autrui ».

La responsabilité commencerait avec cette question : « Que lui arrivera-t-il, simoi je ne m 'occupe pas de lui ? » (Le Principe Responsabilité).

Outre que les générations futures n'ont pas vraimentpour Jonas, comme on l'a indiqué plus haut, le statut d'autres hommes, mais celui de parties de la biosphère, onpeut même contester au plan psychologique la valeur d'une telle peur ou d'un tel souci.

Ainsi que l'écrit Ferry :« On voit mal...

comment le sentiment, précisément parce qu'il s'agit d'un sentiment, pourrait ne pas être au premierchef égocentrique.

Les générations futures se réduisent trop souvent à l'image de nos enfants, et le souci depréserver la vie en général se confond avec celui de conserver la sienne et celle des siens.

» (Le Nouvel Ordreécologique).Que ce soit au plan éthique ou psychologique, on peut donc conclure que toute la signification que l'on doitaccorder au principe d'une responsabilité à l'égard des générations futures s'arrête à celle que nous avons à l'égardde nos enfants, des petits hommes ; elle tient en elle, et non à une métaphysique et une mystique de la nature. Conclusion La question de savoir si les hommes sont responsables devant les générations futures peut recevoir desinterprétations différentes.

Il y a plusieurs manières de comprendre cette responsabilité.

Dans une perspectiveécologique, celle d'un Jonas, elle dérive d'un devoir prioritaire de protéger la biosphère, auprès duquel le souci deprendre soin de l'humanité future apparaît tout au plus comme une conséquence.

Il s'agit d'ailleurs davantage dusouci de l'homme comme espèce naturelle que de la sollicitude proprement éthique de l'humain, celle que j'éprouvepour l'autre homme, et d'abord, pour l'enfant dont la vulnérabilité absolue le recommande à mes soins.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles