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Baudelaire affirmait en 1859 : « Je crois que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature ». Au contraire, un critique de la Revue des Deux Mondes déclarait quelques années plus tard : « L'art est dans le choix, dans l'interprétation des éléments qui lui sont offerts, nullement dans la copie littérale de tel ou tel détail indifférent ou repoussant. » Quel est de ces points de vue celui qui vous paraît le plus juste ?

Publié le 02/04/2009

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baudelaire

C'est traditionnellement à l'auteur de la Poétique et de l'Organon que l'on fait remonter la première mise en forme de cette idée simpliste : que l'art se bornerait à être une image du réel.

Aristote aurait dit que l'art était la copie de la réalité, construite à la ressemblance de la vie, à l'instar du quotidien : « Je crois, note Baudelaire, en écho, vingt-trois siècles après (1859), que l'art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature. « C'est là une idée familière, plus que banale, vulgarisée à l'extrême. Sous la plume de Brunetière ou de Faguet, elle ferait hausser les épaules. Mais ce n'est point un critique ou un esthéticien de profession qui la formule. Il s'agit d'un créateur, d'un amateur de paradoxes et d'un fervent de curiosités esthétiques, ce qui nous porte aussitôt à attacher infiniment plus de poids à cette formule. Il ne sera point question ici de l'œuvre de Baudelaire. Mais il n'est pas indifférent que ce soit celui d'entre nos poètes qui a toujours été de beaucoup le moins naturel qui précisément écrive ce plaidoyer pro natura.

Il y a dans cette confidence ironique une sorte de paradoxe sur le créateur qui apparaît en filigrane. C'est celui-là même que nous aurons à éclairer, à faire jaillir de son ombre, de son indétermination. Dans une première perspective, nous chercherons à expliquer le texte et la pensée de Baudelaire. Puis nous passerons au crible de l'esthétique cette formule de bon sens si peu élaborée. Enfin l'on se demandera si l'on ne peut vraiment pas chercher à comprendre l'art d'une autre façon ; bien plus, si Baudelaire lui-même ne se faisait pas, en dernière analyse, une tout autre idée de l'art en général et de son art en particulier. Car enfin rien ne justifie dans son œuvre une appréciation aussi simpliste sur son oeuvre.

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« impérial qui devait condamner Flaubert et Baudelaire.

Car entre la Nature et l'Art, il y aura toujours cette différencequi seule porte la marque de la main de l'homme : le style.

« L'Art, dit André Malraux, est ce par quoi les formesdeviennent style.

» III.

- L'ART, FORCE DE LA NATURE 1.

Si les grandes œuvres ne subsistent, pense Balzac, que par leur côté passionné, l'Art n'est vrai que s'il est fortifiépar la pensée qui l'alimente.

L'Art n'est au fond ni pour ni contre la Nature: il est au-dessus d'elle. 2.

L'art ne saurait donc être que « transnaturel » ou, pour mieux dire, transfigurafif.

L'art le plus réaliste, commepouvait être le Théâtre Libre au temps où, pour faire plus vrai, Antoine obligeait ses comédiens à tourner le dos aupublic, ou les romans de Zola, des Goncourt ou de Lucien Descaves, — pour ne rien dire des romans d'aujourd'hui —,comportaient tous une part de fabrication, de re-création personnelle.

La célèbre « tranche de vie » a toujours étéune illusion.

Ecoutons plutôt Giraudoux, lorsqu'il nous dit : « C'était joli, le théâtre libre ! On disait « il est cinqheures », et il y avait une vraie pendule qui sonnait cinq heures.

La liberté d'une pendule, çà n'est quand même pasçà.

— Si la pendule sonne cent deux heures, çà commence à être du théâtre.

— A huit ans, on a mené mon père auGymnase.

Il y avait sur la scène un vrai piano.

Il a hurlé de déception et on a dû le sortir du théâtre.

Il n'y estjamais retourné.

» (Impromptu de Paris, scène I, p.

20-21, Paris, 1937, Grasset.) L'illusion d'un art copie du réel est aussi haïssable que l'art féerique, symboliste ou surréaliste.

Ces tentativesn'aboutissent qu'à un faux-art et non à des beaux-arts. 3.

L'art baudelairien illustre concrètement et profondément, mais à rebours, le mot de son auteur.

Il y a dansl'œuvre de Baudelaire une absence totale d'outrance et d'imitation servile.

Comme le dit Valéry : « Il poursuit etrejoint presque toujours la production du charme continu, qualité inappréciable et comme transcendante de certainspoèmes — mais qualité qui se rencontre peu, et ce peu rarement pur, dans l'œuvre immense de Victor Hugo »(Situation de Baudelaire, Variété II, page 151).

Cf.

certains poèmes comme l'Albatros, Hymne à la Beauté, laMusique, l'Idéal : « Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes les choses belles, Mes yeux, mes largesyeux aux clartés éternelles.» Ainsi la méthode baudelairienne consiste-t-elle essentiellement à dépasser par un charme, une merveilleuse magie,par un procédé plus surnaturel ou incantatoire que purement humain, le niveau de la simple réalité.

Le propre de l'artest dans cette évasion hors de la vie, dans cette abductio mentis a sensibus. CONCLUSION La confirmation de cette formule reviendrait à la condamnation de toute œuvre de Baudelaire.

Mais en ce débatancien, la vérité est dans le Platonisme et contre Aristote.

L'Art n'est point immanent, mais transcendant à laNature.

L'Art ne saurait être donné comme une reproduction exacte de la nature, car le cliché photographique seraitplus beau qu'un Watteau ou un Rembrandt.

Si « Le Beau, c'est, ô mortels, le Vrai plus ressemblant ! » ce n'est pas àdire que la nature soit à imiter.

En fait l'imitation apparaît beaucoup plus souvent comme l'erreur, et la photographied'une automobile prise à plus de cent kilomètres à l'heure au centième de seconde donnera une impression d'étrangefixité, tandis que la statue de L'Homme qui marche de Rodin, paraît un dynamisme saisissant.

La poésie ne peut pasplus imiter que la Science : aucun art n'est Figuratif, car la musique la plus concrète ou le théâtre le plus exotériquesont encore et toujours de l'art abstrait.. »

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