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Baudelaire: Le vieux saltimbanque

Publié le 05/03/2011

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... Tout n'était que lumière, poussière, cris, joie, tumulte ; les uns dépensaient, les autres gagnaient, les uns et les autres également joyeux. Les enfants se suspendaient aux jupons de leurs mères pour obtenir quelques bâtons de sucre, ou montaient sur les épaules de leur père pour mieux voir un escamoteur éblouissant comme un dieu. Et partout circulait, dominant tous les parfums, une odeur de friture qui était comme l'encens de cette fête. Au bout, à l'extrême bout de la rangée des baraques, comme si, honteux, il s'était exilé lui-même de toutes ces splendeurs, je vis un pauvre saltimbanque, voûté, caduc, décrépit ; une ruine d'homme, adossé contre un des poteaux de sa cahute ; une cahute plus misérable que celle du sauvage le plus abruti, et dont deux bouts de chandelles, coulants et fumants, éclairaient trop bien encore la détresse. Partout la joie, le gain, la débauche ; partout la certitude du pain pour le lendemain ; partout l'explosion frénétique de la vitalité. Ici la misère absolue, la misère affublée, pour comble d'horreur, de haillons comiques, où la nécessité, bien plus que l'art, avait introduit le contraste. Il ne riait pas, le misérable ! Il ne pleurait pas, il ne dansait pas, il ne gesticulait pas, il ne criait pas ; il ne chantait aucune chanson, ni gaie, ni lamentable, il n'implorait pas. Il était muet et immobile. Il avait renoncé, il avait abdiqué. Sa destinée était faite. Mais quel regard profond, inoubliable, il promenait sur la foule et les lumières dont le flot mouvant s'arrêtait à quelques pas de sa répulsive misère. Petits poèmes en prose

Sujet : Dans un commentaire composé, vous montrerez comment le poète a su traduire la détresse du vieux saltimbanque.

- Fréquence, à partir du XIXe siècle du thème de la solitude de l'homme au milieu de la ville.    - Relire dans les « Petits poèmes en prose « de Baudelaire, quelques « Tableaux parisiens «. Quelle vision le poète y propose-t-il de la grande ville ?

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« éblouissant »). - C'est surtout l'animation évoquée par le rythme, le vocabulaire et en particulier par les nombreux verbes demouvement (« dépensaient...

gagnaient...

se suspendaient...

montaient...

; partout circulait »). - Enfin c'est l'abondance Outre la « certitude du pain pour le lendemain », on devine la ripaille facilitée par « le gain » avec les évocationsgustatives des « bâtons de sucre » et de l'« odeur de friture ». Dans l'espace de la fête, tous les sens sont sollicités et comblés, ce sont les « splendeurs » d'une grande ripaillepopulaire.

L'opposition est frappante avec le refuge du pauvre hère : « une cahute » mot expressif, sémantiquementmais aussi phoniquement (l'hiatus résultant de la juxtaposition des deux voyelles créant une impression de pénibilité, de souffrance) que Baudelaire utilise deux fois et étoffe d'une comparaison particulièrement expressive presquehyperbolique « plus misérable que celle du sauvage le plus abruti ». Opposition encore, en regard des lampions de la fête, que ces « deux bouts de chandelles, coulants et fumants » ;plus que la précision de la description de ces deux lumignons, le recours au registre familier, presque populaire de «bouts » (à la place de « morceau ») fait image ; tout cela, repris par le champ lexical en un véritable leitmotiv : «cahute...

chandelles...

haillons » et surtout « la détresse », « la misère, la misère absolue ». 3e PARTIE : Le pauvre saltimbanque : réalité et symbole Il faut considérer la totalité des sens du mot « pauvre ».

Le vieux saltimbanque est pauvre, au sens financier, biensûr ; mais sa détresse est surtout morale : il est seul, vieux, pitoyable.

La vie ne l'a pas épargné ; l'abondance desdéterminants est éloquente : le « pauvre saltimbanque » est « voûté, caduc, décrépit », c'est « une ruine d'homme» ; les deux derniers déterminants, avec leur impropriété frappante (vocabulaire presque technique du bâtiment)font du vieux saltimbanque presque une chose, est-t-il encore un homme, ou fait-il presque partie de sa « cahute »? D'autant que - par contraste avec l'univers de la fête - il « est muet et immobile » : c'est ce qu'évoqueadmirablement la longue accumulation des formules négatives : « il ne riait pas...

il ne dansait pas...

».

Silence etimmobilité, sorte de stupeur née du malheur, certes ; mais qui constituent aussi une évocation prémonitoire de lamort (déjà connotée par les expressions « voûté, caduc...

une ruine d'homme ») et quasiment exprimée dans sonrenoncement et son abdication : « il avait renoncé, il avait abdiqué ». Dans sa solitude, sa misère, sa vieillesse, il n'appartient plus tout à fait au monde des vivants et il le sait. Cependant, la fin du poème surprend. Alors que tout le texte a fonctionné sur un système de contrastes - abondance, misère, foule, solitude, joie,détresse - système fort évident, presque simpliste, il se dégage, dans les dernières lignes, une opposition nouvelle :celle qui tient à la différence entre l'attitude pitoyable, résignée du « pauvre saltimbanque » et ce qu'exprime sonregard. Nous décelons à présent l'intention de Baudelaire.

L'univers de la fête est aussi celui de la foule vulgaire (bien desmots qui l'évoquent ont une connotation dépréciative : « tumulte », « explosion frénétique », « débauche »).

Onsent le poète bien plus proche du vieux saltimbanque sur lequel son regard s'attarde longuement avec une pitié qu'ilvoudrait nous faire partager.

Le « regard profond, inoubliable » que l'homme promène sur la foule nous invite à allerplus loin, à dépasser cette interprétation, juste sans doute, mais qui n'épuise pas le sens profond du texte.

Seul,misérable, parvenu au terme de sa vie, le « pauvre saltimbanque » semble juger cette foule, la dominer, en discernerles appétits grossiers, l'ingratitude.

Ne s'est-il pas « exilé lui-même » ; cet exil (l'un des mots importants de lapoétique baudelairienne, nous laisse deviner une sorte de fraternité entre le poète incompris (« exilé » lui aussi parmiles hommes) et le vieux saltimbanque.

La figure du vieil histrion prend alors toute sa signification : rebut de la foule,il en est aussi le juge et la conscience. CONCLUSION (Suggestions) - Un thème omniprésent chez Baudelaire : misère, solitude, détresse de l'homme exilé dans le monde de lamédiocrité. - Quels rapprochements peut-on faire à partir du statut de l'Albatros ? du poète ? du saltimbanque ?. »

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