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Le beau dépend-il du goût de chacun ?

Publié le 02/02/2004

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Quand nous disons : « C'est beau », nous formulons un jugement qui se veut objectif et nous affirmons a priori que ce qui nous plaît devrait provoquer la même satisfaction chez tous. Peut-on justifier ce paradoxe ? La beauté, qui ne semble ni objective (elle est subjective : variable selon les sujets, belle pour les uns et pas pour les autres), ni absolue (elle est relative : fonction d'un certain point de vue), a-t-elle pourtant une forme d'universalité ? N'est-elle pas communicable ? La réponse de Kant Bien que subjectif, le beau est universalisable " Le beau est ce qui est représenté sans concept comme objet d'une satisfaction universelle. " Kant, Critique de la faculté de juger (1790), I, § 6. Problématique Pourquoi la beauté, qui n'est ni objective, ni absolue, possède-t-elle pourtant une forme d'universalité ? Explication Un plaisir désintéressé Kant montre que le jugement de goût est fondamentalement subjectif, car il s'appuie sur un sentiment de plaisir (le beau) ou de déplaisir (le laid). Dire d'une chose qu'elle est belle, c'est avant tout dire qu'elle nous plaît. Certes, il s'agit d'une satisfaction désintéressée : ce n'est pas l'objet qui plaît, mais la contemplation de sa représentation, - de sorte que l'existence réelle de l'objet est ici indifférente.

Selon Kant, la réponse est négative : le beau plaît uni-versellement, même s'il s'agit d'une universalité de droit, et non de fait. Si je juge une œuvre belle alors que mon voisin la trouve laide, la première chose que je tenterai de faire, c'est de le convaincre. C'est ce qui différencie le beau de l'agréable : l'agréable est affaire de goût et dépend du caprice de chacun, alors que le beau exige l'universalité. Le beau peut être universel parce qu'il fait jouer des facultés qui sont communes à tous les sujets : le sentiment que j'éprouve devant la belle œuvre peut, en droit, être partagé par tous.

 

 

 

« Un plaisir désintéressé Kant montre que le jugement de goût est fondamentalement subjectif , car il s'appuie sur un sentiment de plaisir (le beau) ou de déplaisir (le laid).

Dire d'une chose qu'elle est belle, c'est avant tout dire qu'elle nous plaît.

Certes, ils'agit d'une satisfaction désintéressée : ce n'est pas l'objet qui plaît, mais la contemplation de sa représentation , — de sorte que l'existence réelle de l'objet est ici indifférente.

Le jugement de goût se distingue en cela dujugement d'agrément (l' agréable ), où l'existence physique des objets est indispensable (l'apparence ne suffit pas). Pas de critère objectif du beau Toujours particulier et relatif à une sensibilité , le jugement esthétique n'est donc pas universel : ce n'est pas un jugement de connaissance.

En effet,seul le concept permet d'universaliser un jugement (c'est le cas dans le jugement scientifique) 1.

Or, sans critère conceptuel de la beauté pouvant guider le jugement de goût (sans une connaissance ou une définition dubeau), on ne peut pas indiquer de règle d'après laquelle quelqu'un pourraitêtre obligé de reconnaître la beauté d'une chose.

On ne peut pas démontrer la beauté, et nul n'est tenu de trouver beau ce qui plaît à ses voisins, ni laidce qui leur déplaît, ni d'admirer ce qu'il ne comprend pas.

Le goût prétend àl'universel (j'ai le sentiment que tout le monde devrait trouver beau, en droit, ce que je juge être tel), tout en restant subjectif (je n'ai aucun moyen d'obtenir, en fait, l'accord de tous car il n'ya pas de concept ou de règle pour en juger). Un subjectivisme sans relativisme ? Or, en dépit de son radical subjectivisme , Kant entend échapper au relativisme .

Il va tenter de penser à fois la subjectivité et l'universalité du jugement esthétique.

Certes, le jugement de goût exprime le plaisir subjectif dechacun (« ça me plaît »), mais sa prétention à l'universalité ou à l'unanimité (« c'est beau ») est, selon Kant,légitime.

Elle a deux fondements.

1) Une certitude intérieure : le sentiment que nous avons du caractère désintéressé de notre appréciation esthétique en garantit l'universalité (elle n'a rien de personnel).

2) Unehypothèse : il existe un sens commun esthétique, une sensibilité commune car présente a priori en chaque homme, bref une identité de goût qui permet l'accord des jugements esthétiques. Débat et enjeu Kant a-t-il raison ? Le jugement esthétique prétend certes à l'universalité, mais l'argumentation de Kant pour légitimer cette prétentionne convainc pas.

1) Bien autre chose que l'intérêt peut compromettre l'universalité du jugement de goût : lessensibilités individuelles sont largement conditionnées par leur culture d'appartenance.

2) L'argument d'un sens commun esthétique tient d'une hypothèse ad hoc (forgée pour l'occasion), qu'une enquête empirique sur les différences de sensibilité entre les hommes récuse facilement.

Bref, Kant nous convainc de la subjectivité dujugement esthétique, mais semble échouer à en réfuter la relativité.

Au fond, la prétention à l'universalité de nosévaluations esthétiques s'explique par le mouvement spontané — c'est-à-dire inévitable — d' objectivation de nos jugements : nous faisons de la beauté un attribut objectif de la chose, une valeur en soi.

Il revient à la philosophie de nous rappeler la forme illusoirement objective et universelle de l'appréciation esthétique, qui demeure essentiellement une réaction affective à un objet 3. Disputer ou discuter du beau ? Étant subjectifs, les jugements de valeur sont irréfutables (au contraire des jugements de réalité , qui, même s'ils ont une origine subjective, peuvent être empiriquement vérifiés ou réfutés).

En faisant du beau un sentiment, Kantrompt avec la conception philosophique qui, depuis Platon, en fait une caractéristique de l'objet.

Pour Platon, unechose est belle quand elle est parfaitement ce qu'elle doit être, quand elle correspond parfaitement à son essenceet qu'elle participe ainsi à la beauté en soi ou à l'Idée du Beau.

Kant frappe de nullité toute doctrine des canons du beau (une science qui établirait ce que sont en vérité les lois du beau).

Si le beau n'est pas de l'ordre d'une science, on ne peut pas en disputer (par des preuves), mais seulement en discuter (par des arguments). Le goût s'éduque-t-il ? Mais si on ne peut changer le goût de quelqu'un par des arguments, faut-il renoncer à toute éducation du goût ?Nullement, si l'on comprend qu'il est possible de modifier, non le goût lui-même, mais la perception des objets et des oeuvres, pour faire apparaître des aspects encore inaperçus.

On peut apprendre à voir et, peut-être alors, aimer.. »

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