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Le beau est-il seulement l'objet d'une perception ?

Publié le 25/01/2004

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perception
La beauté de l'objet est sans mesure : lutte du matériel et du formel qui, en musique ou en peinture, s'essaye aux dissonances. C'est pourquoi le travail d'un artiste ne peut jamais consister purement et simplement en la mise en oeuvre d'un programme fixé au départ, ni en l'exécution d'une idée venue par inspiration. Si ce devait être le cas, l'idée plairait beaucoup plus en elle-même que la chose qui serait faite sur son modèle et en qui l'on apercevrait plutôt les défauts ! Au contraire, il n'y a vraiment de beauté que si l'on a besoin de voir la chose non seulement pour s'en aviser, mais aussi pour continuer d'en jouir. Cette aventure est premièrement l'affaire de l'artiste. Pensons « au travail du peintre de portrait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet de toutes les couleurs qu'il exploitera à l'oeuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il fait ; il serait même plus rigoureux de dire que l'idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu'il est spectateur aussi de son oeuvre en train de naître » (Alain, Système des beaux-arts). Il y a donc une passivité de l'artiste et réciproquement une activité du spectateur qui entrent en conjonction dans le mystère de l'oeuvre. L'oeuvre comme tension entre objectivité et subjectivité.Cependant, le beau est aussi l'expérience d'autre chose que de la perception : s'il nous importe, c'est justement parce qu'il porte en lui ce que la perception ordinaire n'a pas pour fonction de manifester. Le beau ne saurait être le fruit de la seule confrontation entre le percevant et le perçu : il vaut comme rappel de ce qui ne serait même pas une chose, mais une origine. La beauté est alors la perpétuation sensible d'un commencement insu, dans l'intense acquiescement que nous accordons aux choses proches : présence d'un lointain.
perception

« L'oeuvre comme tension entre objectivité et subjectivité. Cependant, le beau est aussi l'expérience d'autre chose que de la perception : s'il nous importe, c'est justementparce qu'il porte en lui ce que la perception ordinaire n'a pas pour fonction de manifester.

Le beau ne saurait être lefruit de la seule confrontation entre le percevant et le perçu : il vaut comme rappel de ce qui ne serait même pasune chose, mais une origine.

La beauté est alors la perpétuation sensible d'un commencement insu, dans l'intenseacquiescement que nous accordons aux choses proches : présence d'un lointain.

C'est ainsi que la beauté deschoses a été comprise comme l'effet de leur constitution ontologique, ce que nous pourrions formuler ainsi : autant d'être et d'unité interne, autant de beauté visible, c'est-à-dire de participation au dessein de celui qui préside à la formation du monde (cf.

Plotin, Ennéades, 3, 2, 17).L'appréhension du beau est équivalente à la saisie de la forme (distincte et extraite de la confusion de la matière) :simple ou composée, son unité est la lumière qui provient de l'Un primordial.

Le beau (to kalon) est ce qui appelle (tokaloûn) (Platon, Cratyle, 416 b).

Saint Augustin souligne combien la délectatio, la volupté, que suscite la perceptionde belles choses est vicieuse si elle ne conduit à la dilectio, l'amour de Dieu qui est la Beauté même (Cité de Dieu,X).

En même temps que l'amour du Beau s'éveille donc le désir du Vrai et du Bien. Même rapporté primordialement à l'intensité du vivre, comme chez Nietzsche, le sentiment de plaisir esthétique peutêtre compris comme le signe d'autre chose.

L'effusion de la corporéité épanouie dans le monde des images et desdésirs, à laquelle l'art nous excite, est présentée par lui comme une exaltation du sentiment de vivre, c'est-à-dire dela « volonté de puissance » (expression par laquelle il désigne le fond des choses).

En soi, dit-il, ni le vrai, ni le bien,ni le beau n'existent ; il faut se placer dans la perspective de l'évaluation des types de vitalité : alors il apparaît quele laid est ce qui affaiblit l'homme et le rapproche de la déchéance et de l'impuissance (il est un symptôme dedégénérescence) ; le beau correspond en revanche à une intensification de force, à la montée du courage, il estivresse, « état dans lequel on crée de l'art » (cf.

Crépuscule des idoles, « Divagation d'un inactuel », § 8 et 20).

«Qu'est-ce que la beauté ? L'expression du victorieux, de celui qui est devenu maître » (Fragments posthumes, Éd.Gallimard, XII, 6 [26]), le fruit de l'aptitude au « grand style ».

Par exemple, il y a dans la Transfiguration de Raphaëlune duplicité ambiguë : d'une part, l'adoption nihiliste d'un idéal morbide qui nie la vie (« insatisfaction devant le réel» ), d'autre part, une affirmation reconnaissante de la vie (« auréole et dithyrambe (bref, art d'apothéose) » ).

Onvoit que la conception nietzschéenne de l'art est encore métaphysique (répondre à la question « qu'est-ce que lavie ? » ; produire l'approbation de l'Être). Il y a donc une tension propre à la beauté, dont on ne peut dire qu'elle s'attache exclusivement ni à l'objet (quiserait beau en fonction de ce qu'il est) ni au sujet (dont l'art serait créateur de beauté ; et la perception elle-mêmeserait, dans cette perspective, comme un art, ou l'esquisse d'une transfiguration).

Pour les Romantiques, lasubjectivité explorée en ses profondeurs intimes peut être égale à la totalité d'un monde, et l'oeuvre portée à saperfection devient l'organe d'une puissance supérieure.

« Aucune perfection ne s'exprime isolément ; l'objet parfaitexprime en même temps tout un mondeapparenté [...

il est façonné], oui, comme l'est la femme aimée par le signe convenu que lui fait dans la nuit sonami, comme l'étincelle par le contact des corps conducteurs ou l'étoile par le mouvement de l'oeil.

Exactementcomme l'étoile apparaît dans la lunette d'approche et la traverse â€" de même une présence céleste dans une figurede marbre » (Novalis, cité par J.

Starobinski, in revue Conférence, n° 5).

Une telle conception laisse infinimentindéterminé l'objet idéal de la révélation.

« La perfection est la norme du ciel, tandis que vouloir la perfection est lanorme de l'être humain » (Goethe).. »

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