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Benjamin Disraeli

Publié le 22/02/2012

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Certains grands hommes politiques semblent incarner leur époque ; d'autres, par contre, ont une carrière qui la défie ouvertement. Disraeli appartient à cette dernière catégorie. Il fut la négation vivante des valeurs dont on pense en général qu'elles dominaient l'Angleterre à l'apogée de l'ère victorienne. A la gravité morale, il opposait la légèreté ; aux convenances, des airs dissipés ; à la foi, le cynisme ; aux solennités du néogothique un style fantaisiste et purement rococo. Si la vie de Gladstone fut un sermon, celle de Disraeli fut un roman, dont il était lui-même l'auteur. Parmi ses contemporains, quelques-uns avaient du mal à le prendre au sérieux. Quant à Disraeli, qui ne prenait rien au sérieux, il faisait une exception pour sa propre personne et il finit par obliger les autres à l'imiter. Il fut un des chefs du parti conservateur pendant plus de trente ans et deux fois Premier ministre : si cela n'empêchait pas ses détracteurs de le traiter de charlatan, du moins ne pouvaient-ils pas le considérer comme quantité négligeable. Disraeli observa un jour, non sans ironie, que "le peuple britannique, victime de ses brouillards et de sa puissante bourgeoisie, exige de ses hommes d'État la gravité".

« thèse qui explorait les problèmes d'actualité politique et sociale, ou bien dans le cas de Tancrède lui fournissaitl'occasion d'exprimer ses opinions provocantes sur la supériorité raciale des juifs et la dette de la Chrétienté à leurégard.

Les intrigues étaient souvent absurdes, les personnages superficiels et le style ampoulé.

Tout chez Disraeli-aussi bien ses écrits que sa personne dénotait une recherche du sensationnel qui risquait toujours de sombrer dansune affectation ridicule.

Ce qui ne l'empêchait pas de manifester sa verve et son esprit et de toujours divertir sonpublic.

Ses romans fourmillent de scènes brillantes, de conversations étincelantes d'esprit, d'épigrammes au hasarddes pages.

Surtout, ils débordent de fraîcheur et de vie, car leur thème central est la jeunesse, ses espoirs, sesinquiétudes, son égotisme, ses triomphes et ses échecs.

Le héros d'Endymion (le dernier roman que Disraeli acheva,publié quand il avait soixante-seize ans) n'a que seize ans au début de l'action.

Un des grands charmes de Disraelifut de conserver jusqu'à la fin de sa vie la sensation de l'aventure juvénile, du soleil qui se lève sur un monde offertà la conquête. Mais c'était la politique, et non la littérature, qui l'attirait avant tout, et le Parlement qui gouvernait l'empire le plusvaste du monde fut sa scène préférée.

Disraeli fit sa première tentative pour y entrer, en 1830, sous l'étiquetteradicale et il y réussit, en 1837, comme conservateur.

En réalité, peu lui importait l'étiquette politique, pourvu qu'ilfût élu.

Toutefois, après avoir abandonné le radicalisme qui était peu rentable, il était naturel qu'entre les deuxgrands partis il se tournât plutôt vers les tories ou conservateurs que vers les whigs.

Les préférences de son père,son amitié avec un magnat tory, Lord Lyndhurst, et peut-être le fait que les tories manquaient plus de jeunestalents que les whigs, tout cela l'orientait du côté tory.

Sans parler de ses tendances personnelles.

Bien qu'il neparût guère à sa place dans ce rôle, il était pourtant conservateur, car il croyait à un système de gouvernement parles "influences traditionnelles", à la monarchie, à l'aristocratie, à l'Église anglicane et à la grande propriété foncière.Seules ces convictions le rapprochaient d'un autre jeune et ambitieux conservateur des années 1830 : Gladstone.Ce dernier représentait la pondération de la haute bourgeoisie et son aptitude aux affaires, qui allaient bientôtdonner le ton à la politique victorienne.

Disraeli trouvait mieux sa place dans une tradition plus ancienne, où lapolitique n'était qu'une distraction rituelle pour les grands propriétaires, où le pouvoir et les places étaient lesobjectifs essentiels, de sorte qu'un jeune aventurier à la réputation douteuse pouvait tenter sa chance pourvu qu'ileût du talent.

Cette tradition se mourait : Disraeli fit son entrée sur la scène politique juste à temps. S'étant enrôlé dans le parti conservateur, Disraeli s'appliqua à justifier son choix.

Entre 1835 et 1845, dansVindication of the English Constitution, The Spirit of Whiggism et les romans Coningsby et Sybil, il exposa lesthéories politiques qu'il allait désormais affirmer avec une rare persévérance, tout au long de sa carrière.

D'après lui,les libertés et le bonheur du peuple étaient menacés, d'un côté par les efforts des grands seigneurs whigs qui,depuis 1688, tentaient d'imposer leur tyrannie oligarchique à la nation ; de l'autre par la croissance d'une sociétéurbaine et industrielle, gouvernée par les doctrines de "l'individualisme" et de l'économie politique, dont il signaladans Sybil les dangers de schisme social par sa fameuse phrase sur les "deux nations" : les riches et les pauvres.Disraeli proclamait que le parti conservateur était le parti national de l'Angleterre, le parti populaire et démocratiqueà qui incombait la tâche historique de combattre l'agression whig et de protéger le peuple en soutenant lesinstitutions nationales : la Couronne, la Chambre des Lords et l'Église, qui étaient seules capables de garantir leslibertés populaires, et en opposant aux doctrines égoïstes et socialement irresponsables du libéralisme l'idéal d'unesociété paternaliste imprégnée d'un sentiment d'obligations réciproques entre les différentes classes qui laconstituent. Les conceptions historiques de Disraeli étaient sujettes à caution et ses opinions sur le problème social n'étaient nioriginales ni profondes, mais il présentait les unes et les autres avec sa verve coutumière et ses admirateurs,comme ses détracteurs, en ont toujours fait grand cas.

Reste à savoir si Disraeli lui-même leur accordait tellementd'importance.

Ses idées ne formaient guère un système cohérent et il ne cherchait pas à en faire le support d'unprogramme politique, car il ne professait aucun goût pour ce genre de détails pratiques.

Des recherches ont faitjustice des vues selon lesquelles Disraeli se serait constamment efforcé au long de sa carrière d'appliquer ses idées.Le mouvement "Jeune Angleterre" des années 1840, au sein duquel Disraeli et un groupe de jeunes députésconservateurs affirmèrent leur conception d'un paternalisme romantique, par opposition à l'optique réaliste de leurleader, Peel, se révéla une fantaisie privée de substance et se solda par un échec.

Le second Reform Act, de 1867,qui doubla presque le corps électoral et donna la majorité aux électeurs ouvriers dans les circonscriptions urbaines,fut le coup d'éclat le plus étonnant de Disraeli au Parlement, mais il s'explique en termes de manœuvres partisanesplutôt que comme le couronnement d'une vie entière consacrée à l'union du parti conservateur avec le peuple.

C'estpeut-être seulement dans les réformes sociales de 1874-76 que l'on peut déceler l'application des idées politiques deDisraeli ; mais si ces réformes reçurent son approbation elles ne lui devaient presque rien sur le plan de lapréparation et de l'exécution.

En réalité, il n'avait pas un esprit constructif.

Il aspirait au pouvoir pour lui-même,plutôt que pour l'utiliser à réaliser une œuvre, et ses idées politiques sont importantes, non pas en tant que facteursmoteurs de sa carrière, mais comme source d'inspiration et instrument de propagande pour les conservateurs qui luisuccédèrent. "Nous venons ici pour la gloire", disait Disraeli à John Bright, au Parlement.

Il devait y parvenir rapidement.

En 1845-46, par une série de discours brillants et sarcastiques, il se fit le porte-parole principal des simples députés, quiétaient mécontents de la politique du Premier ministre conservateur, Sir Robert Peel.

Ce mécontentement provoquafinalement la chute du gouvernement, lorsqu'en abandonnant la protection douanière de l'agriculture il se fut aliénéun grand nombre de ses partisans parmi les gentilshommes campagnards.

Peel entraîna avec lui la plupart de ceuxqui, dans son parti, possédaient expérience et qualités administratives, en particulier Gladstone.

Il ne restait guèresous la bannière des conservateurs qu'un groupe de squires, peu doués pour l'art oratoire et pour l'habileté tactiqueoù brillait Disraeli et qui avaient besoin de lui.

Jusqu'alors, il s'était élevé à force d'audace et d'opportunisme ; la. »

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