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. Le bien commun existe-t-il ?

Publié le 27/02/2008

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Le problème est que cette définition quasi-mathématique de l'intérêt général (compris comme moyenne pondérée ou centre de gravité des intérêts particuliers) est inapplicable pour la simple raison qu'un intérêt ne se calcule pas. On ne voit pas quelle règle pourrait servir à l'établissement de ce point mystérieux. Veut-on, par exemple, en s'inspirant des théories des économistes marginalistes, définir l'équilibre optimal comme le point tel que toute modification léserait un des agents ? À ce compte-là, une très inégale répartition des richesses serait une bonne approximation du bien commun puisqu'on ne pourrait donner aux pauvres sans prendre aux riches! De plus, il n'est pas sûr que cette définition de l'intérêt général soit convenable. Si nous supposons un État où il y a très peu de pauvres pour beaucoup de riches, la moyenne des intérêts particuliers conduit à minimiser l'intérêt de la minorité pauvre. Or, le bien commun ne prescrit-il pas plutôt une certaine égalité des conditions ? Au total donc, le bien commun reste très vague en dehors du processus électoral qui peut seul le préciser. Toutefois, en identifiant purement et simplement intérêt général et résultat d'un vote, on invaliderait toute la critique de la démocratie développée en seconde partie: le peuple aurait toujours raison puisqu'on appellerait vérité l'expression de sa volonté ! [2. Le bien commun est une illusion : la critique marxiste de la démocratie bourgeoise.] On peut pousser plus loin la critique de la notion de bien commun.

« contradiction propre à l'État démocratique est, qu'en vertu de sa propre idéologie libérale, la bourgeoisieest contrainte par les masses de laisser s'exprimer la classe exploitée.

C'est pourquoi la vie démocratiqueest organisée autour de partis politiques représentant les intérêts des différentes classes sociales etgrossièrement polarisée en une opposition droite-gauche.

Ce n'est cependant pas parce qu'elle exprimel'antagonisme de classes que la démocratie peut le résoudre : les intérêts de classe s'y affrontent mais nes'unissent pas en un mythique bien commun.

De manière plus générale, la critique marxiste consistera àmontrer le caractère abstrait de la liberté et de l'égalité telles qu'elles sont pensées par le démocratebourgeois: il ne suffit pas de décréter l'égalité de droit pour supprimer l'asservissement réel - c'est-à-direlié aux conditions matérielles objectives de la société - de l'ouvrier d'usine par l'entrepreneur capitaliste.On ne peut donc créer les conditions matérielles d'une démocratie véritable et rendre possible l'existencedu bien commun, de l'égalité et de la liberté, que par une transformation radicale du système économiquegénérateur d'exploitation et de division.

Celle-ci passe par une confiscation des moyens de production parun État passé sous la contrôle du prolétariat.

Qu'elle s'ouvre par la voie de la violence révolutionnaire oumême, dans l'option réformiste, par le respect de la légalité et d'un jeu démocratique apparent, cette«dictature du prolétariat» n'est pas démocratique puisqu'elle implique le triomphe d'un intérêt de classesur un autre.Au total, en méconnaissant les conditions économiques de la réalité politique, la pensée démocratique acru en l'existence immédiate d'un bien commun alors que celui-ci ne peut être que l'ultime aboutissementd'un processus historique. [3.

Tentative de réhabilitation de l'idée de bien commun.] Peut-on sauver la notion de bien commun de ces critiques radicales qui le considèrent comme une idéevague et même illusoire ? C'est ce que nous devons essayer de faire pour justifier notre seconde partietout en intégrant les apports de la troisième.Une voie reste à explorer: on pourrait définir le bien commun, non comme l'équilibre des intérêtsparticuliers, équilibre estimé par on ne sait quel calcul, mais comme le bien de la communauté en tant quecommunauté.

On le déterminerait alors à partir d'un projet de société lui-même arrimé dans unephilosophie de l'homme ou de l'être.

Le bien commun s'exprimerait donc en termes de valeurs (comme lapaix, la grandeur, la justice, la solidarité, l'égalité, la liberté...).

Dans cette perspective, la démocratie nes'accorderait pas à la liberté parce que je retrouverais dans l'obéissance aux lois la plus grande quantitépossible de mon petit bien individuel mais parce que j'entrerais au service d'idéaux justes et vrais.

Et s'ilest probable que le bien de l'État se traduira par un plus grand bonheur de l'individu, il est faux de vouloirdéduire celui-là de celui-ci, plus faux encore d'identifier le bonheur de l'individu avec un intérêt danslequel le bien de l'État et les valeurs qu'il entend servir n'entrent pour rien.

Si le bien commun n'est pas lecentre de gravité des intérêts particuliers, il est alors possible de servir le bien commun même dans unesociété divisée en classes antagonistes.

Certes, si lorsqu'il se bat pour l'instauration du socialisme, leprolétaire n'exprime que son intérêt de classe, si lorsqu'il célèbre le libéralisme, le bourgeois ne défend queson pouvoir économique, alors assurément le bien commun est un mot vide de sens.

Mais en est-ilvraiment ainsi? On peut supposer qu'au-delà de son intérêt de classe, un individu défend une certainevision de la société - et donc une certaine conception du bien commun - qui, si elle n'est pas pure detout intérêt, ne se laisse cependant pas réduire à lui.

Ce qu'il faut donc penser pour réhabiliter ladémocratie, c'est la possibilité pour une classe déterminée d'être porteuse, à travers sa particularité, d'unintérêt universel.

Ainsi, la Révolution française exprime bien les intérêts de la bourgeoisie montante mais,en même temps, découvre au monde des valeurs universelles dans lequel même l'aristocrate peut sereconnaître.

De même l'idéal socialiste transcende le prolétariat qui le véhicule (même un bourgeois peutêtre socialiste).Il suit de ces considérations que lorsque la minorité s'incline devant la majorité, elle ne cède pas - ou passeulement, ou pas nécessairement - devant un intérêt particulier mais, à travers cet intérêt, devant desidéaux qu'elle ne partage pas.

Cette distinction permet alors de maintenir un sens à la critiqueplatonicienne: on peut analyser la démocratie en termes de vérité et d'ignorance et non seulementd'intérêts et de rapports de force.

En quoi cependant est-il préférable d'être asservi à un idéal que jejuge faux plutôt que d'être asservi à l'intérêt d'une classe plus puissante? La différence est cependantconsidérable car on ne discute pas avec une force, on la combat; en revanche, il y a lieu de débattre àpropos d'un idéal même très éloigné du nôtre.

Si les individus ne sont pas irrémédiablement enfoncés dansleur particularité sociale, si, par l'universalité de la raison, des idéaux opposés peuvent entrer encommunication, alors le débat démocratique a un sens et demeure la voie privilégiée d'un progrès versune meilleure connaissance et une plus grande réalisation du bien commun.Il n'aura néanmoins pas été vain de passer par la critique marxiste de la démocratie.

Nous en retiendronsdeux enseignements.

Elle nous a d'abord appris à être moins naïfs et à démasquer l'intérêt lorsqu'il sedrape sous les apparences du bien commun.

Elle nous a par ailleurs convaincus de la nécessité d'unetransformation des conditions matérielles qui restreignent les idéaux démocratiques et détruisent l'unitéde la société.

La démocratie est-elle alors capable, par la seule force de la loi, de dépasser la simpleégalité de droits et de créer les conditions d'une égalité réelle? Autrement dit, peut-on conquérir, à partird'une démocratie politique, une démocratie sociale? Cette question nous amène au coeur d'une descontradictions de nos démocraties modernes: l'antinomie de l'égalité et de la liberté.

Une plus grandeintervention de l'État est nécessaire à la réduction des inégalités mais elle risque d'étouffer les individus.Un excès de libéralisme conduirait à l'asservissement du faible par le puissant; un excès de collectivismeintroduirait une forme de totalitarisme.. »

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