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Le bonheur se mérite-t-il?

Publié le 22/03/2005

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Le bonheur est généralement compris comme un état de satisfaction durable, qui pourrait d'ailleurs être considéré comme le but de toute vie humaine.

Dire qu'une chose « se mérite «, c'est dire plusieurs choses : que cette chose a une grande valeur, que son acquisition ne peut se faire qu'au prix de certains efforts, qu'elle est donc en quelque sorte la récompense ultime d'un dur travail fourni.

Ce qui n'a pas à se mériter, c'est ce qui nous est dû quoi qu'il arrive, quoi que nous fassions : pouvons-nous nous considérer que nous avons le droit de prétendre au bonheur quoi que nous fassions ? Ou bien faut-il préférer une perspective impliquant une responsabilité de l'homme devant son bonheur, si bien que le bonheur apparaîtrait comme la récompense d'un travail sur soi ? Le bonheur se mérite-t-il ?

Ces questions mettent en jeu la définition du bonheur : est-il un ensemble de conditions extérieures qui ne nous concernent que par chance ou par malchance, qui nous arrivent par accident et sur lesquelles nous n'avons aucune prise ? Ou est-il au contraire un ensemble de dispositions que nous prenons délibérément, et qui touchent tant nos conditions de vie extérieures que nos manières de réagir intérieurement à ce qui vient nous affecter ?

« Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs Le concept du bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désirqu'a tout homme d'arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire entermes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut.

La raisonen est que tous les éléments qui font partie du concept du bonheur sont dansleur ensemble empiriques, c'est-à-dire qu'ils doivent être empruntés àl'expérience ; et que cependant pour l'idée du bonheur un tout absolu, unmaximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma conditionfuture, est nécessaire. Or il est impossible qu'un être fini, si perspicace et en même temps si puissantqu'on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu'il veut icivéritablement.

Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d'envie, que de piègesne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance etde lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard pluspénétrant pour lui représenter d'une manière d'autant plus terrible les mauxqui jusqu'à présent se dérobent encore à sa vue et qui sont pourtantinévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu'il adéjà bien assez de peine à satisfaire.

Veut-il une longue vie ? Qui lui répondque ce ne serait pas une longue souffrance ? Veut-il du moins la santé ? Quede fois l'indisposition du corps a détourné d'excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc.

! Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d'après quelque principe ce qui le rendraitvéritablement heureux : pour cela il lui faudrait l'omniscience.

(...) Il suit de là que les impératifs de la prudence, àparler exactement, ne peuvent commander en rien, c'est-à-dire représenter des actions d'une manière objectivecomme pratiquement nécessaires, qu'il faut les tenir plutôt pour des conseils (consilia) que pour descommandements (proecepta) de la raison ; le problème qui consiste à déterminer d'une façon sûre et générale quelleaction peut favoriser le bonheur d'un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n'y a donc pas à cetégard d'impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheurest un idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont onattendrait vainement qu'ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d'une série deconséquences en réalité infinie... II.

L'illusion de ce qui nous est dû On pourrait d'autre part comparer le traitement de la question du bonheur au traitement que fait ici Rousseau de laméchanceté, afin de produire un concept de la responsabilité qui nous permette de définir ce que serait le fait demériter le bonheur.

Le point central ici est la déresponsabilisation illusoire dont l'homme est capable :déresponsabilisation du criminel dans le texte de Rousseau, à rapprocher d'une déresponsabilisation par lui-même del'homme malheureux qui se plaint de son sort. Rousseau, L'Emile Les coupables qui se disent forcés au crime sont aussi menteurs que méchants : comment ne voient-ils point que lafaiblesse dont ils se plaignent est leur propre ouvrage ; que leur première dépravation vient de leur volonté ; qu'àforce de vouloir céder à leurs tentations, ils leur cèdent enfin malgré eux et les rendent irrésistibles ? Sans doute ilne dépend plus d'eux de n'être pas méchants et faibles, mais il dépendit d'eux de ne pas le devenir.

Et que nousresterions aisément maîtres de nous et de nos passions, même durant cette vie, si, lorsque nos habitudes ne sontpoint encore acquises, lorsque notre esprit commence à s'ouvrir, nous savions l'occuper des objets qu'il doitconnaître pour apprécier ceux qu'il ne connaît pas ; si nous voulions sincèrement nous éclairer, non pour briller auxyeux des autres, mais pour être bons et sages selon notre nature, pour nous rendre heureux en pratiquant nosdevoirs ! Cette étude nous paraît ennuyeuse et pénible, parce que nous n'y songeons que déjà corrompus par levice, déjà livrés à nos passions.

Nous fixons nos jugements et notre estime avant de connaître le bien et le mal ; etpuis, rapportant tout à cette fausse mesure, nous ne donnons à rien sa juste valeur. III.

Le travail du bonheur La conjugaison des perspectives des deux premières parties permet de proposer la solution suivante : à la notion demérite il faudrait peut-être préférer celle de travail – l'accent est ainsi mis sur la responsabilité de l'homme devantson bonheur plus que sur la qualité qui lui permettrait de l'atteindre.

Le bonheur alors se mérite au sens où il semblerefusé à celui qui ne met pas en application des pratiques de recherche du bonheur – la philosophie pouvant êtreune de ces pratiques.

C'est un sens restreint du mérite.. »

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