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Les bouffons techniques.

Publié le 26/04/2011

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   La vie moderne (...) propose, impose même le divertissement. L'environnement technique et l'usage qui en est fait attirent l'homme vers l'extérieur. Jamais vers l'intérieur. C'est l'évasion permanente dans « l'avoir «, jamais dans « l'être «. Les distractions des souverains paraissent dérisoires comparées à celles qu'offrent la télévision, le cinéma, les voyages, la promotion sociale. Le plus modeste citoyen a des milliers de bouffons qui travaillent à l'étourdir.    Le divertissement contemporain a des caractéristiques bien précises qui le distinguent complètement des « fêtes « traditionnelles ou des plaisirs anciens. La fuite devant « les problèmes « en est le préalable. La partie négative en quelque sorte. L'assistance socio-technique en est l'aspect positif.    Son importance ne cesse de croître tandis que diminue la créativité individuelle. L'homme moderne est devenu un infirme qui attend tous ses plaisirs des biens et services fournis par la communauté. En leur absence, le temps libre n'est qu'un temps vide. A l'inverse, la qualité des loisirs est liée à celle des moyens dont on dispose pour les occuper. On se distrait mieux avec la télévision en couleurs qu'avec la télévision en noir et blanc, avec une voiture Citroën S.M. qu'avec une 2 CV, avec une villa qu'avec une tente. C'est l'environnement technique, « l'avoir « qui mesure la qualité de « l'être «. Le « mieux « s'obtient par le « plus «.    Cette évolution atteint le comble de l'absurde dans l'industrie du jouet. Elle mobilise des ingénieurs, des bureaux d'étude, de puissantes usines. Elle contraint les parents à des sacrifices souvent très lourds. Elle fait vivre les bambins dans un bazar effarant d'objets, toujours plus compliqués, toujours plus coûteux. Et naturellement les chers petits s'amusent toujours avec des vieilles boîtes et des bouts de bois. Car ils sont arrivés au monde avec un « être « intact qui possède toute sa richesse intérieure. Les sollicitations extérieures ne sont que des prétextes auxquels ils accrochent leur univers. Telle l'huître qui fabrique sa perle sur un vulgaire grain de sable, ils bâtissent des instants émerveillés sur des chiffons et des cailloux. A l'inverse le jouet trop précis dans sa signification et son usage n'intéresse l'enfant que dans la mesure où il peut devenir un point de départ et non un itinéraire imposé.    Mais l'adulte est persuadé que le plaisir est donné par l'objet. Il mesure son amour à la qualité de ces jouets « porte-bonheur « plus qu'à ses propres efforts pour épanouir les facultés créatrices de l'enfant. Comment le père comprendrait-il ce que l'adulte ne sait plus? Comment l'être appauvri, mutilé, devinerait-il les richesses de l'être juvénile? Pour l'individu les choses sont ce qu'elles sont, et les plaisirs sont ce qu'elles donnent. On jouit de ce qu'on reçoit et non de ce qu'on crée.    Cette révolution est inscrite dans la nature même des « bouffons techniques « qui diminuent sans cesse la participation de l'individu à son divertissement. Comme si l'effort d'initiation qui ouvre les voies de la création personnelle était le mal à combattre, la contrainte à éliminer. Dans le couple objet-sujet, l'objet est de plus en plus riche, de plus en plus actif; le sujet de plus en plus passif.    François de Closets, Le Bonheur en plus.    Selon votre préférence, résumez ou analysez ce texte. Vous en dégagerez ensuite un problème auquel vous attachez un intérêt particulier : vous en préciserez les données, vous les discuterez s'il y a lieu et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.   

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