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Le Cahier rouge

Publié le 27/03/2013

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Le Cahier rouge (publié en 1907 seulement) doit son nom à la couleur rouge de sa couverture. Constant l'avait intitulé plus exactement : Ma vie, 1767-1787. Le nom de Benjamin Constant est resté lié à celui d'Adolphe, son double romanesque, qui est aussi le titre de son chef-d'oeuvre et l'un des monuments du roman d'analyse. Cette oeuvre publiée en 1815 ne fut pourtant réellement appréciée qu'à la fin du siècle.

« Buste de Mme de Charrière, par Houdon ~ ---- --- EXTRAITS Début de livre et début de vie Je suis né le 25octobre1767, à Lausanne, en Suisse, d'Henriette de Chandieu, d'une ancienne famille française, réfugiée dans le pays de Vaud pour cause de religion, et de Juste Constant de Rebecque, co­ lonel dans un régiment suisse au service de Hollande.

Ma mère mourut en couches, huit jours après ma naissance.

Le premier gouverneur dont j'aie conservé un souvenir un peu distinct fut un Allemand nommé Stroelin, qui me rouait · de coups, puis m'étouffait de ca­ resses pour que je ne me plai­ gnisse pas à mon père.

Je lui tins toujours fidèlement parole, mais la choses' étant découverte mal­ gré moi, on le renvoya de la maison.

Il avait eu, du reste, une idée assez ingénieuse, c'était de me faire inventer le grec pour me l'apprendre, c'est-à-dire qu'il me proposa de nous faire à nous deux une langue qui ne serait connue que de nous : je me passionnai pour cette idée.

( ...

) Je savais déjà une foule de mots grecs, et je m'occupais de donner à ces mots de ma création des lois générales, c'est-à­ dire que j'apprenais la grammaire grecque, quand mon précepteur fut chassé.

J'étais alors âgé de cinq ans.

Le commencement d'une amitié ambiguë Ce fut à cette époque (1787) que je fis connaissance avec la première femme d'un esprit supérieur que j'aie connue, et l'une de celles qui en avaient le plus que j'aie ja­ mais rencontrées.

Elle se nommait Mme de Charrière.C'était une Hollandaise d'une des premières familles de ce pays, et qui, dans sa jeunesse, avait fait beaucoup de bruit par son esprit et la bizarrerie de son caractère .( ...

) Son esprit m'enchanta.

Nous passâmes des jours et des nuits à causer en­ semble .

Elle était très sévère dans ses juge­ ments sur tous ceux qu'elle voyait.

J'étais très moqueur de ma nature.

Nous nous convînmes parfaitement.

Mais nous nous trouvâmes bientôt l'un avec l'autre des rap­ ports plus intimes et plus essentiels.

Mme de Charrière avait une manière si originale et si animée de considérer la vie, un tel mépris pour les préjugés, tant de force dans ses pensées, et une supériorité si vigoureuse et si dédaigneuse sur le commun des hommes, que dans ma disposition, à vingt ans, biza"e et dédaigneux que j'étais aussi, sa conver­ sation m'était une jouissance jusqu'alors in­ connue .

Je m'y livrai avec transport.

Son mari, qui était un très honnête homme, et qui avait ·de l'affection et de la reconnais­ sance pour elle, ne /'avait menée à Paris que pour la distraire de la tristesse où l'avait jetée l'abandon de l'homme qu'elle avait aimé.

Elle avait vingt-sept ans de plus que moi, de sorte que notre liaison ne pou­ vait l'inquiéter.

Il en fut charmé et /' encou­ ragea de toutes ses forces.

Je me souviens encore avec émotion des jours et des nuits que nous passâmes ensemble à boire du thé et à causer sur tous les sujets avec une ar­ deur inépuisable.

Cette nouvelle passion n'absorbait pas néanmoins tout mon temps.

La maison natale de Constant, à Lausanne NOTES DE L'ÉDITEUR Mme de Charrière ou la libération des passions «C'est qu'avec Madame de Charrière,( ...

) le Constant de la vingtième année peut enfin être tout lui-même.( ...

) Madame de Charrière tout ensemble libère et galvanise chez Benjamin toutes les formes de la passion, et si, ainsi que le dit Le Cahier rouge, pendant qu'il fera toutes ses enrageries, Madame de Charrière reste la personne qui occupe véritablement sa tête et son cœur, cependant, bien qu'à l'origine et au centre elle soit celle qui déclenche le plus fou des feux d'artifice, cependant les gerbes fusent et retombent dans toutes les directions, excepté justement sur elle.

» Charles Du Bos, Grandeur et misère de Benjamin Constant, éditions Corra, 1946.

La finalité modeste de l'œuvre « Bien loin de capter, de confisquer l'individu, on ne saurait même soutenir que l'œuvre le libère : il est rare qu'elle intervienne, et lorsqu'elle intervient, elle ne résout pas: elle constate.( ..

.

) L'œuvre appartient à l'ordre du constat ; et, une fois établi, si l'esprit, mais lui seul, est purifié par la compréhension finale, ce constat laisse l'individu en face de soi, aux prises avec une situation au dedans comme au dehors inchangée.

A chaque moment de sa vie, Constant se retrouve tel qu'il est.» Charles Du Bos, op.

cit.

1 Ed~a 2 lithograph ies de du Bos, 3 coll.

baron de Marenholz 4 buste de Houdo n 5 coll.

Bride! CONSTANT0 3. »

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