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CAMUS: LA PESTE: « La quarantaine » (p214 / 215) de « On pouvait cependant avoir d'autres sujets d'inquiétude ... » à «des planètes différentes »

Publié le 29/07/2010

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Situation du passage :

– 4ème partie : pendant la « Toussaint « (date mentionnée p212) – Correspond à une période où la peste semble avoir atteint un palier – Dans la ville isolée et coupée du monde, on met en quarantaine les proches des malades dans des « camps d'isolement «. Problématique : quelle est la portée symbolique de la description de la ville d'Oran en quarantaine ?

I. La modification des comportements et de l'organisation sociale

Oran est coupée du monde depuis la fin de la 1ère partie : p64 « Déclarez l'état de peste. Fermez les portes «.

a) Un nouvel ordre social L'isolement de la ville entraîne la pénurie des produits alimentaires (l. 2 « difficultés du ravitaillement «). Cette pénurie a plusieurs conséquences : – la spéculation : antithèse l.4 « prix fabuleux « / « denrées de première nécessité « (renforcement par l'emploi de l'adjectif hyperbolique « fabuleux «) => comportement humain immoral et hautement condamnable = profiter d'une situation tragique, de la souffrance des autres pour son enrichissement (notez le pronom « on « de la ligne 3 qui laisse dans l'ombre les responsables de cette situation) – la naissance d'un marché parallèle (i.e. marché noir) opposé au « marché ordinaire « (l.5) – l'accroissement des inégalités sociales : antithèses « familles pauvres «, « situation très pénible « (notez l'adverbe d'intensité) / « familles riches «, « ne manquaient de rien « ; accentuation de la souffrance des plus démunis (l6 « très pénible «, l14 « souffraient de la faim «) – => Au total, la situation de quarantaine, loin de révéler les qualités humaines des habitants d'Oran (solidarité, partage, ...) met en lumière l'importance accrue de l'argent et renforce les fractures sociales. Cette situation génère plusieurs sentiments : – l'accroissement du « sentiment de l'injustice « (l. 12), doublement justifié : exclu parmi les exclus, victimes parmi les victimes. – le regret de la vie normale passée générant une tristesse profonde (insistance dans l'expression « pensaient, avec plus de nostalgie encore « l.15) – une forme de jalousie/envie envers le monde extérieur « où la vie était libre et où le pain n'était pas cher « (l. 16) : par opposition à un extérieur idéalisé, on devine un monde clos où la liberté disparaît peu à peu. La quarantaine conduit à des embryons de révoltes : l'expression « certaines manifestations « est très révélatrice => estce un euphémisme (réalité édulcorée par le narrateur à la manière peut-être des organes de presse) ou la réalité (forme de passivité / de lâcheté des habitants d'Oran) ?

b) Conséquences sur les relations entre la presse, le pouvoir et le citoyen – Disparition de la liberté de la presse soumise au pouvoir en place (verbe « obéissaient « + terme « consigne « l26) – La « consigne d'optimisme à tout prix « rappelle étonnamment le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley où le bonheur distribué en pilules évite tout trouble et toute remise en cause de l'ordre établi. – La presse est mensongère et son fonctionnement s'apparente à de la propagande. L'exemple de la ligne 28 est significatif « ''l'exemple émouvant de calme et de sang-froid'' « : les guillemets signalent à la fois la reprise exacte des termes des journaux et la distanciation du narrateur ; il s'agit ici bien évidemment de désinformation et de manipulation des foules ; la réalité est très éloignée = les familles proches des victimes sont emmenées par la force dans des camps d'isolement (l'expression prend une valeur d'antiphrase, ce que nous comprenons parfaitement à la lecture des remarques du narrateur l29 à 32). – Apparition d'un pourvoir oppresseur. Expression « manifestations vite réprimées « l23 : l'adverbe « vite « souligne l'efficacité de la répression tandis que l'adjectif « réprimées « évoque la violence. – Autre mécanisme à l'oeuvre : un pouvoir sans visage, sans incarnation, mais qui semble omniprésent (c'est une technique éprouvée des régimes totalitaires : cf. la Stasi ou le KGB ou encore le roman 1984 de George Orwell). – « on « l17/18 : qui ? Le gouvernement ? – l23 « manifestations vite réprimées « : forme passive qui occulte le complément d'agent – l27 « la consigne (...) qu'ils avaient reçue « : idem => de qui ? – l35 « l'administration « : terme vague, réalité anonyme d'une bureaucratie implacable ?

c) La mise en place des camps d'isolement – Localisation géographique « aux portes de la ville «l.41 => des exclus parmi les exclus – Laideur (« tramways «, « terrains vagues «, « ciment «) => évoque l'inhumanité – Univers carcéral (cf. lexique « entouré de hauts murs «, « murs « revient 3 fois, « sentinelles «, « évasion «) – Opposition entre l'attente sans fin / l'absence de vie (complément « à longueur de journée «, valeur durative des imparfaits) dans les camps d'isolement et l'agitation de la vie citadine banale qui continue à proximité immédiate (« la rumeur «, « bureaux «, ...) => souligne l'indifférence (« univers (...) étrangers, « planètes différentes «) et la disparition de toute fraternité / solidarité.

II. Un passage révélateur de la noirceur de la nature humaine

La peste agit comme un révélateur de la véritable nature de l'homme. Les habitants d'Oran sont représentatifs de l'homme en général (portée symbolique).

a) De l'exemple oranais à une dimension universelle – Usage du pronom indéfini « on « => plusieurs référents – « on « l1 = narrateur + oranais – « on « l3 = les spéculateurs / les profiteurs – « on « l17/18 : le gouvernement – « on « l20 : narrateur + oranais – Mais le « on « (comme le « nos «/ « nous «/ ... l10 « nos concitoyens «) permet aussi d'impliquer le lecteur : il donne l'illusion que le lecteur se trouve dans la situation décrite. – Usage de termes collectifs / génériques : « les familles pauvres «, « les familles riches «, « concitoyens «, « les gens « => le discours se charge d'une portée générale, universelle – « le jeu normal des égoïsmes « l.10 : l'adjectif indique que ce défaut appartient à la nature humaine, qu'il lui est consubstantiel. – Le texte mêle deux regards : – celui de l'observateur plus ou moins neutre qui réalise la « chronique « (exemple du début du passage l1 à 7) – celui d'un penseur qui fait part de réflexions sociales, psychologiques, ... qui dépassent le simple récit anecdotique (ex: « jeu normal des égoïsmes «, l18 « d'ailleurs peu raisonnable «, ...)

b) La noirceur de l'âme humaine : les « profiteurs « La peste est le révélateur du mal qui est dans l'homme : – égoïsme / indifférence à la souffrance => concentré sur sa propre survie, ses propres besoins au détriment des autres (absence de solidarité, de fraternité, ...) [cf. « jeu normal des égoïsmes « l.10] – cupidité / appât du gain => les spéculateurs profitent de la détresse et de la misère pour leurs propres intérêts financiers. – Peur viscérale de la mort qui conduit l'homme aux pires extrémités (=camps d'isolement). Idée très sensible dans la noire ironie de la phrase « il restait, bien entendu, l'égalité irréprochable de la mort, mais de celle-là, personne ne voulait « l.12 – => référence à une conception particulière de l'homme présenté comme naturellement mauvais (le mal lui serait consubstantiel) : « l'homme est un loup pour l'homme «, Plaute (auteur comique latin) c) La noirceur de l'âme humaine : les « victimes « Non exemptes de reproches : – l.12 « où la vie était libre et où le pain n'était pas cher « : ironie critique du narrateur sensible dans le fait de mettre sur le même plan le concept de liberté et ... le prix du pain (valeur humaine forte opposée au prosaïsme le plus bas) => l'homme se révolte non pas pour un idéal, mais pour satisfaire ses besoins élémentaires (= critique voilée du narrateur) – l.17 « ils avaient le sentiment (...) qu'on aurait dû leur permettre de partir « : manifestation d'égoïsme car aucune préoccupation concernant le sort des autres à l'extérieur (risque de contagion) [vision pessimiste car manifestent le même égoïsme que les profiteurs mais sous une forme différente] – Lecture ambiguë de l'expression « certaines manifestations « (l. 23) : révoltes réelles mais atténuation du narrateur ou révolte timorée, passivité du peuple ? – On peut pencher pour la 2de interprétation : le narrateur condamne une forme de passivité et d'aveuglement volontaire de la population, notamment au sujet des camps (cf. l.30 « où rien ne pouvait demeurer secret «, l.31 « personne ne se trompait «,...= tous savaient « [faire le parallèle avec les juifs lors de la 2de guerre mondiale] – Singularité de l'expression « importuner de leur curiosité « l.48 : la seule réaction envers ceux qui étaient autrefois leurs voisins et qui semblent devenus aujourd'hui des étrangers est un comportement indécent à la limite du voyeurisme. – Un autre aspect choquant réside dans le fait que les oranais épargnés poursuivent leur existence machinale et banale (indifférence : « les heures de rentrée et de sortie des bureaux «) alors même que d'autres meurent à deux pas.

III. Une métaphore de l'horreur de la 2de guerre mondiale

a) Analogies avec la période historique (= allusions historiques) – Valeur métaphorique de la peste = mal nazi qui s'abat sur l'Europe (nazisme = « la peste brune « en référence à la couleur des uniformes allemands) – 1er paragraphe : pénurie, accroissement inégalités, faim, souffrances, marché noir, spéculateurs, ... Autant d'éléments qui rappellent de tristes souvenirs aux lecteurs de 1947 => ce qui est décrit est vrai pour tout ville en état de siège ou d'occupation (p. ex. Paris pendant la 2de guerre mondiale) – 2ème paragraphe : absence de liberté de la presse, soumission de la presse aux ordres officiels du pouvoir = analogie avec les techniques de propagande de la 2de guerre mondiale (régime de Vichy, régime nazi) – Valeur allégorique d'Oran : métaphore de l'univers des camps de concentration. – 3ème paragraphe : utilisation de stades pour parquer les individus => référence au Vélodrome d'Hiver en 1942 où des milliers de juifs furent parqués pendant 5 jours sans nourriture avant d'être envoyés à la mort. – Le terme-même de « camp « évoque immédiatement les camps de la mort nazis (on trouve aussi p231 une allusion directe au « four crématoire «).

b) Mais ce passage peut prendre une valeur allégorique plus globale Ce qui se produit à Oran peut se lire comme une allégorie de tout totalitarisme (nazisme, fascisme, franquisme, stalinisme, ...). On y trouve, en effet, les caractéristiques majeurs de ces régimes : – Répression sévère et rapide des troubles – Accroissement des inégalités sociales pour le bénéfice d'une minorité – Disparition de la liberté de la presse + propagande + désinformation – Pourvoir de répression sans visage, invisible, mais infaillible et omniprésent, bureaucrate

c) Le narrateur donne une vision euphémisée / atténuée des événements : pourquoi ? – Volonté de conserver une dimension allégorique forte en maintenant une certaine généralité / neutralité ? – Choix romanesque de la « chronique « avec une légère distanciation ironique ? – Appel à l'intelligence, à la raison du lecteur qui doit mener son propre travail de réflexion – Parti-pris d'humilité du narrateur, loin de tout héroïsme ou de tout jugement vindicatif; qui trahit un humanisme profond de Camus (peut-être chacun a-t-il lutté à sa mesure ?) Remarque pour conclure : Même si la date de la « chronique « plaide pour une interprétation historique (représentation de l’expérience collective du mal de la 2de guerre mondiale, notamment les camps de concentration), on ne peut se limiter à cette analyse comme le souligne Camus dans ses Carnets dès 1943 : « Je veux exprimer au moyen de la peste l’étouffement dont nous avons tous souffert et l’atmosphère de menace et d’exil dans laquelle nous avons vécu. Je veux du même coup étendre cette interprétation à la notion d’existence en général. « Cette description de la ville d'Oran en quarantaine est donc l'occasion de développer deux dimensions allégoriques de la peste : la peste comme allégorie du mal consubstantiel à l'homme, et la peste comme métaphore de la 2de guerre mondiale.

 

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« Une particularité de ce récit est que nous ne savons pas qui en est le narrateur.

Le tout nous est raconté par descarnets mais dont nous ne connaissons pas le propriétaire. La peste gagne en amplitude, le nombre des morts devient impossible à cacher.

La ville se voit obligée de prendredes mesures.

Au départ elles sont assez ridicules compte tenu de l'importance du problème, mais elles serontrapidement renforcées.

La ville va être complètement fermée, à l'entrée comme à la sortie, et l'armée est chargéed'empêcher, par tous moyens, toute tentative d'évasion. Rambert, comme beaucoup d'autres n'aura qu'une obsession : sortir de cette ville.

Il avoue le faire par amour poursa nouvelle conquête parisienne.

Il est prêt à tout pour y arriver ! Le nombre de morts ne cesse de grimper et chaque famille est obligée de signaler aux autorités la présence d'unmalade.

Celui-ci sera enlevé par les services sanitaires et placé en quarantaine.

Quelques semaines plus tard, tousles autres habitants seront eux aussi obligés de se rendre dans un endroit donné pour y être mis en quarantaine.Cet endroit sera le stade de football où des tentes seront dressées. Très vite les services sanitaires sont débordés, les enterrements ne suivent plus, il n'y a plus assez de cercueils etles morts sont incinérés. Le seul, dans cette histoire, qui est heureux, c'est Cottard.

Pourquoi ?...

Nous apprenons qu'il est sous le coupd'une inculpation par la justice et devrait être condamné à de la prison.

Or, il ne veut en aucun cas être séparé desautres ! Il ne peut envisager la prison ! Comme l'administration, la police et la justice sont débordées, il se dit qu'onne s'occupera pas de son cas et qu'il ne risque donc rien.

Il préfère les risques de la peste à la certitude d'aller enprison. Devant l'aggravation de la situation, Tarrou se rend compte qu'il est indispensable de créer un service de bénévoles.Il en parle à Rieux qui, bien sûr, lui donne raison mais ne voit pas très bien qui acceptera.

Il se trompe ! Tarrou vaformer, avec son aide, toute une équipe à l'intérieur de laquelle il travaillera en collaboration avec Grand, Panelou etmême Rambert. Pourtant, celui-ci avait enfin trouvé le filon pour s'échapper d'Oran ! Mais il recule à la dernière minute s'estimantsolidaire de cette ville et de ses habitants.

Rieux, qui comprenait ses motivations, n'en revient pas. Outre les deuils, il est indiscutable que le premier mal qui secouait la population était cette séparation totale d'avecle monde extérieur.

Chacun avait un être aimé hors de la ville et de bons motifs pour vouloir la quitter.

Mais il y aaussi le fait que, comme le dit le narrateur, l'homme supporte beaucoup de choses tant qu'il n'est pas séparé desautres.

C'est aussi dans ce sens que les familles qui avaient un malade suppliaient de pouvoir le garder.

Tout plutôtque la séparation !... Le juge Othon, une fois de plus, se conduira avec honneur.

Son fils sera atteint par la peste et il le signalera.

Safemme, son autre enfant et lui-même seront donc mis en quarantaine.

Il sera séparé d'eux parce qu'on ne mélangepas les sexes en quarantaine.

Signalons ici que son fils mourra malgré le vaccin mis au point par un des médecins surplace.

En effet, les vaccins de Paris se comptent sur les doigts et s'avèrent assez peu opérant sur cette peste là ! D'ailleurs, après une légère accalmie, la maladie va évoluer en une sorte de peste pulmonaire, bien plus graveencore !... Son temps de quarantaine fait, Othon va demander à Rieux de l'accepter comme volontaire pour l'aide àl'administration du stade et de ses habitants. Au départ, les gens de la ville ont continués à s'occuper, à faire des affaires, mais bien vite ils vont s'arrêter par laforce des choses.

Le port est fermé et les marchandises n'arrivent plus.

Bien vite les cafés n'ont plus grand-chose àservir.

Or, passer les soirées à la terrasse des cafés était une des principales distractions des Oranais ! Un grand moment du livre se passe quand le narrateur nous raconte que Rieux et Tarrou parviennent à atteindre lamer.

Ils se déshabillent et plongent.

Les deux hommes nagent et admirent le ciel et la lune.

Ils vivent un momentd'une terrible intensité, une grande sensation de liberté.

Après ce bain, Tarrou avouera à Rieux ce qu'il fait à Oran etpourquoi il ne l'a pas quittée.

En outre, en acceptant le rôle de bénévole, il augmente terriblement son risqued'attraper la maladie. En réalité, Tarrou s'est éloigné de la société de façon générale.

Être là ou ailleurs n'a plus aucune importance pourlui.

C'est dans la partie « Les idées du livre » que je voudrais développer ce point. Sachez encore que Panelou mourra aussi, ainsi que Tarrou lui-même.

Ce dernier sera quasiment le dernier mort faitpar la peste à Oran.

Mais, par exception, Rieux ainsi que sa mère qui vit avec lui, refuseront de le signaler commemalade et de l'envoyer mourir avec les autres. Quand à Cottard, il n'aura qu'une seule inquiétude tout au long de cette histoire : la peur que la peste s'arrête !. »

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