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CANDIDE: CHAPITRE V. TEMPETE, NAUFRAGE, TREMBLEMENT DE TERRE, ET CE QUI ADVINT DU DOCTEUR PANGLOSS, DE CANDIDE ET DE L’ANABAPTISTE JACQUES. VOLTAIRE

Publié le 01/04/2011

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A peine ont-ils mis le pied dans la ville, en pleurant la mort de leur bienfaiteur, qu'ils sentent la terre trembler sous leurs pas ; la mer s'élève en bouillonnant dans le port, et brise les vaisseaux qui sont à l'ancre. Des tourbillons de flammes et de cendres couvrent les rues et les places publiques ; les maisons s'écroulent, les toits sont renversés sur les fondements, et les fondements se dispersent ; trente mille habitants de tout âge et de tout sexe sont écrasés sous des ruines. Le matelot disait en sifflant et en jurant : « il y aura quelque chose à gagner ici. — Quelle peut être la raison suffisante de ce phénomène ? disait Pangloss. — Voici le dernier jour du monde ! s'écriait Candide. « Le matelot court incontinent au milieu des débris, affronte la mort pour trouver de l'argent, en trouve, s'en empare, s'enivre, et ayant cuvé son vin, achète les faveurs de la première fille de bonne volonté qu'il rencontre sur les ruines des maisons détruites, et au milieu des mourants et des morts. Pangloss le tirait cependant par la manche : « Mon ami, lui disait-il, cela n'est pas bien, vous manquez à la raison universelle, vous prenez mal votre temps. — Tête et sang, répondit l'autre, je suis matelot et né à Batavia ; j'ai marché quatre fois sur le crucifix dans quatre voyages au Japon ; tu as bien trouvé ton homme avec ta raison universelle ! « Quelques éclats de pierre avaient blessé Candide ; il était étendu dans la rue et couvert de débris. Il disait à Pangloss : « Hélas ! procure-moi un peu de vin et d'huile ; je me meurs. — Ce tremblement de terre n'est pas une chose nouvelle, répondit Pangloss ; la ville de Lima éprouva les mêmes secousses en Amérique l'année passée ; mêmes causes, mêmes effets; il y a certainement une traînée de soufre sous terre depuis Lima jusqu'à Lisbonne. — Rien n'est plus probable, dit Candide ; mais, pour Dieu, un peu d'huile et de vin. — Comment probable ? répliqua le philosophe, je soutiens que la chose est démontrée. « Candide perdit connaissance, et Pangloss lui apporta un peu d'eau d'une fontaine voisine. Le lendemain, ayant trouvé quelques provisions de bouche en se glissant à travers des décombres, ils réparèrent un peu leurs forces. Ensuite ils travaillèrent comme les autres à soulager les habitants échappés à la mort. Quelques citoyens, secourus par eux, leur donnèrent un aussi bon dîner qu'on le pouvait dans un tel désastre : il est vrai que le repas était triste ; les convives arrosaient leur pain de leurs larmes ; mais Pangloss les consola, en les assurant que les choses ne pouvaient être autrement : « Car, dit-il, tout ceci est ce qu'il y a de mieux ; car s'il y a un volcan à Lisbonne, il ne pouvait être ailleurs ; car il est impossible que les choses ne soient pas où elles sont, car tout est bien. « Un petit homme noir, familier de l'inquisition, lequel était à côté de lui, prit poliment la parole et dit: « Apparemment que monsieur ne croit pas au péché originel ; car si tout est au mieux, il n'y a donc eu ni chute ni punition. — Je demande très humblement pardon à votre excellence, répondit Pangloss encore plus poliment, car la chute de l'homme et la malédiction entraient nécessairement dans le meilleur des mondes possibles. — Monsieur ne croit donc pas à la liberté ? dit le familier. — Votre excellence m'excusera, dit Pangloss ; la liberté peut subsister avec la nécessité absolue ; car il était nécessaire que nous fussions libres ; car enfin la volonté déterminée… « Pangloss était au milieu de sa phrase, quand le familier fit un signe de tête à son estafier qui lui servait à boire du vin de Porto ou d'Oporto.

Comme Zadig, Candide est un conte philosophique qui promène le lecteur d'aventures en aventures. Sans faire de commentaires, Voltaire nous laisse le soin de dégager de nous-mêmes la leçon que le récit des faits peut nous suggérer.    I. — Résumé des événements antérieurs    Comme son nom l'indique, le personnage principal est un jeune homme à l'âme douce et naïve. Il croit, comme son maître Pangloss le lui a enseigné, que tout va pour le mieux dans le monde et qu'on peut faire confiance à la Providence. Malheureusement, il est victime de toute une suite de catastrophes qui lui apprennent à ses dépens à quel point Pangloss s'est trompé. Élevé dans un château de Westphalie dont le maître est un baron entiché de noblesse1, il tombe amoureux de sa fille, Mademoiselle Cunégonde. On le chasse; il est enrôlé de force dans l'armée bulgare2, déserte, passe en Hollande. 

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« personnages de Candide sont, au contraire, nettement dessinés.

Voltaire y parvient .../... 1.

Voltaire a souvent raillé l'orgueil des barons allemands.

Voir notamment la 7e Lettre Philosophique où il oppose lalégitime fierté des marchands anglais aux vaines prétentions des Allemands entêtés de leurs titres.

2.

Voltaire enprofite pour attaquer le militarisme prussien qu'il a connu à la cour de Frédéric II.

3.

Voltaire connaît bien la Hollandeoù il a séjourné, notamment en 1722.

Il utilise des souvenirs personnels.

4.

Les anabaptistes appartiennent à unesecte religieuse qui imposait à ses fidèles un second baptême, quand ils avaient atteint l'âge de raison. .../... en leur prêtant un langage en rapport avec leurs goûts et leurs dispositions d'esprit : a) Le matelot brutal et violent — c'est lui qui est responsable de la mort de l'anabaptiste — ne pense qu'au pillage.

Iltutoie et rabroue Pangloss avec rudesse, vole et boit, jure et blasphème sans scrupules (Tête et sang, réponditVautre...). b) Pangloss, beau parleur, a réponse à tout comme son nom l'indique; il pérore sur un ton calme qu'aucun malheurn'ébranle, disserte à tout propos et prétend avoir toujours raison (Il y a certainement...

je soutiens que la chose estdémontrée...). c) Candide s'étonne comme il convient (Voici le dernier jour du monde !). d) Quant à l'Inquisiteur, c'est un personnage inquiétant qui dissimule, sous son habit noir et ses questionsinsidieuses et trop 45 polies (Monsieur ne croit donc pas à la liberté), une âme de fanatique.

Il est d'autant plus odieux qu'insensible àla détresse, il songe surtout à déguster son vin de Porto.

Avec beaucoup d'art, Voltaire termine l'entretien sur untrait qui, comme dans les Provinciales, peint le personnage et met un terme à une discussion qui risquerait d'êtreoiseuse pour le lecteur. B) La mise en scène. Le passage se compose de quatre tableaux : a) La tempête et le tremblement de terre que Voltaire décrit avec vie (emploi du présent de narration etaccumulation des traits saisissants), non par souci du pittoresque, mais pour mieux rendre la violence de lacatastrophe et le déchaînement aveugle des forces naturelles (Trente mille habitants de tout âge et de toutsexe...). b) La blessure de Candide qui n'empêche pas Pangloss de disserter sur les causes des séismes. c) Les efforts et la tristesse des habitants qui, échappés à la mort, travaillent à soulager les souffrances, aulendemain de la catastrophe. d) Enfin, la discussion entre Pangloss et l'Inquisiteur. Comme les classiques, Voltaire anime ces tableaux soit par des dialogues, soit par des détails bien choisis qui, d'untrait, suggèrent la scène et évoquent la situation (Candide était étendu dans la rue et couvert de débris — en seglissant à travers les décombres — Le familier fit un signe de tête à son estafier c'est-à-dire à son «domestiquearmé»), C) Les procédés comiques. Même si la satire ou la pensée sont amères et désolantes, comme c'est le cas dans cette page, Voltaire lesprésente presque toujours sous une forme bouffonne.

L'ironie étant son arme habituelle, il ne veut pas attendrir,mais amuser.

C'est la raison pour laquelle nous avons ici un certain nombre de procédés comiques qui, étant donnéles circonstances, pourraient paraître déplacés, si l'on ne connaissait pas sa tactique et ses intentions. a) D'abord le comique de caractère.

Pangloss est ridicule, non seulement parce que les pires catastrophesn'ébranlent pas son optimisme, mais encore parce que, tentant l'impossible, il cherche à ramener dans la voie duBien un ivrogne peu disposé à écouter et à comprendre ses beaux raisonnements.

Voltaire souligne le contraste desdeux hommes et s'amuse du résultat. b) Le comique du personnage est encore accentué par son vocabulaire prétentieux (vous manquez à la raisonuniverselle) et son style lourd et embarrassé (Car...

Car...

Car...).

Voltaire parodie ici le galimatias de Leibniz et deWolff son disciple. c) Enfin et surtout Voltaire imagine la situation grotesque de 85 Pangloss qui continue à pérorer, malgré les plaintes. »

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