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«Celui qui ne se soucie aucunement d'autrui, qui pense n'en avoir nul besoin ou en est effectivement privé...demeure dans son être sur le mode de l'être-avec-autrui.» Martin Heidegger, Être et Temps

Publié le 22/07/2010

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Quel homme peut se vanter de n’avoir nul besoin de l’autre durant sa destinée ? Que l’on veuille ou non, le destin de tout homme est marqué par l’empreinte de l’altérité. L’être de l’homme est en partie prenante avec autrui, d’où le mode être-avec-autrui prend une signification capitale pour toute existence menée solitairement ou socialement. Le philosophe allemand de la première partie du XXe siècle, Martin Heidegger, a pris le parti de remettre en doute l’homme qui revendique l’inutilité de toute relation avec l’autre. Ayant pour compagnon de route son propre être, l’homme solitaire, inconsciemment, se plie aux règles de l’altérité. La réalisation de ce travail requiert des éléments apportant des éclaircissements d’où notre volonté de mettre en valeur l’essai philosophique de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique, qui explore les abysses d’une vie solitaire où la présence fantomatique de l’autre est palpable. Bien entendu, il va de soi que l'essai de Tournier n'est l'unique référence de ce travail, c'est pourquoi nous glisserons également d'autres visions philosophiques de l'altérité. L’analyse de l’essai, ainsi que d'autres philosophie de l'altérité répondent à notre question centrale, à savoir si le destin de l’homme est profondément lié à autrui.  Autrui, c’est la condition de possibilité de toute représentation, de toute perception et de toute connaissance. Lors du naufrage de la Virginie, Robinson découvre la relation solitaire. Tourmenté par cette fatalité, il prend conscience de soi et remarque qu’il ne peut se comparer à d’autres consciences. Dès lors, l’âme solitaire, ce dernier décide d’entreprendre différentes démarches qui rappellent ce lien incassable de l’altérité. Notamment avec la citation suivante, «Certes, ni la température ni un sentiment de quelconque pudeur ne l’obligeaient à porter des vêtements de civilisé. Mais si c’était par routine qu’il les avait conservés jusqu’alors, il éprouvait par son désespoir la valeur de cette armure de laine et de lin dont la société humaine l’enveloppait encore un moment auparavant.«.[^1] L'absence de l'autre conditionne le naufragé à s'attacher au moindre élément pouvant renforcer son mode être-avec-autrui. C'est pourquoi durant son séjour sur l'île, il parvient, grâce aux restes laissés par le navire, à ne pas procédé par une déshumanisation de son être par l'absence de communications gestuelles, émotionnelles et cognitives. Avec son Log-Book, où Robinson retranscrit ses états psychologiques, nous pouvons observer l'évolution de sa solitude aboutissant à une union irréelle avec l'île, Speranza. De là, naît une liaison imminente entre son journal de bord et Robinson, un besoin de satisfaire une communication absente, certes à sens unique, mais nécessaire à titre psychique. Un besoin de confidence qui se ressent avec cet extrait, «Je sais que maintenant que chaque homme porte en lui – et comme au-dessus de lui – un fragile et complexe échafaudage d'habitudes, réponses, réflexes, mécanismes, préoccupations, rêves et implications qui s'est formé et continue à se transformer par les attouchements perpétuels de ses semblables.«[^2]. Cette citation cruciale définit avec exactitude l'impossibilité qu'un homme ne peut se passer d'une relation avec un autre, car le fragile échafaudage conçu par l'homme est en grande partie dû par l'autre. Tous les mécanismes complexes qui abritent notre conscience sont une armure façonnée par les soins d'autrui, car inévitablement pour faire un homme, il faut des hommes, donc d'un autre.  {text:soft-page-break} L'homme s'alimente de ses semblables par leurs attouchements, leurs fréquentations, d'où notre phrase « pour faire un homme, il faut des hommes « met en valeur cette démonstration. En effet, quel homme à ce jour à la mérite de se considérer entièrement autodidacte au point de s'enorgueillir ? Quel homme ? La citation suivante, à savoir « L'évidence fondatrice de l'éthique, mais aussi de la philosophie première, est que « je suis noué aux autres avant d'être noué à mon corps «. Lévinas transfère à autrui ce qu'Augustin disait du rapport de l'âme à Dieu : autrui est plus intime à moi que moi-même. «[^3], réfute l'idée de l'entierté de l'accomplissement humain sans le besoin d'un autre. A la naissance, la vie de l'homme est dépendante d'autrui. C'est d'abord en apprenant de l'extérieur qu'il peut ensuite se comprendre de l'intérieur, car sa perception, sa pensée et sa conscience de soi ne sont que poussière lors de sa venue au Monde et que la tâche de l'autre consiste à modelé l'âme de ce dernier pour lui permettre de mener une vie de qualité optimale. La citation qui suit, soit « Envisagé dans l'optique d'une philosophie de la conscience, le terme altérité rime avec extériorité. Dès la venue au monde de l'être humain, son psychisme est confronté à un triple altérité-extériorité : le monde extérieur (y compris son propre corps), autrui, l'inconscient. «[^4], souligne l'importance de la présence de l'autre lors d'une naissance d'un homme. Cette confrontation de la triple altérité-extériorité décide de la destinée de cet homme qui réalisera d'être un être à l'esprit muable, à l'âme consciente.  En guise de conclusion, le philosophe Martin Heidegger est en total adéquation avec son raisonnement de l'altérité. Étant donné que l'homme naît d'autrui, se civilise également à l'aide d'autrui, il est difficile, même si tel homme décide de s'exiler dans une solitude, de se détacher de sa nourriture culturel qui lui a permis de prendre conscience de soi. En effet, la naissance d' un nouveau-né est, en d'autres termes, la naissance d'un homme à l'état brut sans avoir subi la moindre trace de l'altérité. Par conséquent, il est en notre devoir de transmettre l'héritage que tout homme se doit d'enseigner à ses prochains pour que la civilisation puisse perdurer dans le temps et l'espace. Si cette tâche s'avérait ne pas être respectée, l'homme serait, à titre de comparaison, digne d'un animal. L'homme ne peut chasser l'autre, tout comme l'autre ne peut chasser son autre. Autrement dit, l'altérité est une nourriture essentielle pour mener l'homme à maturité, comme la respiration, le sommeil ou encore la faim, l'autre permet à son autre de se sentir vivre.  [^1]: Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique, Gallimard, 1972, p.32  [^2]: Ibid., p. 56  [^3]: Jean Greisch, NOTIONS, Encyclopaedia Universalis, 2004

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