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Chacun peut-il construire sa personnalité ?

Publié le 19/06/2009

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INTRODUCTION. - Nous sommes tous individualisés et, au moral comme au physique, il n'existe pas deux hommes absolument identiques. Mais il en est peu qui présentent une de ces individualités supérieures qui en font des personnalités, c'est-à-dire des individus dominant leurs semblables par l'ampleur de leurs vues et par l'originalité de leur pensée, ou plus souvent par une maîtrise d'eux-mêmes qui les rend facilement maîtres des autres. Devenir une personnalité est cependant l'idéal proposé aux jeunes en voie de formation. Or, la question se pose de savoir si nous nous faisons nous-mêmes et dans quelle mesure chacun peut construire sa personnalité. Pour répondre à cette question, nous rechercherons successivement ce qu'une personnalité comporte de donné et la part de construit qui peut être notre oeuvre. I. LE DONNÉ Inutile de le dire, nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes : premières assises de notre personnalité, les plus inébranlables et plus définitives, ne dépendent pas de nous, mais de nos parents et du milieu dans lequel nous avons été éduqués. Un tempérament. De l'hérédité physiologique, nous tenons notre tempérament, c'est-à-dire les dispositions morales résultant de la constitution organique : nous naissons nerveux ou lymphatiques, et par suite vifs ou lents dans nos réactions; les uns sont cérébraux et spéculatifs, d'autres thoraciques et portés à l'action physique... Voilà l'assise fondamentale de notre personnalité, nous la recevons toute faite, ou plutôt elle constitue notre moi primitif, qui reçoit les apports ultérieurs dont nous allons parler.

« a) Sans doute, un grand nombre de ces habitudes sont involontaires, en ce sens qu'elles n'ont pas été contractéesintentionnellement.

Elles résultent de notre activité professionnelle, de l'action du milieu que nous fréquentons, etc.Ainsi, suivant qu'il optera pour l'armée ou pour le commerce, suivant les goûts et la culture de la jeune fille qu'ilépousera, le même garçon adoptera des façons de sentir ou de penser et même un comportement physique assezdifférents.

Néanmoins, des habitude9 contractées sans que nous le voulions expressément restent bien notreoeuvre.

Cette profession, en effet, cette compagne, nous les avons choisies.

De même, ce n'est pasindépendamment de nous que des habitudes de paresse détendent en nous tous les ressorts ou que, au contraire,la fidélité à la tâche quotidienne nous rend disponibles pour des travaux difficiles.

C'est ainsi que, sans y penser,nous collaborons constamment à la construction ou à la destruction de notre personnalité. b) Il est de plus des habitudes proprement volontaires que nous avens acquises par des exercices répétés, soit quenous ayons été aidés dans cette oeuvre par les cadres d'une institution acceptée et même aimée, comme la familleou l'école, soit que nous en ayons eu toute l'initiative.

Quiconque, par un effort personnel, acquiert des habitudesd'ordre, de maîtrise de soi, travaille efficacement à la construction de sa personnalité. L'attitude à l'égard de ce qu'on est. Notre nature congénitale elle-même, ce que nous sommes sans l'avoir voulu, n'est pas soustrait à toute optionvolontaire et libre, option capable de transformer profondément notre personnalité. a) Ainsi que le disent les existentialistes, je ne suis vraiment que ce que j'ai librement choisi d'être; le reste m'estdonné ou imposé, ce n'est pas vraiment moi, un élément essentiel de ma personnalité.

L'acceptation ou le refus dutempérament avec lequel je suis né, ainsi que du caractère résultant d'une première éducation dans laquelle je nesuis pour rien, constitue une attitude personnelle qui peut modifier les perspectives ou même les renverser.Supposons que, naturellement égoïste et jouisseur.

je subisse passivement ma nature, on ne pourra me reconnaîtreaucune véritable personnalité.

Si, au contraire, j' « assume » ces tendances, c'est-à-dire les accepte, les faismiennes et en suis fier, on ne pourra pas me refuser une certaine personnalité, si antipathique et si odieux que jepuisse être.

Mais une telle acceptation risque bien de me maintenir au niveau de l'abandon passif à ma nature,l'impulsion qui me porte m'assumer tel que je suis venant de mes tendances congénitales.

Aussi est-elle de meilleuraloi la personnalité de celui qui refuse sa nature, n'accepte pas de n'être que ce qu'il est, ou plus exactement cequ'il a été fait, et se représente ou construit mentalement le type de ce qu'il voudrait être.

Cette représentation,qui est son oeuvre, est un élément, plus authentique peut-être que sa nature, de sa personnalité véritable. b) Il faut toutefois l'accorder, ce refus de se reconnaître dans ce qu'on est réellement n'est pas sans danger : onrisque de se confiner dans le rêve et, sous prétexte d'éviter tout compromis avec une nature qu'on n'accepte pas,de n'acquérir aucune personnalité effective.

C'est pourquoi il peut sembler préférable de s'assumer tel qu'on est, nonpour se complaire dans ses faiblesses et ses défauts, mais pour en faire un moyen de réaliser son idéal.

Ce que jesuis, je le considère comme un matériau de construction; ce n'est certes pas le matériau idéal, mais, n'en ayant pasd'autre à ma disposition, je tâche d'en faire l'usage le plus judicieux.

C'est l'attitude que recommande ALAIN : "Vouloir changer son propre caractère est une de ces entreprises qui rendent triste, parce qu'elles sont vaines.

Aucontraire, l'homme de volonté se reconnaît à ceci qu'il ne discute jamais devant la situation donnée, mais qu'il s'yétablit et part de là pour la changer; de même, il se prend comme il est, n'ayant point l'idée qu'un caractère estmauvais absolument; en vérité, l'on fait ce que l'on veut de son caractère, et sans le changer Les grandsnégociateurs ne sont pas moins forts par ce qu'on appelle leurs défauts.

Il n'y a qu'à se rappeler ce que Grandetfaisait de son bégaiement.

Un timide qui se sait timide, est bien capable de gouverner les autres par cela même (..).

Il ne s'agit que de laisser le caractère à sa place, et l'humeur aussi; comme ces habiles qui font outil de tout."(ALAIN, Esquisses de l'homme, p.

215.

Gallimard, 1938.) On pourrait objecter que l'acceptation de tels principes implique la renonciation à construire sa personnalité.

Mais ilserait facile de répondre que le maçon, lui aussi, prend le matériau qui lui est fourni; tout son art consiste, enpartant d'une matière informe, à édifier un mur ou une maison.

Les tendances de celui qui se laisse aller passivementà elles peuvent être comparées au tas de pierres que vient de basculer un tombereau; l'organisation résultant d'uneadaptation de chacune d'elles au but à atteindre pourrait être symbolisée par le mur qui s'élève verticalement.

Dansles deux cas, il y a bien construction, au sens étymologique du mot, cum struere; des masses sont liées entre ellesde manière à constituer un tout. CONCLUSION. — Si nous naissons avec des dispositions indépendantes de nous, ces dispositions elles-mêmes n'échappent donc pas complètement à notre emprise et, dans une certaine mesure, nous pouvons nous en rendreindépendants : nous contribuons à la construction de notre personnalité.Sans doute, on pourrait se demander si le pouvoir de modifier nos dispositions congénitales n'est pas lui-mêmecongénital et même si l'attitude d'acceptation ou de refus à l'égard de notre nature n'est pas indu dans cette natureelle-même.

A cette question, il faut répondre que c'est bien dans nos forces naturelles que nous trouvons la forcede lutter contre ces forces ou de les organiser.Faudra-t-il donc dire, avec NIETZSCHE « On ne devient que ce qu'on est malgré tout : je veux dire l'éducation,l'instruction, le milieu, le hasard et les accidents », à plus forte raison malgré tous nos efforts pour nous changer ?La conclusion ne s'impose pas.

En effet, dans ce que nous sommes, il est des virtualités innombrables qu'il dépendde nous de faire passer à l'actualité.

Ainsi se réalise ce paradoxe d'un être qui se construit tout en devenant ce qu'ilest.. »

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