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La Chevelure de Baudelaire

Publié le 07/09/2013

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baudelaire

 

Une poétique de la réminiscence

«La Chevelure« est l'un des poèmes écrits dans la période

particulièrement féconde qui sépare les deux éditions des

Fleurs du Mal. Paru pour la première fois le 10 mai 1859 dans

la Revue française, il a été intégré à l'édition de 1861. Il est

donc contemporain des grands poèmes qui sont entrés dans

les «Tableaux parisiens« et qui ont été composés dans ces

mêmes années 1858-59, tels «Le Voyage«, «Les Petites

Vieilles«, «Les Sept Vieillards«, et surtout «Le Cygne« qui,

bien que paru en revue une année plus tard, appartient à la

même série. Quoique relevant d'une autre inspiration que ces

grands textes qui racontent «l'horreur et les enchantements«

de la grande métropole moderne, «La Chevelure« marque

avec une égale plénitude l'épanouissement du génie poétique

de Baudelaire.

On y retrouve exactement les thèmes de «Parfum exotique

«, ce qui explique sans doute que Prarond, confondant les

deux textes, ait par erreur cité «La Chevelure« parmi les

poèmes de jeunesse. Comme dans «Parfum exotique«, le

parfum de la femme est dans «La Chevelure« l'incitation à

un voyage mental qui associe le rêve au souvenir. Mais alors

que dans «Parfum exotique«, la représentation des «rivages

heureux« naît de l'abandon voluptueux aux sensations, dans

«La Chevelure«, celle du «monde lointain« s'organise selon

un travail concerté qui met en jeu toutes les ressources des

correspondances. Il ne s'agit plus alors d'une rêverie fugitive,

mais de la reconquête d'une harmonie, perdue par l'élaboration

d'un réseau d'associations et de métaphores faisant appel

aux lois de l'analogie universelle et fondé sur une poétique de

la réminiscence:

"ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure!

ô boucles ! ô parfum chargé de nonchaloir!

Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure

Des souvenirs dormants dans cette chevelure,

Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,

Tout un monde lointain, absent, presque défunt,

Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !

Comme d'autres esprits voguent sur la musique,

Le mien, ô mon amour! nage sur ton parfum.

J'irai là-bas où l'arbre et l'homme pleins de sève,

Se pâment longuement sous l'ardeur des climats;

Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève!

Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve

De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts:

Un port retentissant où mon âme peut boire

A grands flots le parfum, le son et la couleur;

Où les vaisseaux glissant dans l'or et dans la moire,

Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire

D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse

Dans ce noir océan où l'autre est enfermé;

Et mon esprit subtil que le roulis caresse

Saura vous retrouver, ô féconde paresse,

Infinis bercements du loisir embaumé!

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,

Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond;

Sur les bords duvetés de vos mèches tordues

Je m'enivre ardemment des senteurs confondues

De l'huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps! toujours ! ma main dans ta crinière lourde

Sèmera le rubis, la perle et le saphir,

Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde!

N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde

Où je hume à longs traits le vin du souvenir?"

On constate tout d'abord l'usage de l'apostrophe et de l'invocation

qui caractérise les poèmes de cette période. Le ton est celui

de la louange, de l'exaltation et même de l'adoration; il est renforcé

par l'abondance de la ponctuation, par la fréquence des

points d'exclamation. Au premier degré, ce poème exprime l'intensité

du désir amoureux et il est chargé de sensualité érotique.

Plus, d'ailleurs, que dans les images et dans le vocabulaire,

c'est dans la ligne ascendante de l'intonation, dans la forme

évoquée par l'enchaînement des strophes que se dessine cette

montée de la passion qui se traduit par une gradation continue.

baudelaire

« un voyage mental qui associe le rêve au souvenir.

Mais alors que dans «Parfum exotique», la représentation des «rivages heureux» naît de l'abandon voluptueux aux sensations, dans «La Chevelure», celle du «monde lointain» s'organise selon un travail concerté qui met en jeu toutes les ressources des correspondances.

Il ne s'agit plus alors d'une rêverie fugitive, mais de la reconquête d'une harmonie, perdue par l'élabora­ tion d'un réseau d'associations et de métaphores faisant appel aux lois de l'analogie universelle et fondé sur une poétique de la réminiscence: "ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure! ô boucles ! ô parfum chargé de nonchaloir! Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure Des souvenirs dormants dans cette chevelure, Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir! La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, Tout un monde lointain, absent, presque défunt, Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique ! Comme d'autres esprits voguent sur la musique, Le mien, ô mon amour! nage sur ton parfum.

J'irai là-bas où l'arbre et l'homme pleins de sève, Se pâment longuement sous l'ardeur des climats; Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève! Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts: Un port retentissant où mon âme peut boire A grands flots le parfum, le son et la couleur; Où les vaisseaux glissant dans l'or et dans la moire, Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse Dans ce noir océan où l'autre est enfermé; Et mon esprit subtil que le roulis caresse Saura vous retrouver, ô féconde paresse, Infinis bercements du loisir embaumé! Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond; Sur les bords duvetés de vos mèches tordues Je m'enivre ardemment des senteurs confondues De l'huile de coco, du musc et du goudron.. »

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