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Chimie empirique et chimie expérimentale.

Publié le 11/05/2011

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chimie

Ce qu'il est surtout essentiel de savoir, c'est la succession fatale des changements que la matière éprouve, la filiation précise des substances qui se transforment, et l'influence du milieu et des circonstances dans lesquelles s'effectuent les métamorphoses. Ces choses étant exactement connues, nous devenons les maîtres du mécanisme naturel et nous le faisons fonctionner à notre gré : soit pour reproduire les mêmes effets qui nous ont appris à le pénétrer, soit pour développer des effets semblables conçus par notre intelligence. Dans tous les cas, il est essentiel de remarquer que notre puissance va plus loin que notre connaissance En effet, étant donné un certain nombre de conditions d'un phénomène imparfaitement connu, il suffit souvent de réaliser ces conditions pour que le phénomène se produise aussitôt dans toute son étendue ; le jeu spontané des lois naturelles continue à se développer et complète les effets, pourvu que l'on ait commencé à le mettre en oeuvre convenablement. Voilà comment nous avons pu former les substances organiques, sans avoir besoin de calculer complètement les lois des actions intermoléculaires.... La chimie crée son objet. Cette faculté créatrice, semblable à celle de l'art lui-même, la distingue essentiellement des sciences naturelles et historiques. Les dernières ont un objet donné d'avance, et indépendant de la volonté et de l'action du savant : les relations générales qu'elles peuvent entrevoir ou établir reposent sur des inductions plus ou moins vraisemblables ; parfois même sur de simples conjectures dont il est impossible de poursuivre la vérification au-delà du domaine extérieur des phénomènes observés. Ces sciences ne disposent point de leur objet. Aussi sont-elles trop souvent condamnées à une impuissance éternelle dans la recherche de la vérité, ou doivent-elles se contenter d'en posséder quelques fragments épars et souvent incertains. Au contraire, les sciences expérimentales ont le pouvoir de réaliser leurs conjectures. Ces conjectures servent elles-mêmes de point de départ pour la recherche des phénomènes propres à les confirmer ou à les détruire : en un mot, les sciences dont il s'agit poursuivent l'étude des lois naturelles, en créant tout un ensemble de phénomènes artificiels qui en sont les conséquences logiques. A cet égard, le procédé des sciences expérimentales n'est pas sans analogie avec celui des sciences mathématiques. Ces deux ordres de connaissances procèdent également par voie de déduction dans la recherche de l'inconnu. Seulement, le raisonnement du mathématicien, fondé sur des données abstraites et établies par définition, conduit à des conclusions abstraites, également rigoureuses ; tandis que le raisonnement de l'expérimentateur, fondé sur des données réelles, et dès lors imparfaitement connues, conduit à des conclusions de fait qui ne sont point certaines, mais seulement probables, et qui ne peuvent jamais se passer d'une vérification effective.... Voilà comment les sciences expérimentales arrivent à soumettre toutes leurs opinions, toutes leurs hypothèses, à un contrôle décisif, en cherchant à les réaliser. Ce qu'elles ont rêvé, elles le manifestent en acte. Les types conçus par le savant, s'il ne s'est point trompé, sont les types mêmes des existences. Son objet n'est point idéal, mais réel. BERTHELOT.

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