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CLAUDE BERNARD: Découvertes et grandes synthèses.

Publié le 12/07/2011

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claude bernard

 

Le titre même de la collection dans laquelle paraît ce volume nous oblige à centrer notre intérêt sur les idées générales et philosophiques de notre auteur. Il nous est cependant impossible de faire abstraction de ses recherches scientifiques : d'abord parce que c'est pour avoir réfléchi sur la science et sur ses méthodes qu'il a pu être rangé au nombre des penseurs et des philosophes; ensuite parce que sa philosophie elle-même et son attitude devant les problèmes de la destinée humaine ne s'expliquent que par son idéal de savant. On l'a bien des fois remarqué, les intuitions vraiment inventives ou créatrices remontent le plus souvent aux années de jeunesse, alors que l'imagination est vive et que le savoir ne gêne pas ses constructions. Etant données les conditions extérieures, Claude Bernard n'était plus un jeune homme quand il fit ses grandes découvertes. Elles se situent néanmoins dans la première période de ses travaux scientifiques, et cette période ne dura pas dix ans. Ensuite, pendant un quart de siècle, son esprit fut plutôt orienté vers la synthèse.

claude bernard

« vase où l'on avait introduit la grenouille de manière à la placer dans l'obscurité, et si ensuite on faisait subitement pénétrer un rayon de soleil en déplaçant le couvercle, on apercevait le tronçon de la grenouille flasque etincliné en bas s'avancer volontairement vers le soleil à l'aide des deux ïambes de derrière.J'ai répété l'expérience très-souvent; elle a toujours réussi. Si, au lieu des deux jambes, on n'en préserve qu'une de l'empoisonnement, le résultat est le même (fig.); seulement il n'y a qu'une jambe qui se meut quand on pince l'animal, et cette jambe pousse tout le reste du corpsdevant elle quand on place l'animal dans l'eau.Quand, au lieu d'une jambe, on ne préserve de l'empoisonnement qu'un seul doigt, ce doigt s'agite et exprime le sentiment de tout le corps réduit à l'état de cadavre.Le spectacle intéressant que je viens de tracer peut s'observer parfois pendant une heure ou deux dans les saisons favorables.

Il ne cesse que lorsque l'asphyxie et la mort de l'organisme sont arrivées par suite de lasuppression trop prolongée des mouvements respiratoires.Chez les animaux à sang chaud, ces phénomènes se passent en un temps beaucoup plus court, mais ils n'en existent pas moins.Lorsqu'un mammifère ou un homme est empoisonné par le curare, l'intelligence, la sensibilité et la volonté ne sont point atteintes par le poison, mais elles perdent successivement les instruments du mouvement, quirefusent de leur obéir.

Les mouvements les plus expressifs de nos facultés disparaissent les premiers, d'abord la voix et la parole, ensuite les mouvements des membres, ceux de la face et du thorax, et enfin lesmouvements des yeux qui, comme chez les mourants, persistent les derniers.(La Science expérimentale, p.

291-296.) Signalons d'un mot ses recherches sur l'origine de la chaleur animale, sa réduction des phénomènes de nutrition à des phénomènes d'oxydation, son intuition du rôle des glandes à sécrétion interne.

Il eut surtout degrandes vues générales sur les caractères essentiels de la vie; signalons dans cet.

ordre : l'identité des fonctions vitales chez les animaux et chez les végétaux; l'existence d'un milieu intérieur; l'inexistence des générationsdites spontanées.Sur ce dernier point, sa phobie du principe vital l'orientait dans un sens opposé à celui de Pasteur.

Ce dernier expliquait les fermentations par des organismes vivants, les microbes.

Claude Bernard, au contraire, étaitpersuadé que les ferments n'étaient que des substances chimiques et cherchait à « détruire l'idée de vitalité dans les fermentations ».

D'après Pierre Mauriac, sans cette idée préconçue, ¡I aurait, dès 1857, découvert lesmicrobes, ayant fait, plusieurs années avant lui, les expériences par lesquelles Pasteur devait, quelques années plus tard, en particulier dans ses discussions avec Pouchet, démontrer leur existence.Nous n'avons pu indiquer que les principales découvertes de notre auteur.

Elles supposent le plus souvent de multiples travaux d'approche et des tâtonnements que l'histoire ne retient pas.

Beaucoup d'entre eux ontcependant laissé des traces importantes dans divers périodiques et surtout dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences.

Contentons-nous de relever que la table des rapports ou communications donnés parClaude Bernard n'occupe pas moins de 227 pages sur deux colonnes.

Ce chiffre est à lui seul assez éloquent. Période de synthèse. C'est en 1855 seulement que, Magendie étant mort, Claude Bernard devint titulaire de la chaire de médecine du Collège de France.

Il avait donc fait ses découvertes comme préparateur ou comme suppléant de son maître.Une fois professeur en titre, il est plus libre pour exposer le résultat de ses recherches et initier à sa méthode, non seulement ses auditeurs, mais aussi ses lecteurs, car ses leçons parurent en volume à partir de 1854.Il ne revient guère sur ses découvertes antérieures, sinon pour signaler une application particulière de la méthode ou pour répondre à des objections qu'il estime mériter discussion.

Il va de l'avant et étend sa connaissancede l'organisme.

En 1857, par exemple, ses leçons portent sur Les effets des substances toxiques et médicamenteuses; en 1858, sur La physiologie et la pathologie du système nerveux, etc.Tout entier à ses recherches, Claude Bernard semble n'avoir pas vu d'abord plus loin que les problèmes physiologiques précis qui se posaient à lui.

Mais il fut vite amené à élargir son horizon : d'abord, par la prise deconscience de l'unité du monde vivant; ensuite par les exigences d'un enseignement qui ne peut se passer d'idées générales.

Ainsi, de la physiologie Claude Bernard s'éleva rapidement à la philosophie de l'être vivant et àla philosophie de la recherche scientifique.Dès ses premiers volumes de cours du Collège de France, on trouve, surtout en guise de leçon d'ouverture ou de conclusion, certaines vues d'ensemble de portée philosophique qui nous permettent de ranger notre grandphysiologiste parmi les penseurs et les philosophes.C'est surtout durant la maladie qui, en 1865-1866, le retint à Saint-julien, que s'effectua le travail de décantation préparatoire aux grandes synthèses.

A la suite du texte cité plus haut, Claude Bernard précise en quoi l' «ère nouvelle » dans laquelle il entre se distingue de l'ancienne :Jusqu'ici je me suis abstenu dans mes cours de généralisations et de systématisations, parce que je pensais que l'état de la science physiologique ne le permettait pas.

Je me suis borné à étudier des sujets variés dephysiologie expérimentale en les considérant dans leurs rapports avec la médecine scientifique.Je transportais pour ainsi dire mon laboratoire sous vos yeux et je vous faisais toujours assister à mes recherches en quelque sorte improvisées sans jamais vous dissimuler en rien les imperfections, les erreurs et lesdifficultés qui les accompagnaient inévitablement (...).Aujourd'hui, mon but sera tout différent.

Je crois qu'il est devenu possible par les progrès de la science de considérer dans une vue d'ensemble les rapports de la physiologie avec la médecine.

Je crois qu'il existeactuellement un assez grand nombre de faits qui prouvent clairement que la physiologie est la base de la médecine (...).

Il fallait sans doute se lancer dans la voie de l'expérience; on s'y est lancé et on s'y lanceaujourd'hui de plus en plus.

(C'est sous l'influence de Magendie que cela est arrivé).

Mais cela ne suffit pas; il ne suffit pas de vouloir faire des expériences pour en faire; il faut bien savoir ce que l'on veut faire et il fautéviter l'erreur au milieu de cette complexité d'études; il faut donc fixer la méthode, et c'est mon lot.

(Principes, p.

21-22).On peut faire rentrer dans ce programme de synthèse son cours de physiologie générale du Muséum d'histoire naturelle : Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux.

Le maître ydémontre que, contrairement à l'enseignement commun d'après lequel les végétaux se caractérisent par des synthèses vitales, tandis que les animaux n'effectuent que des destructions vitales, les deux sortes d'opérationssont communes à tous les vivants.

La quatrième de ces leçons se termine ainsi :Conclusion.

— De la discussion générale qui précède, nous pouvons conclure que, malgré la variété réelle que les phénomènes vitaux nous offrent dans leur apparence extérieure, dans les animaux et dans les végétaux ilssont au fond identiques parce que la nutrition des cellules végétales et animales qui sont les seules parties vivantes essentielles ne sauraient avoir un mode différent d'exister dans les deux règnes.. »

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