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J. M. G. Le Clézio L'extase matérielle

Publié le 05/03/2011

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   Partir, il faut partir. Il faut quitter vite, disparaître vers les régions de l'anonyme, vers le possible. Partir... Mais pour où? Quel pays m'attend? Quelle nouvelle vie, plus vaste, plus libre que l'ancienne pourrait être la mienne? Comment ne pas 5 traîner avec soi les guenilles familières, comment secouer les jougs, les coutumes, les terribles habitudes qui ont creusé leurs sillons? Je ne sais pas si cela est possible, oui, s'il est possible vraiment d'oublier, mais j'ai en moi comme cette porte ouverte au bout du très long corridor. Je crois que je 10 peux changer à chaque instant, mais n'est-ce pas une illusion? Peut-on renier ce que l'on a fait, autrement que par le silence? Il y a tellement, si l'on y pense, tellement de crochets et de fils qui retiennent un homme. Tant de relations, de nœuds, tant de rails partout... Tant d'inconfort 15 devenu confortable, et l'appel ne passe pas. Longuement, sûrement, l'horizon se bouche, les clôtures se dressent. Tous mensonges, tous hideusement faux, les murs que sont les objet, les sentiments, les sensations familières, nécessaires comme des drogues. Est-ce cela, un homme? Est-ce cette 20 somme de liens et d'habitudes? Est-ce cet exilé du voyage? Si c'est vrai, c'est qu'il ne peut pas quitter. Ici ou ailleurs, il cherchera les entraves, il s'enfoncera dans la terre pour ne pas être seul, pour ne pas être son maître.    L'extase matérielle, Éd. Gallimard

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