Comment conceptualiser philosophiquement l'idée de profondeur du monde ?
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
1.
Qu'est-ce que le sens? Quand on emploie le mot « sens », que dit-on? Quand je dis que « la vie a un sens » , qu'« une voiture roule dans un certain sens » , quand je parle de « caresser quelqu'un dans le sens du poil », dis-je deschoses différentes, ou tous ces emplois du mot « sens » ont-ils - le même sens? Je me contenterai de citer icil'excellente définition de Merleau-Ponty: « Derrière toutes les acceptions du mot sens, nous retrouvons la mêmenotion fondamentale d'un être orienté ou polarisé vers ce qu'il n'est pas.
» Tous ces emplois différents sont doncbien équivalents.
La vie a un sens lorsque l'on vit pour quelque chose; la voiture roule dans un sens lorsqu'elle roulevers quelque chose; le poil est orienté de sorte qu'il soit dirigé vers ma droite ou ma gauche.
On pourrait dire, si l'onavait le goût de la formule, que le sens n'est rien d'autre qu'un « être vers autre chose ».
Mais la clarté étant icid'une extrême nécessité, nous nous exprimerons ainsi, quoique que ce style nous répugne:
Soit le signe => signifiant « existe pour ».Si A => A, alors A n'a pas de sens.
C'est l'autotélie.Si A => B, alors A a du sens, et B est ce que l'on appelle couramment une « fin ».
C'est l'hétérotélie.
2.
On a coutume de définir l'action ce que fait quelqu'un, avec son corps ou son esprit, et on ajoute parfois quecela vise à réaliser une intention préalable, un projet.
L'essence véritable de l'action est ici implicite.
Toute action,par nécessité, doit toujours déjà avoir un sens: une action qui n'aurait pas de sens, qui ne tendrait pas à fairequelque chose, c'est là une contradiction dans les termes.
Mais une question se pose ici, d'une nature peut-êtreinsoluble: est-ce l'action qui crée le but en se tendant vers lui, ou au contraire le but qui nécessite l'action parl'absence de sa réalisation? Par convention, nous considérerons toujours ce problème, que nous rencontreronsencore sous différentes formes, comme n'admettant aucune solution - peut-être même est-il vide de sens.
Quoi qu'ilen soit, dire que l'action est une tension vers un but n'épuise pas l'essence de l'action.
L'action, c'est d'abord ce quilie une chose à son but, c'est ce qui lie A à B, autrement dit c'est ce qui donne du sens.
Une voiture acquiert unsens - tout au moins un sens spatial concernant sa trajectoire - lorsqu'elle fait l'action de commencer à rouler versquelque chose - et en ce sens, on peut véritablement parler d‘action pour désigner le fonctionnement del'inanimé.
C'est l'action qui fait le lien entre la voiture et sa destination.
Nul besoin d'être un homme, un sujet - ouqu'on appelle cela comme on voudra - pour accomplir une action, car l'action se définit comme le fait de lier unechose à un but.
La phrase acquiert un sens lorsqu'elle accomplit l'action de tendre à signifier ce sens.
L'étoffe a unsens car elle a accompli l'action de se courber vers telle direction plutôt que vers telle autre.
Il ne faut voir là aucunanthropomorphisme.
Simplement une redéfinition de l'action.
Mais est-ce vraiment une redéfinition? La proposition «l'action est cela qui lie une chose à son but » n'est-elle pas déjà contenue dans la proposition « l'action, c'est lefaire »? Il semble bien en être ainsi, car tout faire est nécessairement le faire de quelqu'un ou quelque chose quitend à faire quelque chose.
Cela signifie que tout faire est toujours lien d'une chose à son but.
Cela signifieégalement que dire: « l'action, c'est le faire », c'est prononcer une tautologie stérile, comme on le fait depuis silongtemps.
La seule définition positive, car signifiante plutôt que tautologique, de l'action nous semble donc êtrecelle énoncée plus haut.
Que l'on torde encore un peu cette définition pour la placer sous un point de vue humain,et cela donne: l'action se définit pour un sujet comme le fait de se polariser lui-même vers un but, donc de sedonner un sens.
II) L'excendance
« La vie cherche un monde meilleur.[…] Nous sommes des êtres qui cherchent, la vie est sceptique - du grecexaminer, chercher - dès le départ.
Elle n'est jamais tout à fait satisfaite des conditions qui sont les siennes.
»Popper
1.
Quelle est la modalité fondamentale et pour ainsi dire l'essence la plus primaire de la vie humaine, celle avantlaquelle rien ne peut être d'authentiquement humain? L'excendance.
Qu'est-ce que l'excendance? Ce dont tous lesphilosophes ont toujours parlé, plus ou moins directement, et dont nous nous attacherons à esquisser la définition,qui passe ici par une courte exégèse.
L'exploration, ou plus exactement le survol de la tradition aura pour but etpour limite de bien circonscrire ce que nous entendons par ce terme.
Il s'agit également de montrer, pour qu'on voiebien que l'excendance dont nous parlons n'est pas une chimère, qu'elle a toujours attiré l'attention des philosophesles plus éloignés par la pensée les uns des autres.
Tout homme sait aussi bien que nous ce qu'est l'excendance;mais sans doute tous ne sont-ils pas conscients de ce savoir, sans doute cette connaissance se situe-t-elle à unstade préobjectif de leur être, quelque part dans ces limbes de la raison où la raison elle-même ne trouve plus sonchemin.
Seule l'analyse du c½ur peut alors être encore de quelque valeur.
Si donc il est vrai que, comme on a pu ledire, la tâche du philosophe est « d'exprimer clairement ce que les autres ressentent confusément », nous avonsquelque espoir de faire ici ½uvre utile.
2.
« La première chose que veuille un être vivant, c'est d'exprimer [auslassen] ses forces » écrit Nietzsche: et toutest résumé là, bien que l'analyse n'en soit point encore faite.
Quelles sont ces forces? Il s'agit d'abord de l'énergiepurement physique: le glucose ne doit pas s'accumuler dans nos muscles.
Le besoin d'agir procède donc avant toutd'une simple pulsion physiologique; quand « j'ai trop d'énergie », les jambes me démangent, mes bras frissonnent, etdes envies de hurler et de courir me prennent.
Après deux heures de sport, tout est rentré dans l'ordre.
Il fautd'abord dépenser ses forces pour avoir ensuite le droit de ne pas les dépenser.
Rester inactif est contre-nature pourun être vivant.
On a dit avec Bichat que « la vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort »; cettedéfinition nous semble réductrice.
La vie est l'ensemble des fonctions qui doivent justement fonctionner, c'est-à-direagir, faire, pour être.
La vie est action; vivre, c'est agir.
Mourir, c'est à la lettre arrêter d'agir: est mort tout ce quin'agit pas.
Bergson montre bien que le fameux élan vital n'est autre qu'une tension vers l'agir.
En effet, la.
»
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