Devoir de Philosophie

Commentaire d'arrêt du 8 novembre 1998, Cour de cassation, assemblée plénière

Publié le 14/07/2012

Extrait du document

cour de cassation

On glisse de «l'apparence objective« qui découle de la théorie de l'apparence née en 1973 avec l'arrêt du Conseil d'État du 2 mars 1973, Delle Arbousset qui impose que le juge offre aux justiciables une apparence d'impartialité en leur donnant des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime sur son impartialité à «l'objectivité concrète« qui elle dépend de l'attitude concrète des juges des référés. Ainsi, l'office du juge des référés qui ne lui permet pas de préjuger de l'affaire n'affecte pas son objectivité pour juger de l'affaire au fond. C'est seulement si au vu de l'ordonnance rendue on s'aperçoit que le juge des référés est allé au delà de son office que l'on considérera qu'il a préjugé de l'affaire et qu'il ne peut pas en ce sens statuée au fond de l'affaire. Le juge pourra donc se déporter dans ce cas. La jurisprudence du Conseil d'État peut paraître en contradiction avec l'article 6 alinéa 1 de la CEDH mais il n'en est rien car la Cour européenne a elle même basculé vers une conception de l'objectivité concrète du juge en appréciant comme nous l'avons vu l'impartialité du juge au cas par cas. La CEDH a en effet considéré que l'application stricte du principe de séparation des fonctions se heurtait à la nécessité de rendre les décisions dans un délai raisonnable.

cour de cassation

« On assiste à une nette évolution de la jurisprudence de la Cour européenne vers un assouplissement de la conception d'impartialité objective.

Ainsi, l'évolution de laCour a conduit celle-ci à affirmer de façon claire et précise que le fait pour un juge d'avoir pris des décisions avant le procès «ne peut justifier en soi» desappréhensions quant à son impartialité.

C'est avec l'arrêt Hauschildt c/ Danemark du 24 mai 1989 que la Cour européenne a assouplit sa vision de l'impartialité enaffirmant que tout dépendait en fait des circonstances et qu'il fallait apprécier l'impartialité du juge in concreto.Cette appréciation in concreto c'est à dire en fonction des instances dans lesquelles le juge intervient n'a pas toujours était le fait de la Cour européenne.

En effet,dans les arrêts tels que Piersack c/ Belgique du 1er octobre 1982 et Cubber c/ Belgique du 26 octobre 1984 que l'on peut considérer comme les arrêts ayant posé lesbases de la conception européenne de l'impartialité d'un tribunal, la Cour affirmait plus nettement le principe de séparation des fonctions.

Dans les deux affaires eneffet la violation de l'article 6 alinéa 1 avait été admise.

La Cour dans ses affaires affirmait que l'exercice des fonctions d'accusation et d'instruction préparatoire oude fonctions relatives à la détention provisoire était incompatible avec l'exercice ultérieurement de la fonction de juger dans la même affaire.Depuis l'arrêt Hauschildt c/ Danemark de 1989 on assiste donc à une redimensionnement des contours du principe d'impartialité et l'on retrouve cette évolution dansles arrêts ultérieurs tel que l'arrêt Sainte Marie c/ France du 16 décembre 1992 ou encore Padovi c/ Italie du 26 février 1993 ou Bulut c/ Belgique du 22 février 1996.Ce qui est surprenant c'est que dans chacune de ces affaires, la Cour a conclu en la non violation du principe d'impartialité après avoir apprécié au cas par cas lesaffaires portées devant elle.

Ainsi dans l'arrêt Sainte Marie c/ France, la Cour a considéré qu'il n'y avait pas violation de l'article 6 alinéa 1 car les juges de ladétention avaient fondé leur arrêt sur les déclarations faites par l'intéressé et qu'il s'étaient bornés à apprécier de façon sommaire les données disponibles pourdéterminer si les soupçons de la gendarmerie étaient fondés.

Ainsi, les circonstances écartaient d'elles même le risque de partialité des juges.La jurisprudence de la Cour européenne est même allée plus loin en considérant dans l'affaire Thomann c/ Suisse du 10 juin 1996 que les impératifs d'impartialitén'étaient pas violés alors même que les juges avaient siégé deux fois en la même qualité et cela dans la même affaire. On voit bien ainsi que la Cour de cassation va beaucoup plus loin que la CEDH dans son application du principe d'impartialité tandis que la Cour européenne loin dedresser une règle inflexible apprécie les situations au cas par cas pour s'assurer du respect de l'article 6 alinéa 1 de la Convention. B/ La jurisprudence administrative en accord avec la jurisprudence européenne : la théorie de l'objectivité concrète du juge le Conseil d'État dans un avis contentieux du 12 mai 2004 Commune de Rogerville considère qu'un magistrat qui a statué comme juge des référés sur une demandede suspension peut ultérieurement participer à la formation de jugement collégiale chargée de trancher l'affaire au fond.

Le commissaire de gouvernement EmmanuelGlasser raisonne en fonction du doute sérieux quant à la légalité de la décision administrative dont la suspension est demandée pour le situer sous l'angle de la notionde «prise de position».

Il explique ainsi que le juge des référés se contente de statuer sur le caractère sérieux du doute sur la légalité de la mesure administrative dontla suspension est demandée.

De la sorte, il ne se substitue pas au travail des juges du fond et en faisant valoir la présence ou l'absence de doute sérieux sur la légalitéde la décision dont la suspension est demandée il ne découvre en rien le caractère légal ou illégal de cette mesure.

Le juge des référés ne prend donc pas position surcette mesure.

Ainsi, le Conseil d'État considère que «eu égard à la nature de l'office du juge des référés, la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur un demandetendant à la suspension d'une décision administrative n'est pas, par elle même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur la requête en qualitéde juge du principal».

Le juge des référés peut donc servir deux fois, la première fois à l'occasion de la procédure de référé et la seconde fois quand il examineral'affaire au fond.

Il n'y a en soi pas d'incompatibilité de principe entre ces deux offices.

Le juge des référés même si il a pour prendre son ordonnance analysécertaines questions tendant au fond du litige il n'a pas nécessairement «préjugé» de ces questions et peut donc sans risque de partialité statuer au fond de l'affaire.

Onglisse de «l'apparence objective» qui découle de la théorie de l'apparence née en 1973 avec l'arrêt du Conseil d'État du 2 mars 1973, Delle Arbousset qui impose quele juge offre aux justiciables une apparence d'impartialité en leur donnant des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime sur son impartialité à«l'objectivité concrète» qui elle dépend de l'attitude concrète des juges des référés.

Ainsi, l'office du juge des référés qui ne lui permet pas de préjuger de l'affairen'affecte pas son objectivité pour juger de l'affaire au fond.

C'est seulement si au vu de l'ordonnance rendue on s'aperçoit que le juge des référés est allé au delà deson office que l'on considérera qu'il a préjugé de l'affaire et qu'il ne peut pas en ce sens statuée au fond de l'affaire.

Le juge pourra donc se déporter dans ce cas.La jurisprudence du Conseil d'État peut paraître en contradiction avec l'article 6 alinéa 1 de la CEDH mais il n'en est rien car la Cour européenne a elle même basculévers une conception de l'objectivité concrète du juge en appréciant comme nous l'avons vu l'impartialité du juge au cas par cas.

La CEDH a en effet considéré quel'application stricte du principe de séparation des fonctions se heurtait à la nécessité de rendre les décisions dans un délai raisonnable. Le juge judiciaire qui semblait dans l'arrêt à l'étude en faveur d'une application stricte du principe de séparation des fonctions entre la fonction de référé et la fonctionde jugement au fond paraît d'ailleurs au vu des nouveaux arrêts non loin de la conception d'objectivité concrète.

En effet, l'avocat général Lafortune dans sesconclusions sur l'arrêt de l'assemblée plénière du 24 novembre 2000 pense que le juge des référés saisi d'une demande sur le fondement de l'article 145 du CPCn'anticipe pas forcément le fond de l'affaire car il n'a pas pour objectif de mettre fin à un litige mais plutôt d'apprécier les suites à donner à une action en conservationou en établissement de preuves.

Cependant nous l'avons vu dans l'arrêt Bord Na Mona, la Cour de cassation avait estimé en 1998 que le juge des référés ne pouvaitpas faire partie par la suite de la juridiction de jugement.

Ainsi, tout est affaire de circonstances et il est bon comme le fait la Cour de plaider pour une interprétationin concreto du principe d'impartialité.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles