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Commentaire de La Cigale d'Anouilh

Publié le 02/01/2011

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anouilh

De nombreux auteurs du 20ème siècle se sont inspirés des fables de La Fontaine tel que Anouilh ou même Sagan. C’est donc pour adapter, détourner la morale et moduler la fable, « La cigale et la fourmi » à son époque que Jean Anouilh, fabuliste du 20ème siècle rédige l’apologue « La Cigale ». D’ailleurs il ne se satisfait pas de la reprendre et de l’adapter mais décide d’en faire une création amusante telle une comédie en lui donnant une autre signification. Dans ce texte, les voix du Renard et de la Cigale se mêlent : le renard, perfide et malhonnête, veut extirper de l’argent à l’artiste qui elle, veut voir ses biens se multiplier.

Comment Anouilh parvient-il à renouveler le monde de La Fontaine ?

Tout d’abord, nous montrerons comment l’auteur met en place un récit plaisant. Puis nous mettrons en évidence, la dénonciation du monde contemporain.

 

 

Dans cette fable, l’auteur utilise une structure de récit particulière ainsi qu’un cadre spatio-temporel précis pour renseigner sur l’époque. L’étude du récit est à ce titre, très révélatrice. Le texte est construit en respectant le schéma narratif et est composé de quatre étapes. Il commence avec une entrée, du vers un à huit, comme au théâtre qui présente les personnages : « La Cigale ayant chanté tout l’été » (v. 1), « Elle alla trouver un renard » (v.9) ainsi que le contexte, « maints casinos » (v.3). Du vers neuf au vers cinquante-cinq, Anouilh rend compte de l’entrevue entre les deux personnages. Du vers neuf à trente-deux, nous sommes face à un monologue du renard qui ne laisse place à aucune réplique pour la Cigale. Puis, du vers trente-deux à quarante-quatre, elle dévoile son personnage. Enfin, du vers quarante-cinq à cinquante-cinq, la Cigale sort victorieuse de ce dialogue. En forme de dénouement et d’épilogue, les deux derniers vers viennent confirmer la tournure du dialogue : « Maitre Renard qui se croyait cynique, S’inclina, Mais depuis, il apprend la musique. » (v. 56-57).

Aussi, l’auteur met en scène un contexte contemporain qui nous rapproche. En effet, il emploie des lieux modernes : « casinos » (v.3), « boites » (v. 3). Il fait aussi allusion à des métiers communs : « avocat » (v. 43) mis en scène par le serpent, la cigale interprète l’artiste et le renard, le banquier malhonnête. Le but de la progression de la fable est de surprendre, d’amuser le lecteur. C’est grâce à un récit vivant que l’auteur parvient à faire ressentir les rôles thématiques des personnages.

 En effet, le dialogue occupe une place importante dans ce texte. On remarque qu’il aborde un aspect théâtral. Tout d’abord, le renard se montre très courtois face à la Cigale, il l’a vouvoie, et emploie même l’apostrophe : « Madame ». Mais on peut s’apercevoir qu’il a recours à l’ironie, puisqu’il la caractérise au vers douze d’« enfantine et minaudière ». Pour lui parler, il fait appel à de nombreux procédés. On remarque la présence de flatterie : « j’ai le plus grand respect pour votre art et pour les artistes » (v.14-15). Il tente également de la convaincre, puis de la persuader : « vous qui planez, laissez, laissez le rôle ingrat de gérer vos économies » et enfin de l’admirer voir de la jalouser : «  je voudrais moi, tout comme vous, ne sacrifier qu’aux muses ». Nous sommes donc face à un Renard rusé, grand orateur, qui va essayer d’extirper de l’argent à l’artiste par de multiples méthodes. Par des phrases longues, la cigale ne peut protester. Malgré tout, lorsque le banquier finit son monologue, la Cigale répond froidement et directement : « je crois que l‘on s’amuse ».  Au contraire de son interlocuteur, elle ne cherche ni à persuader, ni à convaincre, mais réussit à ordonner et même à l’accuser : « taux exorbitants » (v.36). Par l’emploi de phrases courtes, elle ne laisse lieu à aucune possibilité de protestation. Ainsi, le fabuliste dévoile une Cigale manipulatrice, impitoyable, autoritaire, cynique et cupide tandis que le renard, dans la première partie est représenté comme étant rusé et malhonnête mais nous nous apercevons dès la deuxième partie que la Cigale est encore plus sournoise. Cet échange des rôles soulève une dénonciation du monde moderne.

 

La critique est, en effet, un autre centre majeur de la fable. D’ailleurs, l’actualisation plaisante de l’apologue dans le contexte des années soixante en est la preuve. L’auteur accuse alors un milieu social. On peut s’imaginer qu’elle vient de terminer sa tournée, étant chanteuse et qu’elle cherche à placer l’argent récolté. Par la Cigale, Anouilh dénonce ici, le monde des artistes, prétendant vivre d’amour et d’eau fraiche tandis qu’ils se révèlent avides. On s‘aperçoit en effet, que dès les premiers vers, la Cigale d’Anouilh inverse son rôle puisqu’elle « se trouva fort bien pourvue » (v. 4) tandis que La Fontaine montrait une cigale « dépourvue ». Nous sommes donc face à une adaptation de la morale. Parallèlement, on constate la dénonciation du monde capitaliste.

Anouilh utilise des rôles thématiques précis pour ensuite dévoiler une critique perspicace sur le monde contemporain. On distingue effectivement un renard représentant le monde des banquiers, rusé, hypocrite et beau parleur. Il apparaît dans la première partie comme étant sur de lui, puis se fait ridiculiser par la Cigale, rôle emblématique de la fable qui symbolise le monde des artistes. On comprend au fil des vers que cette dernière, sous des apparences trompeuses se révèle être cupide et plus cynique que le renard banquier. En effet, le rôle de la Cigale est souligné à la fin du texte : « œil froid » (v.33), « regard d’acier » (v.35). La mise en évidence de la « cape de renard » (v.47) révèle la perfidie et la cruauté de la Cigale décrite tout d’abord par le renard comme étant une artiste insouciante et incapable au calcul. La cruauté rend d’ailleurs terrifiant son « sourire charmant ». Aussi, un troisième personnage est cité dans les paroles de la Cigale, le serpent. Il représente quant à lui, la perfidie et le danger par son métier d’avocat. On constate donc qu’Anouilh respecte les codes de la fable. Toutefois, il fait apparaître un récit plein d’imagination grâce aux symboles des personnages.

 La fable nous amène sur une morale implicite qui par l’effacement du narrateur derrière ses personnages, leurs rôles thématiques et l’importance qu’il donne à leurs paroles nous dévoile un monde de banquiers définit comme rusé, hypocrite, beau parleur et profiteur. De même que le milieu des artistes se dissimulant sous des apparences poétiques se révèle froid, âpre au gain et cruel. Ainsi, on relève qu’Anouilh nous montre grâce à plusieurs procédés que les artistes ne sont pas concentrés que par leur art, mais qu’au niveau de l’argent, le plus immoral n’est pas forcément celui que l’on croit. Ainsi il casse l’image que l’on a de l’artiste démuni. La fable aboutit alors à un constat sur le monde moderne pessimiste. Toutefois l’auteur ne nous donne pas de conseil de vie, mais caractérise ce monde de cruel et de cynique.

 

 

 

Dans cette fable, Anouilh ne fait pas la morale et ne veut pas enseigner non plus. Pour faire passer son message, il met en scène des personnages aux rôles thématiques. Par un coup de théâtre de la Cigale, le Renard va tirer une leçon et devient vite, l’élève de la  comme le montre les derniers vers. D’ailleurs, la fable est d’autant plus cynique avec la présence des derniers vers puisque le Renard décide de devenir lui-même artiste. L’auteur jongle donc avec les idées reçues et les codes d’écriture, les inverse et fait une véritable critique des clichés. Ainsi, il affirme son originalité et son style d’écriture en jouant sur les effets de surprise et de décalage.

Ce texte ressemble bien évidemment à l’œuvre « La Cigale et la Fourmi » de La Fontaine. Dans sa fable, l’auteur du 17ème siècle présente une cigale insouciante, s’opposant à celle d’Anouilh, représentée comme manipulatrice. Celle de La Fontaine apparaît également sans défense, elle ne réplique pas et se laisse condamner à une mort inévitable tandis que la Cigale d’Anouilh se veut autoritaire et emploi pour cela des verbes de volonté tels que « je veux » , « je sais » et se montre menaçante. En effet, elle fait allusion au serpent, son avocat et le port de la cape de renard met en évidence une menace de mort.  La cigale de La Fontaine est aussi honnête, comme on peut le voir dans les vers douze, treize et quatorze qui s’oppose à la cigale d’Anouilh qui est représentée comme riche (v. 4,5,6 et 7), malhonnête et cynique. Ainsi, on s’aperçoit que les deux cigales sont opposées et que chaque fable soulève une morale différente. Anouilh critique le monde des artistes alors que La Fontaine est fasciné par le personnage de la cigale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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