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Commentaire de texte: Boèce – « Dieu est ce qu'il est » – De Trinitate

Publié le 26/07/2012

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dieu

Boèce nous a fait voir les rapports complexes qui existent entre la forme et la matière, et les subtiles différences qu'il y a entre ''l'être'' et ''l'être quelque chose''. Nous avons également appris qu'en Dieu, les deux sont une seule et même chose, car il n'a pas besoin de matière. Il convient maintenant d'enrichir ces notions et ces conceptions de nouveaux termes afin de clarifier tout ceci, et de rendre l'ensemble plus intelligible. C'est en exposant son système logico-ontologique, hérité de l'Organon aristotélicien, que Boèce va mettre en évidence, par opposition, le propre de la substance divine, sa spécificité. Nous disions plus haut des substances premières et non divine que même si leur être consiste dans leur forme, leur existence effective, c'est à dire en tant qu'individu, consiste quant à elle dans ''l'incarnation'' de cette forme dans une matière (autrement dit, la forme est supportée par la matière dans l'individu). Boèce distingue ainsi, d'une part la forme telle qu'elle est en elle-même, indépendamment de la matière, et d'autre par l'image, qui est cette même forme, mais cette fois-ci telle qu'elle est dans la matière, qui est son substrat.

dieu

« De fait, cette simplicité qui confère sa beauté et sa puissance à la substance divine, n'admet pas le nombre.

Boèce parle ainsi du nombre dans le Commentaire auxcatégories d'Aristote : « Ces dernières [les espèces] sont celles différant par le nombre, à partir desquelles il est possible de prédiquer « qu'est-ce que c'est » Lasubstance divine, n'admet manifestement pas le nombre.

Si elle admettait le nombre, cela signifierait que l'on peut établir un rapport de prédication où elle serait lesujet d'un prédicat.

Or, deux choses : premièrement, nous avons reconnu que Dieu n'est que forme, et que toute forme, même celle des substances non-divine étantunes, il ne saurait être qu'Un - il serait donc contraire à sa nature qu'il puisse accueillir en lui une multiplicité ; deuxièmement, comme nous allons le voir par la suite,ce ne sont jamais les formes des choses qui contiennent en elles une pluralité d'accidents, qui permettent la prédication, et donc le nombre, mais la matière danslaquelle sont les formes des substances premières.

C'est pourquoi la substance divine n'admet pas le nombre, que rien ne se prédique d'elle.

La forme ne peut pas, enquelque sorte, être le réceptacle, le substratum des accidents ; et comme Dieu n'est que forme, qu'il est son propre substrat, alors il ne peut recevoir d'accidents, et parconséquent, ne peut être sujet d'un quelconque rapport de prédication.Dieu est donc ontologiquement et logiquement Un : il ne reçoit aucun accident, et n'est en rien d'autre qu'en lui-même.

Il ne supporte ainsi ni la pluralité, ni le nombre.C'est pourquoi, en qualité de substance qui est ce qu'elle est, Dieu est le plus beau et le plus puissant de tous les êtres, de toutes les substances. Cependant, que « les formes ne peuvent être sujettes » n'est pour le moment qu'une affirmation qui a besoin de plus amples explications pour être parfaitementdémontrée.

Pour cela, Boèce, comme il l'avait fait pour la distinction entre les choses qui sont ce qu'elles sont, et celles qui ne sont pas ce qu'elles sont, va prendrel'exemple des substances non divine, premières comme secondes.

Il s'agit de montrer qu'en elles, ce n'est pas la forme qui est le ''réceptacle'' des accidents, et, parsuite, permet la prédication et le nombre, mais la matière.

S'il parvient à le faire, Boèce aura montré que la substance divine, en tant qu'elle est sans matière, estvéritablement une, contrairement à toute les autres.

C'est donc par un détour logique, en montrant de quelle façon les substances non divine sont affectés par desaccidents, qu'il en déduit que la substance divine, quant à elle, ne peut pas être affectée.

Ce sera également l'occasion pour Boèce de distinguer clairement entre euxles concepts de forme, d'image, de corps, et de matière, dont nous pourrons, au terme de cette explication, fournir des définitions précises.L'accident est ce qui existe au moyen d'autre chose, et qui n'est pas nécessaire à l'existence de celle-ci.

Par exemple, si A est une substance, et B un accident, on peutdire de B qu'il est en A, qu'il n'existe que par A, mais que la non-existence de B n'entraîne pas la non-existence de A.

Si donc l'accident est dépendant de la substance,que la substance est nécessaire à l'accident, la réciproque n'est toutefois pas vraie.

Les accidents, pour les raisons que nous avancerons un peu plus tard, sont toujoursdans les substances premières.

Cependant, comme les substances secondes (espèce et genre) sont prédiquées des substances premières (par exemple « Socrate est unhomme »), les accidents se disent aussi des substances secondes, mais d'une façon médiate, en tant qu'elles contiennent en elles les individus, les substancespremières.

C'est pourquoi Boèce dit dans son Commentaire aux catégories d'Aristote que « L'accident vient d'abord dans l'individu et en deuxième lieu, il vient dansl'espèce et dans le genre.

».

On peut dire, de façon imagée, que les accidents des individus se transmettent à leur espèce, puis à leur genre (il s'agit, bien évidemment,d'une succession dans une temporalité logique, et non pas ontologique).Nous avions vu, dans notre première partie, que la distinction fondamentale que Boèce fait entre Dieu et les autres substances premières, c'est qu'il est formeuniquement, tandis qu'elles sont formes et matière ; à cette nuance néanmoins que leur être consiste tout entier dans leur forme, et que c'est seulement en ce qu'ellessont quelque-chose, en ce que leur être doit avoir une existence effective, qu'elles sont aussi matière, que leur forme ''s'incarne'' dans la matière.

Reprenons l'exemplede la statue du chien, qui est une substance première, et attribuons-lui un accident en particulier : au hasard, une fêlure sur sa truffe.

Si on considère uniquement l'êtrede cette statue, à savoir sa forme, son essence, une telle fêlure est impensable : en effet, cet accident n'est possible que par la matière.

La fêlure n'affecte donc que''l'être quelque chose'' de la statue, c'est à dire son existence effective, comme forme ayant pour substratum la matière.

En conséquence, c'est proprement la matièrequi reçoit les accidents, et non la forme considérée en elle-même (la forme ne reçoit pas « des accidents par ce qu'elle est elle-même »).

L'être de la statue demeureintacte, seul son être matériel est affecté.Considérons à présent l'exemple qu'emploie Boèce lui-même, et qui porte sur une substance seconde, « l'humanité ».

L'humanité est une substance universelle qui seprédique de substances premières, à l'instar de Socrate.

Socrate, en tant qu'il est quelque chose (et qu'il n'est pas Dieu !), a pour substrat la matière.

Conséquemment,Socrate reçoit des accidents.

Et si Socrate reçoit des accidents, alors l'espèce dans laquelle il est contenu (humanité), conformément à ce que nous disionsprécédemment, reçoit elle aussi des accidents, de même que le genre dans lequel l'espèce est contenue (animal).

Toutefois, ce qui dans l'humanité reçoit les accidents,ce n'est pas la forme, mais la matière des individus qui la compose, qui sont contenus en elle.

Ainsi, c'est parce que les substances premières ont pour substrat lamatière (ou, comme le dit Boèce, que « la matière est jetée-sous » leur forme), qu'elles sont susceptibles de recevoir des accidents, et que leur espèce et leur genrereçoivent eux aussi des accidents, ce qui, du reste, ne change rien à leur forme.

Nous pouvons donc conclure que c'est la matière qui permet au nombre de résiderdans les substances premières comme dans les substances secondes, et qui les rend sujettes d'une prédication possible.

Ainsi puis-je dire « Cette statue est fêlée » ou« Les statues peuvent être fêlées ».

(C'est ici le lieu de dissiper la confusion que pourrait peut-être provoquer l'expression « la matière est jetée sous la forme »: celle-ci pourrait faire croire que la forme est un accident de la matière.

Ce serait oublier que la forme, contrairement à la nature d'un accident, est totalement indépendantede la matière, même si celle-ci est son substratum dans l'existence effective des substances premières).

Dès lors, puisque Dieu n'est que pure forme sans matière, il nepeut recevoir aucun accident, aucun nombre, ni aucune pluralité : il est un. Boèce nous a fait voir les rapports complexes qui existent entre la forme et la matière, et les subtiles différences qu'il y a entre ''l'être'' et ''l'être quelque chose''.

Nousavons également appris qu'en Dieu, les deux sont une seule et même chose, car il n'a pas besoin de matière.

Il convient maintenant d'enrichir ces notions et cesconceptions de nouveaux termes afin de clarifier tout ceci, et de rendre l'ensemble plus intelligible.

C'est en exposant son système logico-ontologique, hérité del'Organon aristotélicien, que Boèce va mettre en évidence, par opposition, le propre de la substance divine, sa spécificité.Nous disions plus haut des substances premières et non divine que même si leur être consiste dans leur forme, leur existence effective, c'est à dire en tant qu'individu,consiste quant à elle dans ''l'incarnation'' de cette forme dans une matière (autrement dit, la forme est supportée par la matière dans l'individu).

Boèce distingue ainsi,d'une part la forme telle qu'elle est en elle-même, indépendamment de la matière, et d'autre par l'image, qui est cette même forme, mais cette fois-ci telle qu'elle estdans la matière, qui est son substrat.

Nous pouvons donc dire que l'image est la forme telle qu'elle est lorsqu'elle est ''jointe'' à la matière, ou encore telle qu'elle estdans une substance première.

Cette image, bien évidemment, peut quant à elle être sujette, puisque la matière dans laquelle elle ''s'incarne'' reçoit en elle desaccidents.

Dans le souci de préserver l'ordre chronologique du texte dans notre explication, et de ne pas introduire d'élément futur, nous parlions donc improprementen employant le terme de forme pour désigner indifféremment la forme en elle-même et la forme jointe à la matière dans une substance première.

Nous pouvonsmaintenant rectifier en disant que les substances premières non divine sont composées de l'image de leur être ( de l'image de leur forme), et de matière.

Quant à lasubstance divine, elle n'a pas d'image, car son être et son ''elle est'' sont une seule et même chose, et parce qu'elle est forme sans matière.Si nous retournons à cet extrait déjà cité du Commentaire aux catégories d'Aristote, tout s'éclaire : « Les parties de la substance, c'est-à-dire l'espèce et la matière ».Les « formes sans matières », celles dont on retrouve l'image jointe à une matière dans les substances premières, ne sont autre que les substances secondes, c'est à direles espèces et les genres.

Ainsi, l'espèce est la forme pure des substances individuelles qui la composent.

Une substance première est donc composée de l'image de laforme de son espèce, et de la matière.

Par exemple, l'être de Socrate, sa forme, est celle de l'humanité ; et Socrate considéré dans son existence effective, commesubstance première, est un composé de l'image de la forme de l'homme avec la matière.

Pour résumer, les substances premières sont les substances secondesmatérialisées, individualisées (les substances premières, « ces formes qui sont dans la matière » « proviennent », pour reprendre le mot de Boèce, des substancessecondes, « des formes qui sont sans matière »).

C'est cette individualisation, cette matérialisation qui fait que les substances premières ne sont pas ce qu'elles sont.On serait ici tenté de conclure que Dieu est une substance seconde sans individualisation dans une substance première.

Mais ce serait oublier que Dieu a uneexistence effective, même s'il n'a pas d'image dans une matière, et qu'en cette particularité consiste toute sa puissance et sa beauté, car non seulement son être, maisaussi son ''il est'' est Un.Enfin, Boèce introduit le concept de « corps ».

Le corps est tout simplement le produit de la conjonction de la matière et de l'image de la forme de l'espèce.

Le corpsest la le fruit de la conjonction de la forme d'une substance seconde avec la matière.

On peut émettre l'hypothèse, même si Boèce ne le dit pas explicitement, que lescorps et les substances premières non divine sont, d'un point de vue ontologique (mais non pas logique), une seule et même chose.

Quant à Dieu, puisqu'il n'est quepure forme, il n'a ni image, ni matière, et il n'a, par suite, aucun corps.

Il est néanmoins bel et bien « quelque-chose ». Ce texte est intéressant à deux points de vue : d'une part il fonde l'unité de Dieu, et d'autre part il apporte des précisions sur le système logico-ontologique de Boèce.Nous avons vu que contrairement à toutes les substances premières, chez la substance divine, ''l'être'' et ''l'être quelque chose'' sont une seule et même chose, car il. »

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