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Publié le 04/07/2011

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« 2 Le paradoxe doctrinal.

A examiner - rapidement - les principaux textes doctrinaux, la proposition de Ph.

VanTieghem et l'idée de F.

Alquié semblent aussi paradoxales que sur le plan historique.a) La lutte contre l'intelligence.

Comme les mystiques, les surréalistes proclament l'échec du rationalisme.

Celui-ci nesatisfait que le «moi» superficiel, alors que tout progrès véritable est à attendre d'un approfondissement de soi, desforces profondes du monde, d'une Surnature, d'une Surréalité.

L'intelligence est discréditée, car elle nous détournede l'essentiel (ainsi dans Nadja ou dans L'Amour fou les grandes rencontres amoureuses ne sont jamais liées à lacompréhension par la parole).

C'est là bien une position mystique.b) Les apparences démasquées.

Cette intelligence en effet n'a de prises que sur les apparences, que précisément ilfaut dépasser et regarder comme un voile : «Si nous étions débarrassés de ces fameux arbres ! ...

dit André Breton.Le secret du surréalisme tient dans le fait que nous sommes persuadés que quelque chose est caché derrière eux.»c) Des moyens d'exploration passifs.

Enfin, pour aller au-delà de ces apparences, les surréalistes font appel, non pasà cette fameuse raison discréditée d'emblée, mais aux fonctions les plus passives de l'esprit.

Dans leur pensée,cette passivité qu'il faut apporter à la recherche est tout à fait essentielle.

Breton la rappelle avec insistance danssa célèbre définition en forme d'article de dictionnaire, extraite du Premier Manifeste : «SURRÉALISME, n.

m.Automatisme psychique pur [...] Dictée de la pensée en l'absence de tout contrôle exercé par la raison.» Lesprincipaux moyens d'exploration et d'enquête préconisés sont très voisins des moyens mystiques.

Ils reviennent tousà nous laisser descendre en nous sans nous arrêter à aucune considération logique ou raisonnable : rêves, crises defolies, réelle ou simulée, «écriture automatique», autant de moyens qui visent à imposer silence en nous à tout cequi dit non à nos Voix profondes.

De même, il ne faut pas en matière de relations humaines cherchersystématiquement l'ami ou la femme qu'on aimera, mais en attendre la rencontre d'un hasard dans la rue ou ailleurs.Une fois rencontrée, cette femme pourra jouer elle-même le rôle de prophétesse ou d'inspirée inspirante, telles Nadjaou Jacqueline Lamba, la femme de la nuit du tournesol dans L'Amour fou ou Elisa, l'égérie d'Arcane.

On retrouve ainsile vieux rêve courtois de la Béatrice de Dante ou de la Laure de Pétrarque.

Il semble donc tout à fait légitime deplacer le surréalisme à la pointe de la mystique poétique.

On ne s'est du reste pas gêné pour le faire et, trèssouvent, surréalisme est synonyme de mysticisme déréglé à l'usage de littérateurs dépravés ! II Le surréalisme comme enquête sérieuse sur le réel Et pourtant, à ne retenir que les éléments précédents, à ne voir dans le surréalisme que l'aboutissement d'unetradition mystique, on risquerait d'en fausser totalement l'esprit.

Sur le plan historique et sur le plan doctrinal, onpeut en effet aussi bien écrire du surréalisme qu'il est une antimystique, on aimerait presque dire une méthodescientifique, disons en tout cas une méthode d'investigation objective et désintéressée.1 Les antécédents scientifiques et philosophiquesa) Le réalisme.

On n'oubliera pas tout d'abord que le surréalisme, par la simple appellation qu'il s'est choisie, entendremonter au réalisme et le compléter.

Les surréalistes en effet n'ont aucune hostilité (à l'inverse des symbolistes)contre la volonté des romanciers réalistes de décrire exactement le réel et de chercher les rapports de cause àeffet que leurs personnages entretiennent avec ce réel.

Seulement, dans leur idée, ces romanciers se sont trompésen n'allant pas assez loin : ils se sont bornés à l'apparence des choses, ils ont vu un système élémentaire de causeset d'effets entre le milieu et les personnages (cf.

A.

Breton, Les Vases communicants, Gallimard, Coll.

Idées, p.124).

En réalité, ils auraient dû voir tout tout le mystérieux - réel, lui aussi - dont se charge le moindre objet et lesrapports d'imagination qui unissent les hommes et les choses, rapports objectifs, eux aussi : ils étaient dans labonne voie, mais ils ont été trop timides.b) Découverte des limites de la science avec Bergson.

La découverte de Bergson fit justement comprendre à ceuxqui devinrent les surréalistes pourquoi les réalistes ne s'étaient pas assez avancés dans le réel lui-même.

Ilss'étaient bornés à cette vision utilitaire, pratique et simplifiante qui n'est pas la plus vraie, qui est seulement cellequi réussit le mieux.

Bergson, en mettant au centre de son système l'intuition et en trouvant, notamment dans sonÉvolution créatrice (1907), une curieuse correspondance entre l'intuition de notre vie intérieure et les forcesprofondes du monde, allait être une illumination pour les surréalistes.

On dira sans doute que Bergson a abouti plustard à réhabiliter, dans une certaine mesure, vie religieuse et mystique.

Mais les surréalistes s'attachèrent surtoutau côté positif et méthodologique de sa pensée : pour ce philosophe, la Science traditionnelle était trop étroite, ilfallait lui substituer une méthode scientifique «ouverte», non limitée à la raison logique, non pas mystique certes,mais en appelant à toutes les forces de l'homme, y compris l'imagination.c) Les découvertes scientifiques : le hasard.

Les réflexions des surréalistes furent encore enrichies par les progrèsque faisait la physique au début du XXe siècle dans le sens de l'indéterminisme.

La physique classique, en effet,avait éliminé le hasard et semblait donner raison à une vision déterministe et logique de l'univers.

Or, au début duXXe siècle, diverses découvertes montrent aux physiciens le rôle du hasard (par exemple, dans le mouvementbrownien) et font ainsi sauter les cadres de la logique traditionnelle (cf.

en géométrie les théories non euclidiennes,en astronomie les découvertes d'Einstein, en physique les découvertes de la mécanique quantique de Heisenberg,etc.) Tout ce mouvement conduisit les surréalistes à se demander si la poésie, celle qui accorde la plus grande partà l'imagination, qui élimine les synthèses logiques et volontaires, qui attend tout du hasard intérieur, n'était pas unenouvelle méthode, analogue à ce rationalisme «ouvert» qui triomphait à la même date dans les sciences.

Comme ditBreton, le surréalisme, c'est «une raison tellement plus large que l'autre ! ».

En tout ceci rien de mystique, maisplutôt un élargissement de la logique.d) Les découvertes de Freud sur l'inconscient.

Restait à appliquer cette logique revue au domaine humain.

C'estalors que les surréalistes rencontrèrent Freud et sa méthode pour étudier notre monde intérieur.

Comme lesphysiciens de la nouvelle École, Freud proclame que tout ce qui en nous échappe à la logique traditionnelle, loind'être négligeable, est peut-être ce qu'il y a de plus important à étudier.

En effet, notre conscience claire (19ego). »

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