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Une communauté politique a-t-elle besoin de poètes ?

Publié le 20/06/2006

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Une communauté est un rassemblement d’individus qui ne se fait pas sur le mode de l’addition, mais au contraire de la conjonction puisque chaque membre a quelque chose de commun avec les autres. En effet, une communauté est un type particulier d’organisation humaine puisque chaque membre est en rapport avec les autres, intéressé et impliqué dans ce qui leur arrive. Lorsque nous parlons plus spécifiquement de communauté politique, nous précisons le type de rapport commun aux membres de cette assemblée : il s’agit d’une association où les individus sont tous intéressés, quoique à différents niveaux, au fonctionnement de leur être ensemble, au type d’autorité qui s’exerce sur eux. Le terme « politique « vient en effet du mot « polis «, la cité, il s’agit de l’activité qui a pour but de gérer les affaires des hommes lorsqu’ils vivent rassemblés. Nous dirons donc qu’une communauté politique est une association d’hommes qui ont ceci en commun d’être impliqués dans l’organisation de leur vie, que ce soit au moyen de l’expression d’une volonté d’ordre politique (comme dans le cas du vote) ou d’une prise de décision plus directe (comme dans le cas d’une promulgation de décret).

Un poète est l’individu qui pratique cette forme d’expression singulière qui a pour nom « poésie «. Par « poésie «, nous entendons une forme littéraire qui se distingue de la prose par une exigence touchant a la forme du discours, celle-ci obéissant a des lois précises, formant des unités particulières que l’on nomme « vers «. Plus largement, la poésie est un usage particulier du langage qui consiste a rompre avec l’utilisation commune, et pourquoi pas triviale de la langue, de sorte a créer une expression qui mérite a bon droit le nom de « sacre « au sens étymologique du terme, a savoir de « coupé «, de « séparé «. La poésie est donc plus qu’un simple usage de la langue qui se singularise par rapport a l’usage habituel des locuteurs dans les conversations de tous les jours : elle est bien une langue dans la langue elle-même.

Lorsque nous disons qu’une chose ou un être a besoin d’une autre, cela signifie que sans l’objet de son besoin, elle ne saurait se perpétuer dans l’être. En effet, la notion de besoin fait appel à celle de l’incomplétude des êtres et des choses : on a besoin de ce qui réellement nous manque et ce sans quoi nous ne pourrions continuer à vivre. Voilà pourquoi on ne saurait parler proprement de besoin lorsque nous faisons référence à des choses en vérité superflues : le domaine du besoin est fondamentalement celui des choses dont on ne peut se passer.

En posant la question « Une communauté politique a-t-elle besoin de poètes ? « nous nous demandons dans quelle mesure la présence des poètes dans la communauté politique est nécessaire à la permanence de celle-ci. Si dans un premier temps nous pouvons rappeler que la présence des poètes dans la communauté politique peut être considérée davantage comme un facteur de trouble que comme une nécessité, nous verrons ensuite dans quelle mesure les poètes jouent un rôle prépondérant dans la communauté politique en portant un discours qui peut servir d’inspiration à leurs contemporains.

La question au centre de notre travail sera donc de montrer dans quelle mesure les poètes sont nécessaires à la perpétuation de la communauté politique.

« L'activité poétique est néfaste pour la communauté politique b. Allant plus loin, nous dirons que l'activité des poètes peut être considérée plus qu'inutile pour la communautépolitique, mais également néfaste.

En effet, l'artiste ne détient pas le savoir de ce qu'il représente (il peut peindre la production d'un menuisier, sans rien connaître à l'art du menuisier) ; mais les produits de son activité ne délivrentaucune connaissance.

En effet, l'œuvre d'art est éloignée « de trois niveaux de ce qui est réellement » ( La République , Livre X, 598b).

Car Platon distingue entre trois niveaux de réalité : ce qui est réellement (la forme intelligible) ; le phénomène existant (celui que nous apercevons de manière sensible) ; et le simulacre (la copieartificielle du phénomène existant).

Pour Platon, l'art ne nous apprend rien, car il ne produit que des faux semblants.Comme nous le lisons dans la République : « L'art de l'imitation est assurément loin du vrai, et apparemment, s'il s'exerce sur toutes choses, c'est parce qu'ilne touche qu'à une petite partie de chacune, et qui n'est qu'un fantôme.

Ainsi le peintre, affirmons-nous, nouspeindra un cordonnier, un menuisier, les autres artisans, alors qu'il ne connaît rien à leur art.

Cependant, pour peuqu'il soit bon peintre, s'il peignait un menuisier et le leur montrait de loin, il pourrait tromper au moins les enfantset les fous, en leur faisant croire que c'est véritablement un menuisier ».

La République, Livre X, 598b. De ceci nous pouvons tirer que le poète produit des artefacts toujours éloignés de plusieurs degrés de la vérité, etirrémédiablement voués à l'imperfection.

Par conséquent il introduit dans la vie des hommes en société, rassemblésdans une cité, une dimension de mensonge qui ne sert nullement à leur être ensemble mais serait davantagesusceptible de le troubler.

Dans la mesure où il manie une activité fondamentalement menteuse, trompeuse, il nesaurait être utile à la communauté politique : s'il prend la parole, c'est tel le sophiste honni par les platoniciens pours'éloigner du vrai, représenter les choses telles qu'elles ne sont pas en employant des images, ou des figures destyle qui exagèrent, déforment ce qui est.

Nous dirons donc que le poète est non seulement inutile à la communautépolitique, mais de surcroit néfaste à celle-ci.

II.

Les poètes indirectement nécessaires à la communauté politique par leur travail sur la langue a.

La parole poétique au service de la communauté politique Cependant, nous ne pouvons en rester à une thèse aussi critique pour les poètes.

En effet, il faut bien voir que lapoésie est le seul moyen d'exprimer nos sentiments, en raison des moyens sémantiques et phoniques qui sont lessiens.

Car la poésie est un usage singulier du langage qui exploite autant que possible ses ressources propres afind'exprimer de manière optimale les sentiments qui habitent l'auteur du poème, lequel utilise le plus souvent, et demanière significative, le pronom personnel « je ».

Prenons l'exemple de ce poème fameux de Paul Verlaine, tire durecueil Romances sans paroles : « Il pleure dans mon cœurComme il pleut sur la ville,Quelle est cette langueurQui pénètre mon cœur? O bruit doux de la pluiePar terre et sur les toits!Pour un cœur qui s'ennuieO le chant de la pluie! Il pleure sans raisonDans ce cœur qui s'écœure.Quoi! Nulle trahison?Ce deuil est sans raison. C'est bien la pire peineDe ne savoir pourquoi,Sans amour et sans haine,Mon cœur a tant de peine! » Ce texte peut passer à juste titre pour un exemple éloquent de notre thèse.

En effet, la poésie est bien le seul. »

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