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Qu'est-ce que "comprendre" une oeuvre d'art ?

Publié le 30/06/2004

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Or, que doit-on entendre par interprétation ? Depuis les travaux de la phénoménologie, il faut comprendre par là qu'il n'y a pas de séparation au sein de l'interprétation entre d'un côté l'oeuvre et de l'autre son interprétation. Pour  Husserl, en effet, il n'y a pas de rapport aux objets qui ne soit déjà médiatisé, c'est-à-dire interprété. Ainsi,  l'oeuvre n'existe en tant que telle que lorsqu'elle est perçue par une conscience, c'est-à-dire interprétée. Dès lors, interpréter ne peut plus se comprendre comme une manière de manquer l'oeuvre ; il s'agit bien plutôt de l'atteindre et de la constituer dans l'interprétation. Comprendre, c'est donc se préparer à interpréter. Umberto Eco rend sensible cette idée lorsqu'il établit une différence entre Lecteur empirique et Lecteur Modèle. En effet, le lecteur empirique, c'est n'importe qui, quand il lit un texte. Celui-ci peut être alors lu de mille manières, aucune loi impose une façon de lire et, souvent, le texte fait office de réceptacle des passions du lecteur, qui proviennent de l'extérieur du texte et que le texte suscite fortuitement. Or, à ce moment-là, le lecteur n'interprète pas le texte, mais il l'utilise ; il le prend pour le miroir de ses sentiments, alors que l'oeuvre est destinée à tous.

    À quoi le fait de comprendre une œuvre d’art renvoie-t-il ? Cela ne peut s’éclairer qu’en identifiant les divers sens attachés au concept de « compréhension «. En effet, comprendre renvoie d’abord à une exigence sémantique, c’est-à-dire à une demande de sens. Or, puis-je dire que j’ai compris une œuvre sitôt que j’en ai dégagé le sens ? Cela sous-entend au moins que l’oeuvre n’aurait qu’un seul et unique sens. Nous devons alors passer à une seconde intelligence du verbe « comprendre «, où il s’agit de le relier à son étymologie (cum-prendere) et au concept d’interprétation. Nous verrons alors que comprendre une œuvre ne peut se dire au sens où je m’exclame « Ca y est, j’ai compris « ; mais au sens où la compréhension appelle un enrichissement constant de notre rapport à l’oeuvre.

« VOCABULAIRE: COMPRENDRE / EXPLIQUER : Comprendre, c'est connaître un phénomène de l'intérieur, par son sens, en déchiffrant sa singularité.

Dans les sciences, expliquer c'est ramener la diversité des phénomènes à des causes(leurs conditions de production) et à des lois permettant d'en faire des cas particuliers. Art : 1) Au sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produisant un résultat non naturel (artificiel).

2) Au sens esthétique moderne, production ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'est-à-dire àsusciter par leur aspect, une appréciation esthétique positive.Oeuvre d'art : ensemble organisé de signes et de matériaux manifestant un idéal de beauté. Peut-on comprendre une oeuvre d'art ? Il semble à première vue qu'une réponse négative s'impose.

D'un côté,l'oeuvre d'art nous renvoie à l'activité d'un être que le génie habite et dont toutes les forces sont tendues vers laréalisation de l'oeuvre.

L'oeuvre résulte d'un acte de création.

On appelle, d'autre part, contemplation l'attitude del'amateur de peinture, de sculpture ou de musique, qui se réduit à la pure réceptivité de l'effet que l'oeuvreprovoque en lui, plaisir ou déplaisir, impression favorable ou défavorable qui paraît ne traduire que la réactionsingulière de sa subjectivité propre.

« J'aime ou je n'aime pas », prononce-t-il, et tout est dit.

Même si l'on hésite àdire avec les Goncourt qu'un tableau est la chose du monde qui entend journellement le plus de bêtises, aussi biende ses admirateurs les plus fervents que de ses détracteurs les plus acharnés, la diversité des appréciationssubjectives n'est-elle pas contradictoire avec l'idée de compréhension ?Si donc on est conduit à récuser le subjectivisme de l'amateur toujours plus ou moins dilettante dont lesappréciations peuvent descendre au niveau de la simple sympathie ou antipathie, devons-nous nous fier à la luciditédu critique ? Mais est-ce comprendre que de disséquer par l'intelligence les qualités ou les défauts d'une oeuvre etl'effort d'analyse intellectuelle n'échoue-t-il pas à rendre compte du plaisir ou du déplaisir que fait éprouver l'oeuvre?Si répandue qu'elle soit, l'expression comprendre en art est-elle pourtant dépourvue de signification ? On peut sedemander si cette double impossibilité qu'on croit constater chez l'amateur et chez le critique tranche la question ousi elle ne recouvre pas une méconnaissance foncière à la fois de la création et de la contemplation.

D'une part, il yaurait le mystère de la création, qu'il est interdit et vain aussi bien de chercher à pénétrer.

Fruit de l'inspiration,l'oeuvre est là, elle se donne, elle est ce qu'elle est et il n'y a pas à remonter au-delà d'elle.

De l'autre, la passivitéde chaque contemplateur, qui spontanément retiendrait de l'oeuvre certains éléments pour sa propre délectation oubien s'en détournerait et la rejetterait.

Plaisir ou déplaisir éprouvé dont le critique ensuite tenterait l'impossibleconfirmation réfléchie.

L'oeuvre ne serait que la source ou l'occasion, voire le prétexte, de l'agrément ou del'aversion qu'elle détermine chez le contemplateur selon sa fantaisie ou son tempérament. * * Il est bien vrai qu'en fait, le plus souvent, l'audition de la composition musicale, la vision du tableau ou de la statuen'entraînent guère d'autres effets.

Mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est point d'artiste que ne révoltel'idée qu'une oeuvre, où il a voulu mettre le meilleur de lui-même, soit réduite par le contemplateur à un jeu etn'engendre qu'impressions aussi superficielles et subjectives que diverses.

Il espère et réclame un public digne d'elle.Il tient à être compris.

Qu'est-ce à dire? Ceci que l'art vise à la communication.

Si nous considérons dans leurscaractères généraux deux arts majeurs comme la musique et la peinture, nous apercevons que l'acte de création s'yconfond avec la constitution d'un univers spécifique.

La musique opère la transmutation des bruits en sons, dont lapureté et la continuité (qu'il s'agisse de la voix humaine ou des instruments) attestent l'opération et la maîtrise del'homme, comme celle des mouvements naturels en rythmes.

Par cette double métamorphose, elle nous ravit aumonde de la pratique pour nous plonger dans l'univers musical propre à chaque musicien.

On retrouve toujours dansla peinture une transmutation analogue, même quand elle paraît emprunter toute sa matière aux spectaclessensibles.

Elle recèle, en effet, aussi bien par le choix qu'elle en fait que par la symbolique des lignes, des formes,des valeurs et des couleurs et par l'harmonie plastique qu'elle en compose, une poésie qui incite le spectateur àentrer dans l'univers qu'elle crée.Mais, pour entrer dans cet univers de l'art, il ne faut pas seulement que nous nous prêtions à la musique, à lapeinture, à la sculpture ou à tout autre art, mais que nous nous y donnions.

Bien plus, cette conversion qui nousfait passer du plan perceptif au plan esthétique, chaque artiste l'exige de nous à sa manière.

Comprendre la musiqueou la peinture, c'est sans doute être d'abord capable d'entendre une suite de sons et de rythmes comme mélodie ouharmonie, ou de regarder, selon la célèbre définition de Maurice Denis, « une surface plane recouverte de couleursen un certain ordre assemblées » comme composition plastique.

Mais c'est aussi pénétrer dans l'univers propre dechaque artiste, dans celui de Bach, de Beethoven, de Debussy ou de Bartok, dans celui de Vinci ou de Rembrandt,de Van Gogh ou de Cézanne, et l'accès à l'un de ces univers ne nous dispense pas de l'effort pour entrer dans unautre.Chaque artiste s'incarne dans chacune de ses oeuvres et c'est pourquoi ce qu'exprime l'oeuvre d'art est inséparabled'elle.

En ce sens, toutes les histoires de l'art, toutes les théories esthétiques, tous les traités techniques, siindispensables qu'ils soient (nous y reviendrons), n'ont pour fonction que de nous mettre dans l'état de grâcepropice à la communication et à la compréhension des chefs-d'oeuvre, à l'écoute de ce que Malraux a si bien appeléles « voix du silence ».

Par là, nous découvrons que l'art authentique nous détourne de nous-même et nous tournevers lui.

Et c'est ainsi que l'oeuvre forme le goût.

Elleréprime ce qu'il y a de particulier dans la subjectivité.

« Elle invite la subjectivité, écrit Mikel Dufrenne, [...] à semettre au service de la compréhension au lieu de l'offusquer en faisant prévaloir ses inclinations.

L'oeuvre d'art estune école d'attention.

Et à mesure que s'exerce l'aptitude à s'ouvrir, se développe l'aptitude à comprendre, à. »

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