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Comte de Lautréamont, Les Chants de Maldoror, Chant 2, Strophe 9, 1869: LE POU

Publié le 21/09/2011

Extrait du document

Vous ne savez pas, vous autres, pourquoi ils ne dévorent pas les os de votre tête, et qu’ils se  contentent d’extraire, avec leur pompe, la quintessence de votre sang. Attendez un instant, je vais  vous le dire : c’est parce qu’ils n’en ont pas la force. Soyez certains que, si leur mâchoire était  conforme à la mesure de leurs voeux infinis, la cervelle, la rétine des yeux, la colonne vertébrale,  tout votre corps y passerait. Comme une goutte d’eau. Sur la tête d’un jeune mendiant des rues,  observez, avec un microscope, un pou qui travaille ; vous m’en donnerez des nouvelles.  Malheureusement ils sont petits, ces brigands de la longue chevelure. Ils ne seraient pas bons pour  être conscrits ; car, ils n’ont pas la taille nécessaire exigée par la loi. Ils appartiennent au monde  lilliputien de ceux de la courte cuisse, et les aveugles n’hésitent pas à les ranger parmi les infiniment  petits. Malheur au cachalot qui se battrait contre un pou. Il serait dévoré en un clin d’oeil, malgré sa  taille. Il ne resterait pas la queue pour aller annoncer la nouvelle. L’éléphant se laisse caresser. Le  pou, non. Je ne vous conseille pas de tenter cet essai périlleux. Gare à vous, si votre main est poilue,  ou que seulement elle soit composée d’os et de chair. C’en est fait de vos doigts. Ils craqueront  comme s’ils étaient à la torture. La peau disparaît par un étrange enchantement. Les poux sont  incapables de commettre autant de mal que leur imagination en médite. Si vous trouvez un pou dans  votre route, passez votre chemin, et ne lui léchez pas les papilles de la langue. Il vous arriverait  quelque accident. Cela s’est vu. N’importe, je suis déjà content de la quantité de mal qu’il te fait, ô  race humaine ; seulement, je voudrais qu’il t’en fît davantage.

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