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CONCLUSION CRITIQUE SUR LA PHILOSOPHIE DE NIETZSCHE

Publié le 01/05/2011

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Nietzsche écrivait dès le 4 février 1872: « Je compte sur une marche silencieuse et lente à travers les siècles «. Plus tard, peiné de constater l'insuccès persistant de ses oeuvres les plus profondes et les plus belles, il s'est consolé en espérant que l'avenir lui rendrait justice. Dans Par delà le bien et le mal, il se demande si ce ne sont pas les pensées les plus profondes qui exigent le plus d'années, ou de siècles, avant d'être comprises, comme la lumière des étoiles les plus lointaines met le plus de temps à être perçue. — Dans le Crépuscule des idoles, il se place parmi les « hommes posthumes «, c'est-à-dire ceux que découvrira l'humanité future. Ce n'est pas à la réussite momentanée, c'est à la vie durable de ses écrits qu'il aspire : « créer des oeuvres sur lesquelles le temps essaie en vain ses dents, tendre par la forme et par la substance à une petite immortalité, —je n'ai jamais été assez modeste pour exiger moins de moi «. Dans l'avant-propos de l'Antéchrist, il redit : « Quelques-uns naissent posthumes «, et proclame « Après-demain seulement m'appartiendra «.

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« Il est vrai que Nietzsche se déclare ennemi de la démocratie et de ses aspirations égalitaires.

Ce n'est pas uneraison pour le transformer en un défenseur des sociétés injustes dominées et exploitées par ces riches médiocresqu'il a si bien nommés « la populace dorée ».Il est vrai que Nietzsche a glorifié la lutte, la guerre.

Mais la guerre qu'il approuve n'est pas nécessairement lemassacre, l'extermination des peuples.

C'est la guerre contre nos faiblesses, contre nos lâchetés, d'abord, et,ensuite, contre les ennemis que nous pouvons avoir dans la vie quotidienne, ou que nous pouvons nous choisir dansla vie sociale.

On a déjà cité le passage où ce bon Européen conseille aux nations le désarmement.

La guerre contreles ennemis intéressés du désarmement ou contre l'injustice d'une société soumise à la populace dorée, n'a rien, ensoi, d'antinietzschéen... * * * Même purifié des contre-sens qui l'abaissent, le Nietzschéisme ne peut être, ne doit être, aujourd'hui, accepté sansdiscussion.Il est contraire à l'esprit du maître d'être orthodoxe en quelque matière que ce soit.

Il serait contraire à l'esprit deNietzsche d'être un nietzschéen orthodoxe.Rappelons les dernières phrases de Zarathoustra, dans le chapitre qui termine la première partie du chef d'oeuvre.Le prophète dit à ses disciples :« En vérité, je vous le conseille : éloignez-vous de moi ; défendez-vous de Zarathoustra...

Peut-être vous a-t-iltrompés...« Vous dites que vous croyez en Zarathoustra ? Mais qu'importe Zarathoustra ! Vous êtes mes croyants ? maisqu'importent tous les croyants !.« Maintenant je vous ordonne de me perdre et de vous trouver vous-mêmes »...Par esprit nietzschéen, écartons-nous du Nietzschéisme, pour essayer d'apprécier ce qu'en peut garder un hommed'aujourd'hui. Certes le perspectivisme de Nietzsche est une belle anticipation des plus récentes théories pragmatistes.

Mais onpeut contester ces thèses extrêmes, maintenir l'idée que la vérité n'est pas seulement l'utilité pour l'action.

Il estbien vrai que l'homme, lorsqu'il est soumis à la tyrannie du danger et du besoin, pense surtout pour agir ; mais il estvrai aussi que, libéré de ce double joug, il a plaisir à penser pour penser, en tout désintéressement.

La vérité, mêmesi elle sert à la pratique, ne se trouve point définie par cette conséquence occasionnelle.

Comme l'écrit HenriPoincaré, une proposition scientifique n'est pas vraie parce qu'elle est utile ; elle est utile parce qu'elle est vraie.

Onpeut revenir au Nietzsche de la période dite intellectualiste, et croire, comme lui, à une vérité théorique, qui,correspondant à une vue exacte du réel, met l'accord entre toutes les intelligences humaines.Admettant qu'il y ait une vérité désintéressée dans le domaine de la science pure, on peut croire aussi que le motgarde quelque signification lorsqu'on l'applique au domaine moral.

On peut, déjà, qualifier de vérité morale le fait quetout homme, même l'immoraliste, distingue un bien et un mal, et qu'il met le mal au-dessous du bien.

On évite ainsile grave embarras où se trouve Nietzsche, — et où il a la loyauté d'avouer qu'il se trouve, — lorsque au nom d'undevoir, le devoir de sincérité, il critique et repousse, ou paraît repousser, le devoir en général, et que, par moralité, ils'acharne contre la morale.Admettant une vérité morale qui mettra quelque jour l'accord entre toutes les consciences, comme la véritéscientifique réalise l'entente de tous les hommes compétents, on sera moins sévère que Nietzsche à la moraletraditionnelle.

Il serait absurde ou, en tout cas, exagéré de croire que l'expérience morale de tous les hommes, oude la plupart des hommes, nous ayant précédés, est faite uniquement de préjugés et d'erreurs ; qu'un homme seulpeut utilement repousser toutes les valeurs jusqu'alors admises, créer de toutes pièces une morale nouvelle : unindividu isolé aurait-il avantage à tenter de créer, sans appel aux découvertes antérieures, la géométrie ou laphysique ? Le tragique de la situation de Nietzsche, c'est qu'ayant condamné tout le passé, ou du moins la plusgrande partie du passé, il ne sait plus à quel principe se rattacher pour différencier le bien du mal.

Dans un passagede la Volonté de puissance, où il veut montrer comment « nous allons payer cher le fait d'avoir été chrétienspendant deux mille ans », il déclare que « nous sommes en train de perdre le point d'appui qui nous permettait devivre ; nous ignorons où nous devons diriger nos pas ; nous nous précipitons brusquement dans les évaluationscontraires ».

Mais qui nous garantit la valeur des valeurs nouvelles ainsi acceptées ou proposées par esprit decontradiction ? On a cité déjà les paroles si troublantes par lesquelles, en 1885, il confessait sa détresse morale àsa soeur : « Si je rencontrais un homme capable de m'éclairer sur la valeur de nos idées morales, je l'écouterais, jele suivrais, mais je ne trouve personne,...

je suis seul » ; et aussi l'aveu qu'il formulait deux ans après, c'est-à-direun an avant la fin de sa vie consciente, écrivant à l'un de ses correspondants, Carl Fuchs : « Presque tout ce quej'ai écrit, il faut le rayer »...Sans doute Nietzsche s'appuie, lui aussi, sur une tradition, puisque c'est dans le passé qu'il découvre la « morale desmaîtres ».

On a vu comment il l'oppose à la « morale des esclaves », et comment il propose d'y revenir par sa «transvaluation des valeurs ».

Mais aujourd'hui les arguments historiques et philologiques par lesquels il croit justifierla distinction de ces deux morales semblent peu décisifs.

Il paraît plus conforme à une exacte vue du passé dedégager une tradition commune qui, toujours et partout, plus ou moins nettement, recommande à la fois ledéveloppement des qualités individuelles et la culture des vertus sociales, l'énergie et la justice, le courage et labonté.Dès lors on n'acceptera point toutes les critiques de Nietzsche contre les différentes formes de l'altruisme.

Sonregard aigu a justement discerné tout ce qui se mêle d'hypocrisie, de faiblesse, d'indiscrétion, de tyrannie, dans labonté courante et la pitié banale ; ce n'est pas une raison pour condamner un dévouement intelligent aux autres ni. »

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