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CONFIDENCES DE BOILEAU

Publié le 27/06/2011

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Boileau a composé douze Epîtres qui, comme les douze Satires, sont à ranger en trois groupes : les cinq premières furent écrites entre 1669 et 1674 ; les quatre suivantes, de 1675 à 1678 ; les trois dernières, de 1694 à 1697 seulement. Boileau fit la Ire en 1669 ; il la remania en 1672 ; la IIIe en 1670-1672, la IVe en 1672, la IIe en 1673, la Ve en 1674. Il publia la Ire en 1670 dans son état primitif, en 1672 dans son état définitif ; et dans la même année la IVe ; en 1674, il réunit les quatre premières ; à la fin de l'année, il fit paraître à part la Ve. Dans le second groupe, c'est la IXe qui fut d'abord composée, en 1675 ; en mars-avril 1677, la VIP ; en juillet-août, la VIe ; en 1678, la VIIIe. La publication en fut faite dans l'édition collective de 1683. La Xe fut écrite en 1694-1695 ; la XIe en 1695-1696 ; la XIIe en 1695-1697. La XIe fut publiée en 1696 ; la XIIe en 1697 ; les trois ensemble en 1698.

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« L'Epître IV marque un nouvel effort.

Despréaux le pacifique chante le Passage du Rhin, épisode de la campagne de1672, qui n'eut pas grande importance, mais frappa les imaginations.

Il est plein d'enthousiasme, trop chaud mêmepour nous, et pourtant ses contemporains le trouvèrent trop froid.

Il exalte les exploits de l'armée française ; mais ilest assez embarrassé dans ce rôle emprunté.

Il est plus poète que courtisan, et même plutôt versificateur quepoète.

Il lui faut rimer avec des vocables étrangers : En vain pour te louer ma Muse toujours prêteVingt fois de la Hollande a tenté la conquête.Ce pays où cent murs n'ont pu te résister,Grand Roi, n'est pas en vers si facile à dompter.Des villes que tu prends les noms durs et barbaresN'offrent de toutes parts que syllabes bizarres,Et, l'oreille effrayée, il faut depuis l'Yssel,Pour trouver un beau mot courir jusqu'au Tessel...Et qui peut sans frémir aborder Woërden ?Quel vers ne tomberait au seul nom de Heusden ?...Comment en vers heureux assiéger Doësbourg,Zutphen, Wageninghen, Harderwic, Knotzembourg ? On sent l'ouvrier content de son œuvre.

Mais les critiques furent moins satisfaits : ils n'apprécièrent pas ce mélangede « louange » et de « turlupinade ».

En effet, le satirique prenait un déguisement héroïque et la trompette ne luiallait guère.

A la fin de l'Epître V, à Guilleragues, ou de la VIIIe, au Roi, ailleurs encore, il endosse à nouveau l'habitde courtisan.

Mais il n'est jamais à son aise dans l'éloge ni dans la flatterie.L'épître toutefois est autre chose qu'un geste de courtisan.

Horace l'avait conçue comme une lettre en vers sur unsujet moral ou philosophique.

Le xviie siècle lui a généralement conservé ce caractère, avec Voiture et Boisrobert,et même La Fontaine.

C'est assurément l'exemple du poète latin que Despréaux avait sous les yeux en entrant danscette nouvelle carrière.Horace était un moraliste.

On a coutume de refuser à Boileau cette qualité.

On l'écrase devant Saint-Simon, LaBruyère, Molière ou Pascal.

Certes, il n'a ni philosophie originale ni véritable expérience du cœur ; il est incapable depénétrer profondément dans l'âme humaine.

Ses propos sont tissus de lieux communs.

Et pourtant, quelque banalequ'elle soit, sa morale est sincère ; quelque manque de vigueur qui l'affecte, elle n'est pas sans caractère : elledéfinit bien ce célibataire, bourgeois de Paris, qui déteste ce qui trouble son repos, la guerre et la chicane, qui restefroid devant les grandes actions, n'est pas sensible au point d'honneur, se méfie de tout excès, même de l'excès deraison, qui n'aime pas les nouveaux riches, proteste contre les inégalités criantes, qui se garde de la femme, qui voitun peu partout de la folie ou de la déraison.

C'est une caricature de Montaigne, si l'on veut, mais qui a sonindividualité et est même assez représentative d'un certain milieu français.D'ailleurs un thème poétique a-t-il besoin d'originalité ? L'épître ne peut-elle tirer sa valeur de son tour, de sonenjouement ? Le genre suppose un sujet sérieux.

Boileau ne manque pas à la règle ; les titres qu'on a donnés à sespoèmes le prouvent : Sur les avantages de la paix ; Contre les procès ; Sur la mauvaise honte ; Se connaître soi-même ; Les plaisirs des champs ; De l'utilité des ennemis ; Rien n'est beau que le vrai.

On peut relever des propossemblables dans les Satires ; mais ils n'y font pas l'essentiel.

Dans les Epîtres l'abstraction domine davantage.L'Epître III, à Arnauld, est disposée en quatre mouvements.

L'introduction établit la vanité des tentativesjansénistes pour ramener les protestants à l'Eglise : la mauvaise honte les retient.

Le poète généralise : la mauvaisehonte nous écarte tous du bien.

Un développement historique soutient la thèse : la mauvaise honte a causé lachute d'Adam.

La conclusion montre le poète lui- même retenu par la mauvaise honte lorsqu'il écrit ces vers.La pensée est assez faible et se répète ; l'analyse est parfois incertaine :Des superbes mortels le plus affreux lien, N'en doutons point, Arnauld, c'est la honte du bien.

Des plus nobles vertuscette adroite ennemie Peint l'honneur à nos yeux des traits de l'infamie, Asservit nos esprits sous un joug rigoureuxEt nous rend l'un de l'autre esclaves malheureux...Et pourtant, si l'abstraction gouverne le poème, la réalité le remplit.

Boileau est toujours près des faits.

Dès le débutde cette Epître III, il évoque un événement connu : la polémique entre jansénistes et protestants à partir de 1669 ;la controverse entre Arnauld et Claude, le ministre réformé du temple de Charenton.

Les idées se transforment enpersonnes ; Claude entre en scène, le Démon prend la parole ; plus loin, le libertinage devient un libertin : Vois-tu ce libertin, en public intrépide,Qui prêche contre un Dieu que dans son âme il croit ?Il irait embrasser la vérité qu'il voit ;Mais de ses faux amis il craint la raillerieEt ne brave ainsi Dieu que par poltronnerie. C'est ce qui fait l'enjouement : on trouve partout des scènes et des tableaux, courts et vifs.

Boileau ne nousprésente pas une pensée logique, bien déduite.

La composition de ses poèmes n'est pas même très solide ; leurallure est sautillante.

Ce n'est pas non plus l'habile causerie d'Horace.

Pourtant le poète fera des progrès dansl'épître comme il en a fait dans la satire : la Satire IX est son chef-d'œuvre satirique : l'Epître VI est mieux faite quela IIIe, et la XIe a encore plus de charme que la VIe.. »

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