Devoir de Philosophie

Connaître la réalité est-ce la construire ?

Publié le 22/02/2004

Extrait du document

·         Là où l'observation immédiate voyait des êtres -la science reconnaît  des rapports. Pas plus que le bleu du ciel n'est attribut d'une substance, la chaleur de la laine ou le froid du marbre ne sont les qualités d'un être. Ces données immédiate dissimulent ici la réalité de relations entre mon corps et les objets (le marbre n'est pas « froid » en lui-même mais très conductible). Toutes les propriétés apparentes des choses se ramènent en réalité à des relations avec d'autres choses. C'est ainsi que le poids dépend du champ de gravitation, la couleur d'un objet de la lumière  qu'il réfléchit. La raison ne connaît que ce qu'elle construit Comme le signale Emmanuel Kant dans la Critique de la raison pure, la connaissance de la réalité ne s'est engagée dans la voie de la science que lorsqu'elle a commencé à construire son objet. Hume a fait voler en éclats l'idée courante selon laquelle l'expérience et l'expérimentation valident les lois scientifiques. Or le plus grand philosophe de l'époque, Kant, est persuadé de la vérité de la physique de Newton, que l'on dit dérivée des observations. Kant est par ailleurs sensible à l'argumentation de Hume ce qui le conduit à une contradiction. « Je l'avoue franchement ce fut l'avertissement de David Hume qui interrompit d'abord, voilà bien des années, mon sommeil dogmatique.

Les scientifiques ne perçoivent le réel qu'à travers un système de théories. Toute connaissance implique une construction de la réalité à partir d'hypothèses et de théories épistémologiques déjà constituées. Mais, la réalité est telle que nous la percevons. Il est donc vain de recourir à des constructions intellectuelles pour la comprendre.

« Dans l'expérimentation, la construction des faits est évidente puisquecelui qui expérimente ne retient des phénomènes que les élémentsformulés dans l'hypothèse.

Le fait connu n'est donc pas le fait brut,mais le fait scientifique construit.

C'est pourquoi Galilée a pu écrire que«la bonne physique se fait a priori».

Cela veut dire que le scientifiqueétablit d'abord une théorie, et regarde ensuite si la réalité y «colle». Il ne saurait être question pour Bachelard de nier que la science soit expérimentale.

Mais l'expérimentation scientifique n'a plus rien à voiravec l'observation première.

Elle porte sur des phénomènes qui sont lesproduit de tout le travail de rationalisation et abstraction de l'activitéthéorique de la science.

La science concerne bien des faits, mais lesfaits scientifiques tournent le dos à l' « empirisme coloré » de l'observation première.

Ils sont le résultat d'une production à la foisrationnelle et technique, d'une « phénoménotechnique » : « il faut que le phénomène soit trié, filtré, coulé dans le moule des instruments.

Orles instruments ne sont que des théories matérialisées.

Il en sort desphénomènes qui portent de toute part la marque théorique » (« Le nouvel esprit scientifique »).

Les faits scientifiques ne sont rien moins que des données.

Ce sont des « construits » si l'on peut dire, qui ne trouvent leur pertinence, leur intelligibilité et leur être même qu'à travers un réseau de médiations instrumentales et donc théoriques, puisque les instruments sont la réalisationtechnique ou technologique de théories. Ainsi la science va-t-elle au réel et n'en part pas.

En tout cas, le réel de la science, produit d'une véritableépuration technico-rationnelle, est un résultat.

C'est la deuxième leçon platonicienne.

La réalité quicorrespond au savoir scientifique n'est pas la même que la réalité « phénoménale » de la perception.

C'est en ce sens un monde intelligible.

Bien sûr, ce n'est pas ce monde transcendant et séparé d'essences pures dontparle Platon ; c'est un intelligible construit.

Mais : (a) Il exige bien la déconstruction des apparences. (b) C'est un monde de pures relations intelligibles, un monde de « pensées vérifiées ». (c) Ces relations expriment un ordre « nouménal » du réel, essentiel : les lois de la combustion dans leur abstraction sont plus réelles que la chaleur du feu sur la peau.

Plus objectives. La personne spontanée nous révèle un monde : § Qualificatif (l'univers nous est donné comme un enchevêtrement complexe de sons, de couleurs, d'odeurs qui constituent ce qu'on nommentles « qualités sensibles ») ; § Divers & hétérogène (c'est un fouillis d'événements complexes). § Constitué par des « êtres » distincts et autonomes : trompés par le langage aussi bien que par les sens, nous imaginons que le monde estcomposé de « substances » caractérisées par des « attributs ».

Le marbre est froid, la laine est chaude, le plomb est lourd.

La physique et la chimieprimitives ne font que discourir sur ces données immédiates (les alchimistes,par exemple, voulaient ôter au plomb sa « plombéité » pour communiquer à la « matière première résiduelle » une forme nouvelle et plus « précieuse »,celle de l' « auréité »).

De même la doctrine des quatre éléments n'est que la systématisation de la perception naïve.

N'importe qui distingueimmédiatement l'eau, l'air, la terre, et le feu.

Nous sommes tentés de tenirpour essentiel ce qui s'impose directement à la perception.

Mais ce n'est pasce chemin qui conduit à la science.

On peut regarder la flamme pendant desheures sans rien comprendre à la combustion Bachelard nous l'a bien montré : le spectacle de la flamme aux formes bizarres aux couleurs éclatantes, à lamorsure si cruelle sollicite nos rêveries, réveille et nourrit nos désirs. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles