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courtois, courtoisie

Publié le 07/02/2013

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1   PRÉSENTATION

courtois, courtoisie, notion apparue au sein de la société aristocratique du sud de la France, au tout début du xiie siècle, sous le nom de fin’amor (ou fine amor). Désignant à la fois un art de vivre et d’aimer, un idéal et un code de bienséance aristocratiques, destinés à régir en particulier la conduite amoureuse, elle s’est pour l’essentiel développée dans la sphère littéraire, d’abord dans la poésie de langue d’oc puis, dans la poésie et le roman de langue d’oïl.

2   DÉFINITIONS

L’étymologie de l’adjectif courtois (terme dérivé de cort : la « cour «) nous renseigne sur son sens premier au Moyen Âge. En effet, est dit « courtois « celui qui vit selon l’idéal de noblesse de la cour. Avant le xiie siècle, cet idéal renvoie essentiellement aux valeurs guerrières de la prouesse et de la vaillance. À partir du xiie siècle, le développement de la vie mondaine fait glisser le sens du terme vers des valeurs morales.

La notion de courtoisie apparaît dans le sud de la France vers 1100 dans un milieu aristocratique soucieux de se différencier tant des vilains et des clercs que de la riche bourgeoisie montante. En tant qu’art de vivre, la courtoisie se donne comme l’héritière de l’urbanitas antique : bonnes manières en société, maîtrise du langage et de la culture. Mais c’est aussi une éthique, qui s’organise autour de la générosité et du respect d’autrui. On retrouve pleinement cette éthique dans l’art d’aimer que développe la poésie de langue d’oc : la fin’amor (ou fine amor), littéralement, « amour parfait «. L’idéal courtois, et plus particulièrement celui de la fin’amor, doit être considéré comme un idéal fictionnel : la sphère littéraire est le seul lieu où il s’énonce et se réalise, en contradiction radicale avec les mœurs du temps.

3   L'INVENTION DE LA FIN'AMOR DANS LA POÉSIE DE LANGUE D'OC

La lyrique courtoise se développe à partir des premières années du xiie siècle dans le sud de la France, mais aussi en Catalogne et dans le nord de l’Italie. Il s’agit d’une poésie lyrique au sens propre, c’est-à-dire chantée : le troubadour (du verbe trobar : « trouver «) devait en composer le texte, mais aussi la mélodie.

Les formes poétiques qui constituent la lyrique d’oc sont multiples. La forme la plus représentée est celle que Paul Zumthor a appelée « le grand chant courtois « (la canso). Conformément à l’esthétique qui régit l’ensemble de la création médiévale, du moins jusqu’au xve siècle, la valeur de cette poésie réside moins dans l’expression originale d’une subjectivité singulière que dans l’aptitude à jouer de manière inédite de contraintes communes — en l’occurrence très exigeantes. On distingue généralement trois grands courants poétiques dans la lyrique d’oc :

— le trobar clus (hermétique), illustré notamment par Raimbaut d’Orange ;

— le trobar ric (riche), poésie virtuose qui joue surtout sur la langue et les combinaisons métriques (cf. Arnaut Daniel) ;

— le trobar leu (léger), poésie plus accessible, quoique toujours exigeante (cf. Bernard de Ventadour).

La fin’amor, appelée « amour courtois « au xixe siècle, ne se présente pas comme un art d’aimer précisément réglé. Les tentatives pour l’organiser en un corps de doctrine datent de la fin du xiie siècle (dans le Traité sur l’amour d’André le Chapelain) et du xiiie siècle (avec la casuistique amoureuse des jeux-partis). Il est cependant possible d’isoler quelques constantes.

La première est l’absolue liberté des amants. La relation courtoise suppose le don libre et réversible de soi-même, ce qui implique presque nécessairement une relation adultère : le mariage aristocratique, tel qu’il est pratiqué au Moyen Âge, exclut en effet le principe du libre choix initial et fait du corps de la dame la possession du mari. Le secret est donc au cœur de la relation amoureuse, les amants devant constamment se garder des losengiers, les médisants qui ne songent qu’à les perdre aux yeux du monde. La seconde de ces constantes est l’accent porté sur le désir, désir qui enclenche l’écriture du poème et, qui, dans le roman, suscite l’élan chevaleresque. Pour autant, l’amour courtois n’est pas platonique. S’il suppose une tension entre le désir et sa satisfaction, cette dernière est le plus souvent accordée. L’importance accordée au désir amoureux et à sa maîtrise explique que la dame soit non pas inaccessible, mais difficilement accessible. Cette difficulté est le plus souvent manifestée par l’écart social qui sépare l’amant de la femme aimée, et par la similitude qu’offre leur relation avec le lien qui unit le vassal à son suzerain.

4   LA RÉÉVALUATION DE L'ESTHÉTIQUE COURTOISE DANS LE NORD DE LA FRANCE

À partir du milieu du xiie siècle, des trouvères comme Gace Brulé, Conon de Béthune, et, au xiiie siècle, Thibaud de Champagne et Richard de Fournival, importent l’esthétique courtoise dans la poésie, puis dans le roman (Chrétien de Troyes). De manière générale, les œuvres courtoises de langue d’oïl célèbrent le désir amoureux avec moins de recherche, moins de sensualité et moins de force subversive : Chrétien de Troyes, dans ses premiers romans, tente ainsi d’accorder l’idéal courtois avec les règles de la religion et de la société en mettant en scène des héros unis par les liens du mariage. Cette tentative est toutefois abandonnée dans Lancelot ou le Chevalier de la charrette, et n’est pas reconduite dans la plupart des chefs-d’œuvre romanesques qui s’organisent autour d’une conception courtoise de l’amour : Tristan et Isolde de Gottfried de Strasbourg (v. 1210), le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris (première moitié du xiiie siècle), puis, en Italie, les œuvres de Dante et de Pétrarque.

L’héritage de la lyrique d’oc perdure jusqu’à la fin du Moyen Âge dans des œuvres qui témoignent tout à la fois de la force d’attraction de l’inspiration courtoise et du déclin de l’éthique qu’elle promeut. En témoigne exemplairement la Belle Dame sans mercy d’Alain Chartier (1424), qui en son temps génère un vaste débat sur les conditions de possibilité de l’amour courtois.

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