Un crâne important et des mains, cela définit-il l'homme assez bien (Alain)

Introduction. — Empruntée aux philosophes, la définition de l'homme comme animal raisonnable est devenue si banale que nous la répétons sans penser à sa signification précise. Aussi est-il heureux qu'Alain ait traduit la même idée en cette formule dont le caractère concret force l'attention : « Un crâne important et des mains, cela définit « l'homme « assez bien. « I. — UN CRANE IMPORTANT Pourquoi un crâne ? Notre auteur, en effet, pense beaucoup plus au contenu de la boîte crânienne, au cerveau, qu'au crâne lui-même. D'ailleurs, il s'en faut que les dimensions du crâne soient toujours proportionnelles au volume du cerveau : songeons aux têtes volumineuses des hydrocéphales dont le cerveau est au contraire anormalement petit et les capacités intellectuelles fortement réduites ; à plus forte raison, sont-elles sans rapport avec le développement des circonvolutions cérébrales, développement qui, du point de vue psychique, compte autant sinon plus que le volume ou le poids. S'il parle du crâne, c'est sans doute parce que nous le voyons tandis que son contenu nous reste caché. Mais, le choix de ce mot, inusité dans son contexte actuel, a dû être déterminé également par un autre mobile : dire que le cerveau conditionne la pensée est bien banal, tandis que l'attribution de ce conditionnement au crâne, quoique moins exacte et par-là même assez choquante, présente l'avantage de ne pas passer inaperçue.