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Critique de la raison pure - Emmanuel Kant : Esthétique transcendantale, § 8

Publié le 22/02/2012

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Il est d'abord nécessaire d'expliquer, aussi clairement que possible, notre opinion sur la constitution de la connaissance sensible en général, afin de prévenir tout malentendu à ce sujet.

 

Ce que nous avons voulu dire, c'est donc que toute notre intuition n'est autre chose que la représentation de phénomène ; c'est que les choses que nous percevons par l'intuition ne sont pas en elles-mêmes telles que nous les percevons, et que leurs rapports ne sont pas non plus en eux-mêmes tels qu'ils nous apparaissent ; c'est que, si nous faisons abstraction de notre sujet, ou même seulement de la constitution subjective de nos sens en général, toutes les propriétés, tous les rapports des objets dans l'espace et dans le temps, l'espace et le temps eux-mêmes s'évanouissent, puisque tout cela, comme phénomène, ne peut exister en soi, mais seulement en nous. Quant à la nature des objets considérés en eux-mêmes et indépendamment de toute réceptivité de notre sensibilité, elle nous demeure entièrement inconnue. Nous ne connaissons rien [de ces objets] que la manière dont nous les percevons ; et cette manière, qui nous est propre, peut fort bien n'être pas nécessaire pour tous les êtres, bien qu'elle le soit pour tous les hommes. Nous n'avons affaire qu'à elle. L'espace et le temps en sont les formes pures ; la sensation en est la matière générale. Nous ne pouvons connaître ces formes qu'a priori, c'est-à-dire avant toute perception réelle, et c'est pourquoi on les appelle des intuitions pures ; la sensation, au contraire, est l'élément d'où notre connaissance tire le nom de connaissance a posteriori, c'est-à-dire d'intuition empirique. Ces formes sont absolument et nécessairement inhérentes à notre sensibilité, quelle que puisse être la nature de nos sensations ; celles-ci peuvent être très différentes. Quand même nous pourrions porter notre intuition à son plus haut degré de clarté, nous n'en ferions point un pas de plus vers [la connaissance de] la nature des objets en eux-mêmes. Car en tout cas, nous ne connaîtrions parfaitement que notre mode d'intuition, c'est-à-dire notre sensibilité, toujours soumise aux conditions d'espace et de temps originairement inhérentes au sujet ; quant à savoir ce que sont les objets en soi, c'est ce que nous ne saurons jamais, même avec la connaissance la plus claire de leurs phénomènes, seule chose qui nous soit donnée.

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