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Croire et savoir ?

Publié le 07/02/2004

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Hume montre par là que la croyance est au coeur de la connaissance : elle manifeste la singularité de l'esprit humain dans tous les domaines et non seulement dans le domaine religieux.Je conclus, par une induction qui me semble très évidente, qu'une opinion ou une croyance n'est qu'une idée, qui diffère d'une fiction, non pas en nature ou par l'ordre de ses parties, mais par la manière dont on la conçoit. Mais quand je veux expliquer cette manière, je trouve difficilement un mot qui réponde pleinement à ce dont il s'agit, et suis obligé de recourir à ce que chacun éprouve pour lui donner une notion parfaite de cette opération de l'esprit. Une idée qui reçoit l'assentiment, nous l'éprouvons comme différente d'une idée fictive que la fantaisie seule nous présente. Et cette différence, je m'efforce de l'expliquer par ce que j'appelle une force, une vivacité, une solidité, une fermeté ou une stabilité supérieures. Cette diversité de termes, qui peut sembler si peu philosophique, n'est employée que dans le but d'exprimer cet acte de l'esprit qui nous rend les réalités plus présentes que les fictions, leur donne plus de poids dans la pensée et plus d'influence sur les passions et l'imagination. Pourvu que nous soyons d'accord sur la chose, il n'est pas besoin de discuter sur les termes. [...] J'avoue qu'il est impossible d'expliquer parfaitement ce que l'on éprouve alors, cette manière de la conception. Nous pouvons utiliser des mots qui expriment quelque chose d'approchant.

« Questions à poser d'emblée • Qu'est-ce qui conduit à une approche comparative des deux notions ? (Sur quel terrain, dans quels domaines se constitue le problème ?)• Quelles formes (ou « figures ») prend le rapport en question dans les différents espaces de réflexion que l'on peut distinguer ? En quels termes peut-onexpliciter ce qui est souvent présenté comme une opposition (cf.

les débuts du rationalisme et l'opposition du principe de raison à la foi et au principed'autorité) mais peut aussi avoir le caractère d'un rapport de complémentarité (cf.

plus loin Kant, fondateur de la philosophie critique et, dans uneperspective un peu différente, le point de vue de certains savants).• Quelles déterminations des deux notions rendent la confrontation particulièrement intéressante ?• Il s'agit de deux verbes, ce qui n'est pas indifférent : quelles réalités mentales recouvrent les deux termes, et en quoi s'opposent-elles ou se ressemblent-elles ?• Dans quelles problématiques le rapport proposé prend-il un sens particulièrement significatif ? Analyse succincte du rapport • Dans l'usage courant de la pensée, la croyance peut être présentée (ou perçue) soit comme une réalité sui generis, soit comme le négatif du savoir, oumême son substitut plus ou moins durable.

En fait, la question se pose de savoir s'il s'agit de deux réalités psychiques homogènes.

Ne serait-ce que dansleur mode de formation, savoir et croyance s'opposent : un savoir suppose une acquisition (par un moyen ou par un autre) ; une croyance, dans la mesure oùelle ne met pas directement en jeu l'intellect, peut renvoyer à des conditionnements plus ou moins subis, ou à une interprétation « spontanée » desphénomènes dont on ignore en fait les causes réelles.

Croire et savoir peuvent porter sur le même jugement, comme dans le cas de l'opinion droite (ortédoxa) dont parle Platon.

Il y a alors à définir une différence dans la modalité même de l'activité mentale.

(L'opinion peut coïncider avec le vrai ; le savoirscientifique implique une certaine systématicité des raisons qui le constituent, et déterminent une appréhension nécessaire et maîtrisée du vrai.

L'opinion,de ce point de vue, serait plutôt contingente.)• On peut concevoir, pour approfondir ces remarques, deux façons de thématiser le rapport :— en termes de « limites territoriales ».

Quand je ne sais pas, je ne peux que croire.

L'important est que la différence soit explicite à mes yeux, c'est-à-direqu'elle soit consciente.

Refus de la confusion et de l'obscurantisme ou des blocages dogmatiques auxquels elle peut aboutir (poser une croyance comme unsavoir.

Cf.

sur ce point l'ignorance consciente de soi et non travestie dont fait état Socrate : « Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien », et ladétermination différentielle que propose Kant du savoir et de la croyance).Le fait que la croyance se vive le plus souvent sur le mode d'un savoir, et non comme ignorance consciente d'elle-même donnant lieu à des « conjectures »posées comme telles, est générateur d'obscurantisme, voire de fanatisme.

Il donne lieu à toutes les exploitations politiques possibles (cf.

ci-dessous letexte de Platon évoqué : Gorgias).— en termes de différences nécessaires dans le type d'approche ; la croyance est liée au domaine de l'opinion commune, et admise comme fondementnormal du jugement (cf.

une certaine conception intellectualiste et pragmatiste qui valorise le jugement spontané).

Les croyances seraient bien suffisantespour la régulation de la vie quotidienne (une curieuse rencontre apparaît ici entre le spontanéisme souvent invoqué comme forme essentielle de liberté et lavolonté d'asservissement qui consiste à faire régner la croyance pour désamorcer tout velléité d'esprit critique sur les aspects politiques de ce problème,cf.

Machiavel, Le Prince et Pascal, Pensées, Brunschvicg 294 et 325).

En fait, la valorisation de la croyance au nom du pragmatisme n'est pas toujoursinnocente.

Elle a rarement le statut d'une attitude provisoire pour faire face aux « urgences de l'action » (cf.

Descartes — thème de la morale provisoire,Discours de la méthode III).• Le point de vue éducatif.

Y a-t-il un âge pour la croyance et un âge pour le savoir ? Réfléchir sur deux attitudes très typées : d'une part nier l'existenced'un âge où la croyance est reine, et ce, en parallèle avec la prépondérance des données affectives (« raisonner » l'enfant de façon anachronique) ; d'autrepart, privilégier systématiquement les conditionnements par la croyance, ou valorisant celle-ci. Quelques conceptions philosophiques significatives du rapport • Platon (Gorgias) : distinction de la croyance accompagnée de savoir (et communiquée par une argumentation rationnelle) et de la croyance sans lascience (communiquée ou plutôt imposée par la rhétorique, définie comme « ouvrière de persuasion », recourant à la séduction démagogique, et nes'adressant jamais à la capacité de réflexion des auditeurs).

La conquête et la maîtrise du pouvoir par les Tyrans repose souvent sur une neutralisation del'esprit critique et un développement de la croyance, suscitée de façon multiforme ; cf.

aussi chez Platon la distinction entre philosophie et philodoxie (cultede l'opinion) ainsi que la différence établie entre l'opinion droite et la science ( épistémé).• Aristote (Seconds A nalytiques I, 33).

Distinction de la science et de l'opinion : l'une a pour objet le vrai et le nécessaire ; l'autre est connaissancecommune du vraisemblable.• Saint Augustin.

La foi est fondement d'intelligibilité, dans la mesure où elle est donatrice de sens.

Cf.

Bible (Isaïe VII, 9) : « Si vous ne croyez pas, vousne comprendrez pas ».

Cette antériorité nécessaire de la foi sera d'ailleurs une pierre de touche de toute la théologie chrétienne traditionnelle.

Il s'agitseulement de « chercher à saisir par la lumière de la raison ce que (l'on) possède déjà fermement par la foi.

»• Saint Thomas d'A quin, en reprenant et en adaptant certaines conceptions d'A ristote, approfondit la distinction entre « vérités de la foi » (le vraisemblabledevient certain grâce à la Révélation) et vérités scientifiques : « Que le monde ait commencé est croyable, mais ce n'est ni démontrable, ni connaissablescientifiquement.

C'est un point qu'il est utile de prendre en considération, de crainte que quelqu'un n'ait la présomption de démontrer ce qui est du domainede la foi, et ne s'appuie sur des raisons non nécessaires, qui puissent prêter à rire aux infidèles, lesquels pourraient estimer que c'est pour des raisons decette espèce que nous croyons les vérités de foi ».

(Cf.

Somme théologique, première partie, p.

46).• Kant : « J'ai dû réduire le savoir pour faire place à la foi » (Préface 2' édition de la C ritique de la raison pure).

La philosophie critique, en définissant lesconditions de possibilité et les limites de tout savoir humain, clairifie le problème du rapport entre savoir et croyance de la façon suivante : tout ce qui sortdes limites de l'expérience humaine et par conséquent ne peut être l'objet de connaissance relève de la croyance consciente d'elle-même en tant que telle(foi, conjecture).

Entre autres, les grandes idées de la métaphysique traditionnelle : Dieu, la liberté humaine, l'immortalité de l'âme, etc.• Instrument irremplaçable pour la définition d'une démarche de réflexion autonome, la philosophie tend à libérer l'homme de cette cécité qu'est l'ignorancenon consciente d'elle-même, car occultée par des faux savoirs.

Elle peut ainsi avoir des incidences sur la définition d'un art de vivre où la lucidité nourritl'efficacité pratique.• La mission critique de la philosophie a souvent valu aux philosophes d'être en rupture avec l'ordre établi, notamment chaque fois que les institutions enplace ou les pratiques politiques en vigueur ont pu paraître menacées ou même problématisées par une réflexion qui ne se laisse ni réduire ni intégrer.Socrate (dont Platon relate le procès dans Y Apologie de Socraté) en est un des plus illustres exemples.

Mais avec lui Galilée, Spinoza, Marx, et biend'autres, attestent la situation souvent marginale des philosophes.

Hommes politiques et gouvernants se soucient généralement assez peu d'assurer à laphilosophie la place qui lui revient comme pédagogie de la réflexion critique.

On comprend, a contrario, le désir qui pouvait animer Platon de voir lesphilosophes placés à la tête de la C ité pour mettre fin aux cycle de la corruption et du mensonge.. »

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