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Le Culte Du Travail Dans Candide De Voltaire

Publié le 28/09/2010

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travail

 

Introduction :

       Reposant sur une entière confiance dans la raison humaine pour laquelle il n’est pas de problème insoluble et sur une foi optimiste dans le progrès, l’esprit philosophique du XVIIIème siècle se présente comme un nouvel humanisme dont l’Encyclopédie assure la diffusion. La Cour se voit supplantée par les salons qui développent la solidarité des écrivains plutôt que des rivalités d’attributions et de privilèges. La passion des idées précède parfois le culte de l’art : la science est reine et Voltaire va même jusqu’à mettre en vers les théories de Newton ; l’esprit critique est né, qui se manifeste par l’examen de toute chose à la lumière de la raison. Entre autres genres, Voltaire recourra au conte qui n’est pas cependant chez lui un simple divertissement. S’il laisse dans ce genre littéraire libre cours à sa verve et à son imagination, on y trouve en arrière plan une idée philosophique profonde. C’est dans cette logique que s’inscrit son conte philosophique  publié en 1759, Candide ou l’optimisme une bouffonne satire de l’optimisme béat. A cet effet, au chapitre XXX, Voltaire s’attèle particulièrement à un véritable éloge du travail. Ainsi, le texte soumis à notre étude s’articulera autour d’un plan binaire : le caractère libérateur du travail puis la critique de l’optimisme.  

NB : Précisons tout simplement que notre commentaire composé portera sur le caractère libérateur du travail.  

       Voltaire, à travers son conte philosophique s’est attaché à dénoncer les abus de la société du XVIIIe siècle. Il a excité dans les esprits des sentiments et formé des convictions dont la valeur est toute positive. Conscient que ce monde n’est qu’ « illusion et calamité « mais aussi persuadé que la seule vertu ne suffit pas pour se prémunir contre la méchanceté des hommes, il devient judicieux pour l’homme de trouver une valeur cardinale pouvant donner sens à sa pitoyable condition d’être. Par ailleurs, le travail participait à cet effort puisqu’il est susceptible d’une certaine ouverture. Après avoir mis en relief les infortunes  de ses personnages, il les soumet à une nouvelle idéologie qui constituera la toile de fond de leur existence : le travail.  

   * Le caractère libérateur du travail

       Le travail est une valeur positive qui rend à l’homme sa liberté. Cette vérité incontestable est révélée par le sage turc. Le bon vieillard commence déjà par annoncer qu’il ne mêle pas de ce qui ne le regarde pas : « je ne m’informe jamais de ce qu’on fait à Constantinople «. C’est sur le travail en effet qu’il bâtit son bonheur. Chacun travaille selon ses aptitudes et c’est l’activité productive qui donne la solution aux questions métaphysiques car elle « éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin «. Le travail n’est plus perçu comme une dure nécessité ou simple fatalité à laquelle l’homme ne saurait se soustraire. Il est surtout analysé comme un moyen de parvenir à une dignité plus haute, à une libération. Remarquons la subtilité de Voltaire qui ne fait pas de sermon sur le travail mais qui en dévoile les productions exotiques dans une énumération qui fait plus penser à l’inventaire d’une épicerie de luxe qu’aux produits d’une ferme turque.

      Cette valeur libératrice fait que l’homme devient son propre Prométhée. Il se soustrait de la hantise de ses penchants, de l’amour et de la haine. Mais aussi, en se soumettant aux caprices de son métier, le genre humain devient maître de la nature dont il était esclave. La répétition anaphorique de l’expression « je les cultive « pour parler de ses arpents, témoigne de cette ultime domination. Voltaire par le truchement du vieux turc insinue la maîtrise que l’homme a de la nature. Cependant un constat s’impose à ce niveau.

 Même si l’homme ne tremble plus devant la nature devenue pour lui un simple artifice ; il faut au préalable que ce dernier éprouve la nécessité de se soumettre à son travail. 

En effet, dans les propos de Martin le pessimiste, nous apercevons cette obligation d’avoir une certaine occupation dans la vie « travaillons sans raisonner, c’est le seul moyen de rendre la vie supportable «. La glorification et l’éloge de la « main « supposeraient un éventuel soulagement de la peine des hommes. C’est ce qui d’ailleurs crée toute cette admiration que le personnage principal nourrit à l’endroit du sage : « ce bon vieillard me parait s’être fait un sort bien préférable à celui des six rois avec qui nous avons eu l’honneur de souper «. A cet effet, si l’auteur de L’Ingénu, par le biais de Candide fait une comparaison entre le turc et les monarques qu’il a eus à rencontrer, c’est pour mettre en évidence les bienfaits du travail qui priment toujours sur les « grandeurs «. Ainsi, ces rois évoqués ne sont que l’ombre d’eux-mêmes car ils sont tous gagnés par une certaine prétention. Ils profitaient du fruit de leurs sujets, qui par leur sens du travail deviennent leurs propres maîtres. 

       L’homme en transformant la nature, se transforme lui-même par l’éducation pour devenir humain ; un aspect qui fait défaut aux souverains. Même Martin le pessimiste est convaincu que le salut de l’homme réside dans le travail. En outre, ce dernier ne devra plus rien attendre de la Providence. La naïveté de Candide s’achève au moment de sa rencontre riche en enseignements avec le derviche turc. Il est plus mâture et s’est assagi. Il comprend par ailleurs que l’impérative n’est plus de penser ou de se focaliser sur des rêves ou des suppositions, mais surtout de poser des actes qui permettent à l’homme de s’élever au rang de Dieu. Le  travail est dès lors le seul remède pour conjurer l’infortune de la race humaine : « il faut cultiver notre jardin « devient une maxime du héros voltairien. 

CONCLUSION

        Les contes de Voltaire à l’instar de Candide se construisent dans leur plan et leur style avec une rigueur mathématique : tout vise l’intelligence, tout y fait démonstration. Il s’engagea à fond dans la lutte philosophique. L’intérêt du passage que nous avons eu à étudier réside dans la récurrence du thème du travail au siècle philosophique qui revient comme un leitmotiv. On est donc loin de la pensée providentialiste de Leibniz ou de Pope qui soutinrent que tout est au mieux dans ce monde. La pensée voltairienne transcende toutes ces idéologies qui fondent le bonheur humain et son salut sur la Providence, appelant inconsciemment ou non à la résignation qui serait abandon. On pense ici à la célèbre expression de la préface de l’œuvre : « à l’acharnement du destin, qui est responsable de l’absurdité de notre condition, doit répondre l’acharnement du labeur humain «. En somme, la morale du « jardin « est susceptible d’une certaine ouverture puisque par le travail, l’homme se libère des torpeurs de la vie et échappe aux vices. A dire vrai, c’est la lueur d’espoir qui permettra d’entretenir le flambeau de vie. Candide, c’est donc Voltaire lançant un défi à l’absurde, et recourant; pour subsister, à des consolations dérisoires. 

 

Bibliographie

VOLTAIRE. Candide ou de l’optimisme. Paris : Pocket, juillet 1998.

BRUNEL, Pierre et HUISMAN, Denis. La littérature française des origines à nos jours. Paris : Librairie Vuibert, 2ème édition, janvier 2005.

LANSON, Gustave et TUFFRAU, P. Histoire de la littérature française des origines à l’époque contemporaine. Paris : Hachette, 1953  

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[ 2 ]. Voltaire s’attaque à la pensée providentialiste de Leibniz et de Pope qui soutenaient que tout est bien dans le meilleur des mondes possibles faisant ainsi abstraction au mal physique, moral et matériel.

[ 3 ]. Candide ou l’optimisme, chptre XXX, p.99

[ 4 ]. Candide ou l’optimisme, chptre XXX, p.107

[ 5 ]. -  idem, ibidem, p.122

[ 6 ]. -  idem, p.134

[ 7 ]. Candide, idem, p.162

[ 8 ]. - idem, p.161

[ 9 ]. Idem, pp.162-163

[ 10 ]. P.17 Préface de Candide par J. Van Den HEUVEL

 

Bonne lecture Abdoulaye Yaya BA UGB Sénégal.

 

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