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La culture générale est-elle un luxe ?

Publié le 18/01/2011

Extrait du document

culture

Proposition de plan

Introduction

I. Qu’est-ce que la culture générale ?

1. La notion de culture générale telle que définie à partir des idéaux humanistes de la Renaissance 2. Vers la fin du XIXe siècle, apparition de la distinction entre culture « scientifique « et culture « littéraire « 3. Jusqu’à la fin du XXe siècle, la culture littéraire comme outil de sélection des élites

 

II. Peut-on faire l’économie de la culture générale ?

1. La culture générale est essentiellement littéraire : les raisons 2. La culture générale : des connaissances luxueuses parce que sans vocation utilitaire ?

 

III. Pour une culture générale aujourd’hui ?

1. L’importance de la culture générale pour accéder à certains postes 2. Une démocratisation peu convaincante de la culture générale 3. Pas d’ « honnête homme « sans une culture générale solidement ancrée dans l’histoire

 

Conclusion

 

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Proposition de rédaction

Introduction Phase d’amorce : présentation du sujet En décembre 2008, le secrétaire d’État à la fonction publique, M. André Santini, a annoncé la suppression des épreuves dites de « culture générale « dans les concours d’accès aux emplois de catégories B et C de la fonction publique ; cette décision était dans l’air du temps puisque aussi bien M. Nicolas Sarkozy, lors de la campagne présidentielle, avait lancé quelques critiques sur la culture générale et les humanités, jugées coûteuses par rapport à leur utilité pratique. La culture générale serait-elle donc un luxe ? Mais de quoi s’agit-il en fait ? En quoi consiste cette culture générale dans les concours mais aussi, de façon plus générale, dans la formation scolaire ? A-t-elle une utilité tangible et, si oui, laquelle ? Existe-t-il une ou des cultures générales ? Nous envisagerons ces questions dans le cadre qui nous intéresse le plus directement, c’est-à-dire celui de la France contemporaine, en prenant particulièrement en compte la question de l’utilité de cette culture générale dans la formation de l’homme, du citoyen et du recrutement des agents de l’État. C’est pourquoi nous nous interrogerons sur le domaine que recouvre la « culture générale «, pour étudier en quoi cette culture constitue quelque chose d’utile ou simplement un luxe dont la France peut se passer. Enfin, nous rechercherons s’il est possible de définir aujourd’hui une nouvelle culture générale adaptée aux besoins de notre temps.

 

Problématique

 

Annonce du plan

 

Développement I. Qu’est-ce que la culture générale ? 1. La notion de culture générale telle que définie à partir des idéaux humanistes de la Renaissance Afin de définir la notion de culture générale et sans remonter jusqu’à l’Antiquité grecque ou romaine avec la paideia et l’humanitas, on peut se référer à l’idéal humaniste de la Renaissance, représenté par un Léonard de Vinci ou un Pic de la Mirandole, le premier reconnu pour le caractère pluridisciplinaire de ses centres d’intérêt, le second étant réputé avoir été le dernier homme à posséder la totalité des connaissances humaines (en tout cas celles de l’Europe du XVe siècle). Cet idéal prévaut à l’époque classique où l’ « honnête homme « des XVIIe et XVIIIe siècles a une culture développée dans différents domaines, l’illustration emblématique de cette ambition s’exprimant dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert où figurent, bien au-delà des articles sur des sujets sensibles comme la politique ou la religion, des centaines d’articles relatifs aux sciences physiques, à l’agronomie ou aux diverses techniques (notamment les « arts mécaniques «). Il est vrai que les rédacteurs de l’Encyclopédie sont nombreux et que plus personne ne peut prétendre à cette époque dominer tous les savoirs humains, mais il s’agit surtout de répondre à un idéal de curiosité universelle. C’est sans doute vers la fin du XIXe siècle et plus encore au XXe siècle que s’exacerbe la distinction, promise à un bel avenir, entre culture « scientifique « et culture « littéraire «, celle-ci se trouvant remise en cause comme critère unique de valeur, d’abord dans les faits, ensuite chez les théoriciens et les idéologues de l’éducation. On sait qu’à partir de la Renaissance et à partir du XVIIe siècle dans les collèges fondés par les ordres religieux se consacrant principalement à l’enseignement, une part importante des études était consacrée à l’étude des langues et littératures latines et grecques ; le lycée napoléonien a en grande partie poursuivi cette tradition, donnant cependant une part plus importante aux sciences, destinées à pourvoir les grandes écoles scientifiques créées sous la révolution et l’empire, ne serait-ce que pour les « armes savantes « comme l’artillerie et le génie. C’est cependant toujours la culture littéraire qui prévaut : les hommes politiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe sont plus souvent des littéraires ou des juristes que des scientifiques ; il faut d’ailleurs noter que la promotion sociale s’effectue à l’époque par les études scientifiques, la méritocratie républicaine réussissant plus facilement à valoriser dans ces études les enfants méritants issus de familles modestes, alors que les savoirs littéraires apparaissent comme la chasse gardée des élites sociales. Si la tendance s’inverse dans les années 1960, les études scientifiques étant conseillées aux meilleurs élèves au motif qu’elles ouvriraient plus de portes, on continue cependant à évaluer la « culture générale « sur des critères qui sont principalement ceux des lettres et des sciences humaines ; ainsi, dans la quasi-totalité des concours figure (sous des appellations diverses comme « français «, « connaissance du monde contemporain «, « entretien avec le jury « voire « grand oral «) une ou plusieurs épreuves visant à apprécier la

 

2. Vers la fin du XIXe siècle, apparition de la distinction entre culture « scientifique « et culture « littéraire «

 

3. Jusqu’à la fin du XXe siècle, la culture littéraire comme outil de sélection des élites

 

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culture et l’aisance à débattre du candidat, qui seraient révélatrices de son aptitude à servir l’administration de l’État. C’est bien cela que semble remettre en cause la récente décision du secrétaire d’État. Doit-on y voir l’idée que la culture générale serait devenue un luxe ? II. Peut-on faire l’économie de la culture générale ? 1. La culture générale est essentiellement littéraire : les raisons

 

Il s’avère donc légitime de se demander si on peut faire l’économie de la culture générale. La première caractéristique de la culture générale est que, contrairement à toutes les autres « matières «, elle ne constitue pas une discipline à proprement parler. Sans doute trouve-t-on dans les librairies et sur Internet de nombreux manuels, fiches ou tests intitulés « culture générale « ; mais quelle est la délimitation de cette culture générale et, d’ailleurs, peut-il exister une délimitation de quelque chose qui est d’emblée présenté comme « général « et donc généraliste ? On ne peut ici échapper à la formule que l’on prête à Édouard Herriot, homme politique de la IIIe République : « la culture générale, c’est ce qui reste quand on a tout oublié « ; vraie ou apocryphe, cette formule, au-delà du caractère humoristique résidant dans la contradiction objective de ses termes, a l’intérêt de faire référence à une acquisition ancienne qui laisse des traces. Pour oublier, encore faut-il avoir su. Ainsi, ce serait bien essentiellement l’enseignement scolaire (et donc non spécialisé) qui apporterait les éléments d’une culture générale, sédimentée au fil des années. N’appartiendrait donc pas à la culture générale (et c’est presque un truisme de le dire) la culture du spécialiste. Voilà peut-être des éléments de réponse aux scientifiques qui voient dans la culture générale une culture « littéraire « à laquelle ils opposent la culture scientifique de niveau universitaire, ou ce qu’ils présentent comme une « culture générale scientifique «. Si l’on considère que la culture générale s’acquiert à l’école (au sens large), c’est la question des matières à étudier qui se trouve posée en termes d’utilité pratique ou de luxe : au-delà des langues anciennes et des langues rares, c’est l’ensemble des matières étudiées dans le secondaire qui se trouve sur la sellette. C’est par excellence le cas de la philosophie qui constitue une spécificité française dans le second degré, la plupart des pays ne proposant cette matière que dans l’enseignement supérieur ; en France, tous les bacheliers (mis à part ceux du bac professionnel) ont bénéficié d’un enseignement de philosophie, avec un horaire variable selon les séries, il est vrai. Là encore, on pourrait dire qu’il s’agit d’un luxe, le raisonnement et la rédaction argumentée pouvant s’enseigner dans le cadre d’autres matières ayant un contenu spécifique plus directement utile ; de même, l’histoire (surtout pour les périodes non contemporaines) les langues anciennes et les arts n’ont pas une utilité immédiate pour une insertion professionnelle ; les langues vivantes elles-mêmes peuvent être taxées de luxe inutile à moins qu’elles ne soient enseignées dans la perspective utilitariste de langues de communication en négligeant civilisation et littérature ; le français peut voir limiter ses ambitions à l’enseignement de la correspondance commerciale ou à la façon de rédiger un CV, et les mathématiques ellesmêmes se verraient réduites aux bases de calcul utiles à la comptabilité ou aux statistiques. Enfin, la question du luxe se pose aussi, et même de façon encore plus marquée, pour l’ensemble de la culture, en tout cas pour le secteur culturel non-marchand : est-ce un luxe d’entretenir des musées, des théâtres subventionnés, des écoles de musique, les Maisons de la culture d’André Malraux, toutes institutions qui échappent à une logique de rentabilité et d’utilitarisme ? Il est curieux de constater que le terme d’encyclopédisme, naguère laudatif, est devenu systématiquement péjoratif dans le discours institutionnel et particulièrement dans celui de l’éducation nationale ; sous couvert de modernisation, ne s’agit-il pas de condamner certaines matières réputées ardues et peut-être coûteuses, comme la philosophie ? De quelle culture générale l’homme d’aujourd’hui a-t-il besoin ?

 

2. La culture générale : des connaissances luxueuses parce que sans vocation utilitaire ?

 

III. Pour une culture générale aujourd’hui ? 1. L’importance de la culture générale pour accéder à certains postes

 

Il est effectivement nécessaire de définir une culture générale idéale pour les citoyens français en ce début de XXIe siècle. Tout d’abord, il convient de comprendre à qui elle sert et selon quelles modalités. Si l’on revient à la récente décision du secrétaire d’État, M. André Santini, on observe d’abord que ne sont concernés que les concours administratifs des catégories B (application) et C (exécution). Ne sont donc pas concernés les concours de recrutement d’enseignants, et pour cause, puisque la

 

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culture générale est « non spécialisée « alors que les enseignants sont recrutés sur des épreuves de spécialité, ni les concours administratifs de catégorie A (conception), ce qui est intéressant car il semble que la culture générale reste un critère valable de sélection pour la catégorie A si elle ne l’est plus pour les catégories B et C ; il apparaît en fait que ce n’est pas tant la culture générale qui est mise en cause que les effets pervers liés à la surdiplômisation des candidats ; en effet, les candidats ayant réellement le niveau requis pour se présenter à la catégorie B (bac) ou à la catégorie C (brevet) sont presque inévitablement surclassés par des candidats plus diplômés et plus aptes à briller, à la fois pour des raisons de savoirs et de savoirfaire, dans les épreuves de culture générale, alors qu’ils pourraient montrer leurs aptitudes dans des épreuves plus techniques. Telle est l’idée du secrétaire d’État. C’est pour la même raison que la culture générale est maintenue dans les concours de catégorie A : l’objectif n’est pas de briller dans des conversations de salon mais d’être capable de traiter des sujets complexes et à rédiger ; on reconnaîtra cependant que la formation universitaire des candidats les rend plus ou moins aptes à réussir dans ces épreuves selon la discipline d’origine. Au-delà des différences de formation des candidats, on n’oubliera pas de mentionner les différences entre les membres des jurys qui donnent à leur conception de la culture générale une coloration spécifique, due aux différences de formation et de génération principalement ; si la culture générale du candidat est regardée comme un critère pertinent de sélection, c’est celle de l’examinateur ou du correcteur qui sera le critère d’évaluation de celle du candidat ; la culture générale de quelqu’un formé dans les années cinquante ou soixante sera très différente, non seulement d’un candidat ayant passé le bac en 2005, mais même d’un autre examinateur âgé, lui, d’une quarantaine d’années ; les connaissances littéraires étaient, avant 68, fondées essentiellement sur les extraits canoniques de Lagarde et Michard, et l’histoire étudiée dans le secondaire était principalement événementielle. On vient de le dire, la culture générale varie selon la formation, l’âge et les centres d’intérêt individuels ; telle personne jugera inadmissible qu’on ne connaisse pas la date de naissance de Louis XIV, une autre que l’on ignore l’œuvre théâtrale de Camus, un autre enfin qu’on n’ait aucune idée concernant l’altitude des satellites géostationnaires. On ne peut donc réhabiliter la notion de culture générale et sa valeur en tant que culture du citoyen et de l’homme curieux qu’en rappelant ce qu’elle doit apporter, loin des apprentissages de la dernière heure ; ainsi, s’il est nécessaire d’avoir des cadres chronologiques permettant de situer l’évolution des idées, le tournant des civilisations et les grands changements politiques, apprendre par cœur des dates n’est pas d’une grande utilité ; en ce sens, connaître « Marignan 1515 « est un luxe de peu d’intérêt si on ne connaît rien des tenants et des aboutissants des guerres d’Italie. 2. Une démocratisation peu convaincante de la culture générale Avant de condamner la culture générale pour crime de luxe, encore faudrait-il savoir si elle n’est pas considérée comme un gadget ; quand fleurissent les quiz de culture générale qui mêlent les sept merveilles du monde, les Jeux Olympiques et la date de naissance de tel chanteur, on se rend compte qu’il s’agit de connaissances pointillistes et qui n’impliquent aucune connaissance de fond ; dans les jeux télévisés, l’animateur répond invariablement « Bien joué !« quand la réponse est bonne, que le candidat l’ait donnée parce qu’il la connaissait ou par hasard. En ce sens, il est certain que les questionnaires de culture générale des concours de catégorie C (contrairement aux épreuves des catégories A et B où l’exercice est une dissertation) permettent plus de s’assurer de la pratique assidue d’un bachotage avec des fiches ou des manuels spécialisés que de la culture personnelle du candidat. La réussite au Trivial Pursuit n’est pas un gage de culture générale. De même, le fait de truffer une dissertation de citations plus ou moins pertinentes et qui ont été apprises par cœur, dans l’idée qu’il serait toujours possible d’en « replacer « quelques unes, constitue l’antithèse de la culture générale : une citation ne prouve rien, elle montre simplement que quelqu’un, avant vous, a pensé la même chose que vous et l’a formulé d’une façon convaincante ; encore faut-il que cette phrase vous soit familière, qu’elle appartienne à vos références ; bref, que vous vous la soyez appropriée ; sinon, il ne s’agit que d’un exercice de style ou d’un jeu de société. Si l’on cherchait une matière emblématique pour la constitution de la culture générale de l’homme d’aujourd’hui, ce serait l’histoire au sens large : c’est vrai pour l’histoire du passé qui permet de comprendre l’histoire de notre temps, c’est évidemment encore plus directement nécessaire en ce qui concerne l’histoire contemporaine ; et cette histoire exige des repères géographiques, qui ne sont pas seulement ceux liés aux frontières historiques. Enfin l’histoire ne connaît pas de limite à son champ d’investigation : histoire des techniques, histoire des idées, histoire de l’art, histoire des courants littéraires, histoire économique, histoire des institutions

 

3. Pas d’« honnête homme « sans une culture générale solidement ancrée dans l’histoire

 

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politiques, histoire des religions… On pourra dire que c’est jouer sur les mots et que le terme d’histoire peut être commodément placé devant toute branche de l’étude humaine ; sans doute, mais il n’en reste pas moins que l’histoire est la matière dont le domaine d’extension est le moins limité et qui, par nature, est la plus interdisciplinaire. Les autres disciplines étudiées au collège et au lycée (littérature, mathématiques, biologie, langues, philosophie) apportent quant à elles des savoirs plus spécifiques mais qui concourent à la formation de la culture générale en développant, au-delà de connaissances spécifiques, le goût pour la réflexion et la curiosité intellectuelle. La richesse du système français d’enseignement secondaire a toujours été de conserver le plus tard possible une formation pluridisciplinaire en évitant une spécialisation excessive, à la différence du système britannique dans lequel l’élève finit par choisir ses matières « à la carte «. On peut enfin faire notre la formule de Jean-Claude Milner dans son ouvrage De l’École écrit en 1984 : « Aucune ignorance n’est utile «. Conclusion La culture générale continue donc, en France, d’être considérée comme un gage d’aptitude à une carrière professionnelle d’un niveau de responsabilité élevée, même si cette exigence peut être pénalisante pour ceux qui briguent des emplois moins élevés ; en ce sens, la décision de ne maintenir cette exigence, dans la fonction publique, que pour les emplois de catégorie A, est compréhensible ; elle n’en confirme pas moins l’importance de la culture générale pour l’accès aux postes de conception. Mais il est clair que la culture générale n’est pas une matière comme les autres ; elle n’est d’ailleurs pas une matière. Produit de notre enseignement secondaire généraliste, elle ne constitue pas un luxe, un simple ornement sans utilité pratique dans la vie personnelle ou professionnelle, mais est le terreau de toute spécialisation ultérieure si l’on entend ne pas succomber à la technocratie et être un « honnête homme « du XXIe siècle.

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