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Dans l'ordre de la tradition et des combats singuliers

Publié le 22/02/2012

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Dans son livre «L'Instinct combatif», Pierre Bovet donne un texte quelque peu abrégé de M.D. Baud-Bovy qui parle fort bien de ces combats de vaches pour la désignation d'une «reine». Le combat des vaches est un des plus curieux moments de la vie pastorale valaisanne. Cette solennité coïncide avec l'enalpage» du bétail, c'est-à-dire avec l'arrivée des troupeaux dans les hauts pâturages. Ces combats de vaches ont une grande importance. A chaque combat la bête qui ressort victorieuse est proclamée «reine» — non seulement par les montagnards, mais en quelque sorte par les vaches elles-mêmes. La reine, dont les fonctions durent toute une année, a le privilège de marcher en tête des troupeaux, et ce privilège s'étend au troupeau même auquel elle appartient; celui-ci, lorsque le bétail se déplace, va devant, c'est lui par conséquent qui déflore le pâturage, qui a «le bon de l'herbe». Le grand jour venu on s'assemble sur le pâturage... De tous côtés paraissent les troupeaux; les vaches, les naseaux ouverts, la tête agitée, poussent des mugissements précipités et insolites. Pour éviter les blessures trop graves on tronque légèrement les cornes des vaches. Une fois cette opération terminée, la bête, sachant le rite et sentant l'heure approcher, fait voler l'herbe et la terre du bout de ses cornes. Les assistants s'écartent laissant un vaste espace à découvert; quelques vaches s'y élancent; le reste du troupeau, mêlé aux spectateurs humains, forme le cercle, et des centaines de têtes cornues se tendent vers l'arène. Après des engagements rapides qui forcent à rentrer dans le rang de jeunes bêtes qui ont présumé de leurs forces, les «prétendantes» sérieuses restent seules en présence et parmi elles la reine de l'année précédente. Enfin tout se décide dans un dernier combat singulier... ...Tout à coup la première vache ramasse sa longue échine, la roidit ensuite, et la reine déracinée glisse sur les genoux, se relève, recule.., lentement d'abord, puis en sautant. Elle se fixe une fois encore, l'autre l'attaque de flanc, multiplie ses assauts, la harcèle. L'ancienne reine cède enfin, elle s'éloigne en se retournant, tandis que l'autre, fièrement, lance de nouveau son défi. Pierre Bovet fait bien remarquer que les vaches n'ont pas toujours vécu en troupeaux domestiques... et qu'ici, cette reine joue un rôle qui, chez les bovidés sauvages, devait, de toute évidence, appartenir à un mâle. Il y a donc là à la fois conservation et transformation de l'instinct. Les actes sont restés les mêmes malgré la domestication; mais, en passant d'un sexe à un autre, ils ont perdu quelque chose de leur signification primitive. Ce combat de vaches (dont la relation date de 1917) est toujours d'actualité dans le canton du Valais en Suisse. C'est une grande fête pour les éleveurs et de nombreux curieux. Altération de l'instinct combatif ou pas, ce spectacle haut en couleur mérite le déplacement d'autant plus qu'il se situe dans un cadre prestigieux.

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