Devoir de Philosophie

Dans quelle mesure nos actes expriment-ils notre caractère ?

Publié le 26/03/2004

Extrait du document

Le plus souvent, nous agissons en nous laissant aller à l'automatisme monté par une longue pratique ou suivant l'impulsion du moment, sans nous arrêter pour examiner les divers partis que nous pourrions prendre et pour faire un choix : le choix est fait d'avance ; il est commandé par notre tempérament et par nos habitudes. Aussi notre conduite est-elle, pour ceux qui nous observent, le miroir le plus expressif de ce que nous sommes. Ensuite, les actes délibérés, comme les autres, manifestent le caractère de celui qui agit : le pouvoir de réfléchir et d'exécuter avec énergie la décision prise ne fait pas moins partie du caractère que l'impuissance de l'aboulique ou l'impulsivité de celui qui est incapable de réflexion. On ne saurait donc le mettre en doute : nos actes expriment notre caractère. Par suite, qui nous voit agir, nous connaît d'ordinaire mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes. B. Précisions et réserves. - Cependant, pour juger du caractère d'un individu d'après sa façon d'agir, il faut savoir observer et avoir l'esprit critique. Tout d'abord, si chacun de nos actes contient un reflet de tout ce que nous sommes, il ne suffit pas d'observer un individu dans un cas particulier pour se faire une idée juste de son caractère : c'est l'ensemble de sa conduite qu'il faut connaître. Sans doute, tout se tient dans l'homme, et quiconque comprendrait parfaitement une seule de nos actions y percevrait un retentissement de toutes nos tendances : jusque dans l'éclat de colère de celui qui est doux comme un agneau, il reste quelque chose qui ne peut s'expliquer que par sa douceur habituelle ; les libéralités de l'avare ne sont pas complètement identiques à celles de l'homme naturellement généreux.

« II.

— DANS QUELLE MESURE NOS ACTES RÉAGISSENT SUR NOTRE CARACTÈRE A.

Précisions et réserves.

— En effet, il serait faux d'attribuer au caractère une malléabilité sans limites et croirequ'en se conformant à une certaine manière d'agir on fixera infailliblement en soi les traits de caractère quenormalement ces manières d'agir expriment.Chacun naît avec une constitution organique et avec un tempérament dans lequel les lignes fondamentales de soncaractère sont préformées et qu'il ne peut guère modifier : un lymphatique ne deviendra pas sanguin et, par suite,manquera toujours d'une certaine vivacité de réaction ; inversement, un sanguin aura toujours des réactions vives ;s'il parvient à se dominer, il se dominera en sanguin, par des coups de frein brusques et n'acquerra jamais laconstance opiniâtre d'un bilieux.

Le tempérament reste la base sur laquelle nous pouvons, par notre activité propre,construire des édifices assez divers ; mais ces édifices ou ces superstructures dépendent étroitement de la base surlaquelle elles reposent et qui reste presque totalement en dehors de notre action.Ensuite, ces superstructures elles-mêmes prennent, à mesure qu'on avance dans la vie, un peu de la solidité deleurs soubassements ; en vieillissant, on perd de la malléabilité des premières années, et un jour vient où, l'habitudeétant devenue une seconde nature, un trait de caractère acquis par l'exercice est lui-même irréformable.

On connaîtl'exemple classique : un arbrisseau tordu peut être redressé par un enfant ; plus tard, quand le tronc se seradéveloppé et que le bois aura durci, l'arbre résistera à des efforts mille fois plus puissants et il se brisera plutôt quede plier.Enfin, même à l'époque où nous avons encore de la souplesse, par exemple durant l'adolescence ou la jeunesse, il nesuffit pas de quelques actes pour nous modifier sensiblement.

Si la formation du caractère est une oeuvre de longuehaleine, la modification du caractère déjà formé est plus lente encore et demande un effort persévérant.

Il ne suffitpas de quelques actes pour corriger un trait de caractère.

Il y faut un entraînement méthodique et sans faiblesse ;aussi William James donne-t-il cette consigne à celui qui prétend réformer quelque chose en lui : « Ne souffrezjamais d'exception tant que l'habitude nouvelle n'est pas sûrement ancrée dans votre vie ».Le caractère présente donc une notable force d'inertie, et des actes répétés sont ordinairement impuissants àl'ébranler.

Il nous arrive durant un temps, soutenus et comme portés par le milieu qui nous entoure, de nousmaintenir à un niveau très élevé et d'agir conformément au type idéal que nous rêvons ; mais ces jours passés, etrevenus à notre solitude, nous nous retrouvons sensiblement les mêmes ; pour avoir, durant quelques jours, vécunotre idéal, nous ne nous sentons pas changés d'une façon appréciable. B.

Les actes réagissent sur le caractère. — Il ne faudrait pas cependant que ces réserves nous amènent à conclure que chacun a son caractère et que, quoi qu'on fasse, on ne le changera pas.Tout d'abord, c'est d'après ce qu'on fait que se forme le principal du caractère.

Sans doute, chacun naît avec sontempérament, mais le tempérament laisse d'innombrables virtualités diverses et même opposées, et celles-là seulesse réaliseront auxquelles la façon d'agir de l'individu en formation donnera consistance.

« Souvent, un premier gesteque l'on fait sans presque y songer, décide irrémédiablement de notre figure et commence à tracer un portrait que,par la suite, tous nos efforts ne pourront jamais effacer ».

C'est pour cela que les parents soucieux de l'éducationde leurs enfants surveillent avec soin leurs premières fréquentations et les premières manifestations de leur activité: ces actions agiront d'une manière définitive sur le caractère en formation.Ensuite, il ne faut pas croire que, une fois le caractère formé, nos façons de réagir dans les différentescirconstances de la vie sont prédéterminées avec rigueur et dans tous les détails.

« Il y a dans chaque humain, ditencore André Gide, un petit peu d'irrésistible et beaucoup de comme il plaira.

Et même la part de l'irrésistible peutêtre réduite».

Notre caractère continue à se former lentement tant que nous sommes capables d'agir.

« Que parlez-vous du moi comme s'il était une chose ? Il n'y a rien en lui que le pouvoir de devenir à chaque instant quelquechose, c'est-à-dire autre chose ».Sans doute, l'influence de chaque acte pris à part reste insensible : elle n'est pas nulle, sinon il faudrait admettrequ'en multipliant les zéros nous pourrions arriver à obtenir un nombre positif.

D'ailleurs, dans le domaine de la vieintérieure, il est bien difficile de constater les changements, précisément parce que tout change sans interruption :nous ne pouvons comparer ce que nous sommes qu'au souvenir de ce que nous avons été, et ce souvenir lui-mêmeévolue à mesure que nous changeons.

C'est donc en nous fondant sur la raison plus que l'expérience que nouspouvons être assurés que notre activité n'est pas vaine et que dans notre vie psychique, plus encore que dans lemonde extérieur, rien ne se perd : tout ce que nous avons fait s'inscrit en nous et devient en quelque sorte notrepropre substance.

Nous nous faisons chaque jour, et la moindre de nos actions contribue à modifier les traits denotre visage. Conclusion. — L'antithèse que nous avons tâché de réduire, Amiel l'avait exprimée en ces propositions paradoxales : « L'homme n'est que ce qu'il devient, vérité profonde ; l'homme ne devient que ce qu'il est, vérité plus profondeencore.

» Ces deux assertions ne sont pas aussi contradictoires qu'il paraît à première vue : nous ne serons jamaisque ces virtualités que notre nature comporte, et ce que nous ferons dénotera notre naturel ; mais parmi lesmultiples virtualités que recèle notre nature, celles-là seules se réaliseront que notre activité fera surgir de l'ombre :nous ne serons effectivement que ce que nous nous serons faits.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles