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Dans le troisième chant de L'Art poétique (1674), Boileau tire de la pratique théâtrale des observations sur ce qui permet la réussite ou provoque l'échec d'une pièce de théâtre. Pour le choix du sujet et l'organisation de l'intrigue, il s'exprime en ces termes : «Jamais au spectateur n'offrez rien d'incroyable : Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable. Une merveille absurde est pour moi sans appas : L'esprit n'est point ému de ce qu'il ne croit pas.» En prenant appui sur des

Publié le 08/03/2011

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boileau

   Sujet à n'aborder qu'avec une solide connaissance de l'histoire dramatique :    En effet, L'Art poétique de Boileau ne semble pertinent que pour une époque très précise et très particulière (le classicisme) de l'histoire du théâtre. Vous devez donc posséder une vue d'ensemble sur les diverses conceptions qui ont pu caractériser le théâtre jusqu'à notre époque contemporaine, afin d'appuyer vos arguments de contre-exemples précis.

boileau

« 2.

Autour de la notion de « vraisemblable » Soulignons que L \Art poétique de Boileau ne fait que recristalliser des préceptes relatifs au genre dramatique,établis en corps de doctrine bien avant 1660.

La controverse n'est donc pas récente... La notion de « vraisemblable » (et toutes autres règles : bienséance, lieu, temps, action, ton) apparaît sans douteen réaction contre le théâtre baroque, qui (que ce soit dans les ballets de cour, la pastorale dramatique, la tragi-comédie) se caractérise par le recours au merveilleux (présence de personnages exotiques, de monstres, demagiciens : Circé, Protée), la multiplicité des actions et des lieux.

Le théâtre à machines, résume bien la situation dece théâtre qui, basculant dans l'invraisemblable, risquait de se vider de sa propre substance. Ceci explique en partie que les doctes, inquiets de voir la technique dramatique retomber dans l'anarchie, voudront,au nom de la vraisemblance, imposer des règles précises qui instituent chaque genre dramatique.

Ces règles fondéessur la vraisemblance psychologique et historique, et sur la raison, respectent certes les tendances et les goûts dupublic mondain, mais servent souvent à assurer la pérennité d'une esthétique fondée sur la recherche de la « vraiebeauté naturelle », « ni variable ni passagère », « au goût de tous les temps », et « fille de la raison ». II) LE « VRAISEMBLABLE » ET LA « VRAIE » PRATIQUE THÉÂTRALE 1.

La querelle du Cid Cependant les auteurs, bien qu'obligés de se plier à la règle, lui feront parfois subir de sérieuses entorses.

AinsiCorneille défendra le théâtre contre « les spéculatifs » qui ignorent combien « de belles choses », la stricteobservation des règles « bannit notre théâtre ».

Une véritable bataille, la plus significative de l'histoire du théâtre decette époque, s'engage à la suite des représentations du Cid (« la Querelle du Cid »).

Scudery, un des adversairesde Corneille, fait alors cette remarque : « Il est vrai dans la réalité historique que Chimène épousera Rodrigue, mais iln'est pas vraisemblable qu'une fille d'honneur épouse l'assassin de son père.

» Mais n'est-il pas aussi invraisemblable que Rodrigue ait, en vingt-quatre heures, le temps de tuer Don Gormas,d'écraser les Maures, et d'engager à la suite un autre duel ? Rodogune présente également un bon nombred'invraisemblances, mais on pourrait multiplier les exemples...

Molière et (même) Racine tenteront d'échapper euxaussi à cette trop grande rigidité, et en seront accusés. 2.

Les dangers d'une telle contrainte Corneille a beaucoup de mal à rendre vraisemblable la multiplicité des événements qui surgissent dans les vingt-quatre heures présumées de l'action, de même que Molière rend difficilement plausibles certains de sesdénouements.

Mais ne risque-t-on pas, en insérant une représentation dans des régies aussi strictes de tuer en elletoute vitalité, tout ce qui en fait constitue l'essence même du théâtre, une certaine spontanéité? N'est-il pas davantage probant, que les œuvres les plus respectueuses des théories (cf.

la Sophonisbe de Mairet,tragédie régulière type) restent pratiquement inconnues d'un large public ? De même que le théâtre du début duxviiie siècle, trop littéraire et trop désireux d'imiter la tradition classique, n'a produit que des œuvres médiocrespratiquement oubliées. III) UN THÉÂTRE DÉGAGÉ DES CONTRAINTES 1.

Un spectacle Selon notre opinion personnelle le théâtre doit rester d'abord et avant tout un spectacle.

Or, un bon spectacle sepasse aisément de rester vraisemblable, et Shakespeare aurait pu donner une leçon à Boileau, du moins sur ce pointprécis, de la pratique théâtrale.

Dans Le roi Lear, par exemple, où certains messages oraux arrivent soudain àdestination sous forme de messages scellés, où les escortes deviennent des armées (inconséquences d'auteur),l'action se déroule sur plusieurs jours, dans plusieurs lieux, sans que le spectacle ne perde de son homogénéité, nide sa saveur.

La farce du Moyen Age, la comédie d'Aristophane, le théâtre baroque puisaient également leur forcedans un mélange d'invraisemblable et de réel..., et ceci pour le plus grand plaisir du spectateur... Notons encore que les règles mêmes imposées au nom de la vraisemblance par l'époque classique seront remises encause par la thèse paradoxale des romantiques (cf.

préface de Cromwell de Hugo) qui, il faut aussi le reconnaître,n'ont pas toujours compris le théâtre classique comme théâtre de parole dont les règles favorisent la mise en valeurdu langage (cf.

« ce qu'on ne doit point voir qu'un récit nous expose » [Boileau]).

Ainsi, contrairement à ce queprétend V.

Hugo, l'unicité de lieu dans la tragédie classique reste tout à fait vraisemblable, si l'on comprend ce «vestibule », cette « antichambre » comme un lieu symbolique.

Qu'aurait alors pensé Hugo devant les décors requispour Fin de Partie de Beckett (deux personnages y croupissent dans les poubelles).. »

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